Président du Comité Français du Café, Jean-Jacques Leuner évoque dans cet entretien, l’évolution du métier de torréfaction et l’action conduite au quotidien par sa fédération pour valoriser une profession en plein renouveau.
LMGC – Le rôle du Comité Français du Café, créé en 1958, est de promouvoir le bon café. Quelle est votre définition du bon café ?
Jean-Jacques Leuner – Un bon café peut être apprécié sans sucre, ni ajout de lait, autrement dit nature, quelle que soit la façon dont il a été réalisé. Un café de spécialité présentera des spécificités de goût beaucoup plus marquées, avec des surprises gustatives et olfactives offrant des arômes différents. On parle par exemple d’arômes d’agrumes, de nez floraux, de chocolat… C’est un café plus sophistiqué, plus pointu qui bénéficie du travail réalisé en amont dans la plantation et d’une plus grande précision sur l’ensemble des étapes conduisant le café à la tasse.
LMGC – Le Comité Français du Café défend par ailleurs les intérêts d’une profession…
J.J.L – Oui et au-delà de la promotion de notre profession, nous assurons une veille sociale et juridique. Nous entretenons par exemple des relations privilégiées avec d’autres syndicats qui nous permettent de fournir toutes les informations nécessaires à nos adhérents. Nous assurons aussi le suivi de l’ensemble des décisions prises au niveau européen…
LMGC – Qui sont vos adhérents ?
J.J.L – Notre fédération regroupe uniquement des indépendants, pas les industriels. On retrouve parmi nos adhérents des petites et moyennes entreprises qui, dans leur grande majorité, sont des torréfacteurs avec une boutique employant entre un et trois salariés. Tous défendent la qualité d’un produit qui doit se démarquer par rapport à la concurrence et il faut reconnaître que l’industrie nous laisse une belle marge de manoeuvre !
LMGC – Le café, via l’attrait pour le café de spécialité, semble toucher une autre génération que l’on identifie via les baristas et les nouveaux torréfacteurs. Êtes-vous en contact avec cette génération et quelles sont les valeurs que vous partagez ?
J.J.L – Nous avons des valeurs communes et un intérêt commun pour les cafés de grande qualité offrant une large variété de goûts provenant, pour cette nouvelle génération en tout cas, uniquement des arabicas… Cette collaboration propose une façon inédite de consommer, des idées fortes ; ces jeunes consommateurs portent un regard différent sur le produit et cet enthousiasme renouvelle le genre…
LMGC – C’est encore progressif mais on constate également l’intérêt de ces consommateurs, souvent jeunes, pour les cafés porteurs de valeurs non seulement gastronomiques, mais éthiques.
J.J.L – En fait, on se retrouve avec des idées anglo-saxonnes valorisant ce que je nommerai plutôt “salon de café” que bar à café. Ces nouveaux clients sont sensibles à un environnement confortable et plus chaleureux qui permet de s’attarder sur le produit. C’est une bonne chose et il faut y être attentif. La seule petite réserve : nous sommes beaucoup plus sur le latte que le café proprement dit. C’est plus attractif visuellement qu’en termes de goût.
LMGC – L’intérêt pour un café de qualité (et même de grande qualité) a-t-il des répercussions sur l’ensemble de la filière ?
J.J.L – Oui, à commencer par les producteurs qui ont fait d’énormes progrès en termes de connaissances et de maîtrise de la chaîne de production. On est clairement monté en gamme et on peut faire le parallèle avec la vigne, puisque l’on trouve désormais de petites parcelles donnant des lots vraiment intéressants qualitativement. C’est une chance car les industriels ne peuvent pas se battre face à ces petites productions se résumant parfois à une dizaine de sacs. Cette montée en gamme leur pose problème, à nous d’en profiter !
LMGC – Les 17 et 18 septembre, votre congrès annuel se tiendra au Double Mixte de Lyon-Villeurbanne. De quoi s’agit-il et qui y est attendu ?
J.J.L – Tous les acteurs du café : nos adhérents, les fabricants de machines de torréfaction, de moulins, les importateurs, les fabricants de produits d’accompagnement… En fait, tout ce qui peut accompagner le café et intéresser nos adhérents : de la vaisselle en passant par l’emballage, les produits de conditionnement, l’étiquetage… Nous attendons un millier de personnes, entre nos adhérents et les épiciers fins avec, lesquels nous partageons souvent les mêmes fournisseurs. On y retrouvera enfin de nombreux baristas pour la partie animation.
LMGC – Cet événement est ponctué par deux concours organisés par le Comité Français du Café : le Meilleur Torréfacteur de France, créé en 2010 afin de valoriser le savoir-faire du torréfacteur et le Meilleur Mélange pour Expresso de France (depuis 2013). Quel est l’impact de ces compétitions ?
J.J.L – Elles permettent aux lauréats d’augmenter leur chiffre d’affaires de 20 à 30 % ; ce qui n’est pas négligeable et correspond à l’intérêt croissant du grand public pour le café de qualité. Pour le concours du Meilleur Torréfacteur, nous présentons neuf candidats sélectionnés parmi nos adhérents. Quatre épreuves les attendent : la première, théorique, porte sur la culture générale du café ; la seconde consiste à identifier cinq ou six cafés à l’aveugle ; la troisième à identifier du café vert et enfin, ils doivent réaliser un mélange précis qui sera noté par un jury de professionnels. Le Concours du Meilleur Mélange pour Expresso rassemblera dix candidats. Leur mélange sera évalué par un jury dont la note comptera pour moitié, le reste de la note étant attribué par les visiteurs du salon.
LMGC – Les Journées du Café – deux jours en mars chaque année depuis 2014 – valorisent le bon café et le savoir-faire des torréfacteurs adhérents du CFC. Quel est l’impact de ces journées et quel accueil lui réserve le grand public ?
J.J.L – Elles rencontrent vraiment un bel accueil. Nous avons retenu le format des deux journées pour que chacun puisse, en fonction de ses possibilités, organiser une animation spécifique dans sa boutique : dégustation, initiation à la torréfaction… L’idée étant de présenter le métier de torréfacteur : un métier de passion intéressant de plus en plus un public lui-même de plus en plus pointu, et en attente d’échanges et de découvertes.
LMGC – L’entrée du métier de torréfacteur dans le concours “Un des Meilleurs Ouvriers de France” est une très belle reconnaissance pour la profession. Pouvez-vous nous en dire plus ?
J.J.L – Le métier de torréfacteur n’est pas reconnu en tant que tel. Par exemple, nous ne pouvons pas avoir d’apprentis, ce qui est très contrariant. À l’avenir, grâce à l’Éducation Nationale, nous pourrons mettre en place une formation de torréfacteur. C’est un grand pas, tout comme l’accès qui s’ouvre au titre de Meilleur Ouvrier de France. Nous nous en réjouissons. Quarante personnes sont d’ores et déjà inscrites et les épreuves – qui se dérouleront au second semestre 2018 – seront un grand événement pour notre corporation. Nous collaborons avec le COET-MOF (Comité d’Organisation des Expositions du Travail) sur ce rendez-vous et sommes en charge du protocole du concours.
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