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Jean-Claude Ribaut – Le tarama

Une recette de Méditerranée pour un poisson de l’Atlantique Nord

Le tarama que l’on trouve chez les bons fabricants, est une préparation à base d’œufs de cabillaud sauvage des îles Lofoten, modérément salés, fumés au bois de hêtre, égrainés en une fine purée puis émulsionnés avec de l’huile d’olive, du citron frais et de la mie de pain en une pâte onctueuse, à l’exclusion de tout autre ingrédient. Il doit offrir un goût doux et franc, caractéristique des œufs de poisson fumé. C’est un tartinable que l’on déguste à l’apéritif, avec des légumes croquants, des blinis ou sur du pain toasté. 

La Grèce revendique la paternité de cette recette qui était à l’origine à base d’œufs de mulet, appelés poutargue, constituée de grappes d’œufs, séchés et salés (grappes de follicules ovariens) enrobés d’une couche de cire afin de mieux les conserver. Outre la Grèce et la Turquie, la France, l’Italie, le Maghreb et le Portugal sont amateurs de cette spécialité devenue rare et chère, car le mulet est victime de la surpêche en Méditerranée. Alors, on va chercher la poutargue en Mauritanie, au Sénégal et même au Brésil. 

Mais dans la plupart des pays d’Europe, on a remplacé les œufs de mulet par des œufs de cabillaud fumés, beaucoup moins onéreux. Le problème est que le cabillaud est inconnu en Méditerranée. C’est un poisson de l’Atlantique Nord (Norvège, Islande, îles Lofoten, Irlande), lui-même considéré comme une espèce menacée mais dont l’aquaculture a déjà pris le relais.
De fait, le tarama n’est devenu un produit plus accessible que dans les années 1980 lors de son apparition dans les GMS. Depuis, ses volumes de vente n’ont cessé d’augmenter. Désormais, l’industrie agroalimentaire diversifie son offre, en proposant le pire et rarement le meilleur : tarama aux œufs de truite, à la chair de saumon, au corail d’oursin et même aux algues ou aux fines herbes ! En France, souvent, le tarama
a une couleur rose que les consommateurs associent au produit. Or, les œufs de cabillaud sont blancs : ce sont des colorants comme le rouge de cochenille (E124) qui donnent au tarama une teinte rosée. C’est le colorant de la fraise Tagada ! Les principales ventes se font en GMS en libre-service, dans des pots ronds thermoscellables en polypropylène thermoformé avec un couvercle clipsable et refermable, et une DLC restreinte. 

Outre les colorants, les taramas industriels comportent aussi des conservateurs, des acidifiants, des épaississants, et toute la gamme des additifs plus ou moins autorisés par la réglementation européenne et dont les industriels sont friands. Une norme AFNOR NF-V45-072 de mars 1998 a tenté de mettre un peu d’ordre. Sans grand succès, sauf à fixer un seuil minimum de présence d’œufs de cabillaud fixé à 20 %. Il faut donc lire les étiquettes avec attention !

Le tarama doit séduire la clientèle de l’épicerie fine, à la condition de lui offrir une sélection au plus près de l’authenticité de la matière première – un pourcentage suffisant d’œufs de cabillaud sauvage – et en bannissant les colorants et tous les autres additifs. 

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