Pionnière du bio équitable, l’entreprise est devenue une PME florissante qui a bâti son succès en prenant des décisions parfois radicales. Et qui entend poursuivre son développement sans renier sa culture ni son engagement pour la planète.
C’est en 1920 qu’Emile Noël père reprit un vieux moulin à huile à Pont-Saint-Esprit (Gard). Près d’un siècle plus tard, l’huilerie éponyme est devenue le numéro un français des huiles vierges biologiques première pression. La famille est toujours aux commandes en la personne de David Garnier, arrière-petit-fils d’Emile Noël père. Pourtant, l’aventure avait failli tourner court en 1956, lorsque 90 % des oliviers français ont été détruits par le gel. L’opportune décision de remplacer les olives par des graines de tournesol, colza et autres céréales cultivées dans la région a sauvé le moulin…
Un fondateur visionnaire
L’esprit précurseur d’Emile Noël fils a fait le reste. Né en 1929, il a préféré rejoindre son père au moulin plutôt que de poursuivre ses études. En 1966, il lance la mise en bouteille et ouvre ainsi de nouveaux marchés à la marque. En 1972, il prend un tournant majeur en commençant à broyer des graines bio. Engagé auprès de l’association Nature et Progrès, Emile Noël devient ainsi la première huilerie bio en France. Un choix cohérent car les graines et fruits choisis par l’entreprise n’étaient déjà pas ou peu traités et cultivés dans sa région. Mais que la décision était hardie à l’époque ! Le groupe conserve d’ailleurs comme une relique une lettre de la chambre d’agriculture locale affirmant que la bio ne fait partie des “choses sérieuses”… Ce choix
iconoclaste se révélera néanmoins structurant pour les développements à venir de l’huilerie Noël.
“La dimension locale et bio était inscrite dans nos gènes quand les consommateurs ont commencé à s’y intéresser dans les années 1990, rappelle David Garnier. Tout ce qu’on peut trouver en France, nous l’achetons en France. Et ce qui vient d’ailleurs s’intègre dans une démarche de commerce équitable. Nous ne sommes pas des acheteurs mais des partenaires de nos fournisseurs.” Labellisé Biopartenaire pour ses approvisionnements dans les pays du Sud, Emile Noël a ainsi créé dès les années 1980, une filière sésame au Mali qui fait vivre 10 000 producteurs bio. Ont suivi les filières noix de coco (São Tomé), avocat (Guinée et Kenya), noisette (Turquie), beurre de karité (Burkina Faso et Ghana pour les cosmétiques)… Cette implication en amont est un gage de qualité. Celle-ci est garantie par un plan de contrôle comprenant une dizaine d’audits par an, tandis qu’un jury de dégustateurs professionnels valide la trentaine de nouveaux produits lancés chaque année.
De la PME au Groupe Emile
Décédé en 2011, Emile Noël fils avait eu la clairvoyance de préparer sa succession en confiant dès 1994 la présidence de l’entreprise à sa fille, Annick Garnier, et la direction générale à son petit-fils David Garnier en 2007. Ingénieur de formation, formé au marketing et à la gestion, ce dernier a fait ses armes à la tête d’une entreprise de cosmétiques bio partenaire d’Emile Noël. Après avoir pris la succession de sa mère en 2015, ce quadra vient de lancer la PME (33 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2017 et un effectif de 70 personnes) dans un nouveau stade de développement. Au programme : l’ouverture d’un nouveau moulin en 2021 et surtout des projets d’acquisitions de sociétés bio, alimentaires et cosmétiques, “à forte capacité d’innovation”. Pour marquer cette ambition, l’huilerie Emile Noël s’est rebaptisée Groupe Emile l’an dernier.
“Il ne suffit pas d’être bio, il faut aussi mettre en pratique toutes les valeurs qui sont autour et notamment la dimension locale.”
David Garnier
“Nous traversons une phase de structuration et de montée en compétences pour développer d’autres activités et produits à destination d’autres réseaux de distribution que les spécialistes”, explique David Garnier. Première manifestation de cette mue : le lancement l’année dernière de Moulin de mon Père, une marque dédiée à la grande distribution. Un nouveau cap pour l’entreprise qui jusqu’à présent ne s’était diversifiée que par croissance interne – en développant la conserverie dans les années 1980 puis les cosmétiques (marque Emma Noël) dans les années 1990 – et avait fait le choix d’être exclusivement vendue dans les réseaux de distribution spécialisés.
Est-ce à dire que le groupe est en train de changer de nature ? “Aujourd’hui, tout le monde veut faire du bio, y compris les multinationales : nous avons besoin de changer de taille. Mais nous ne sommes pas des industriels : je nous définirais plutôt comme des ‘artisans modernes’, répond David Garnier, avant de conclure : nous voulons garder le cap de produits bons, sains et de qualité. Le bio gourmet, c’est tout ce que nous essayons de faire !”
Du moulin à L’OLIVERAIE
En 2014, Emile Noël a repris une oliveraie abandonnée en Andalousie, à Alameda. Cette “finca” bio est un vieux rêve de David Garnier, président du groupe, où la famille avait l’habitude
de passer ses vacances pendant son enfance.