La confiserie pénalisée par l'arret des néonicotinoides

L’interdiction des néonicotinoïdes inquiète les confiseurs

Alors que les agriculteurs manifesteront à Paris ce mercredi 8 février 2023 suite à l’interdiction définitive de l’usage des néonicotinoïdes pour la culture de betteraves, les confiseurs redoutent, eux, de faire indirectement les frais de cette décision. Elle pourrait en effet engendrer une nouvelle baisse de la production française de sucre. Et donc une nouvelle augmentation des cours de cette matière première de base pour la fabrication des bonbons et autres douceurs. Cette hausse des coûts pourrait mettre en péril nombre d’entreprises de confiserie, redoute Pascal Zundel, PDG de la PME Bonbons Barnier et président de Confiseurs de France.

Pascal Zundel, le président du syndicat professionnel des confiseurs, ne cache pas son inquiétude après l’annulation des dérogations à l’interdiction d’utilisation des semences de betteraves enrobées de néonicotinoïdes.

« Si cela prive les planteurs français de protection contre les pucerons porteurs du virus de la jaunisse, cela pourrait engendrer une baisse d’au moins 20 % de la récolte de betterave et forcer à la hausse le niveau des prix déjà exceptionnellement élevé », poursuit en effet le PDG de Bonbons Barnier. La maladie vient se greffer sur une situation de faible disponibilité de l’offre de sucre en Europe.

Des pesticides « tueurs d’abeille »

Les néonicotinoïdes sont des insecticides qui affectent le système nerveux des insectes. Le plus souvent, ces pesticides sont enrobés autour de la graine et absorbés au cours de sa croissance. Mais ils n’épargnent pas les pollinisateurs qui les absorbent notamment via le pollen et le nectar des fleurs qu’elles butinent. D’où leur surnom de « tueurs d’abeilles ».

En 2016, la France prend les devants. Sa loi sur la biodiversité prévoit l’interdiction des produits à base de néonicotinoïdes pour tous les types de culture à compter de septembre 2018. Des dérogations sont alors prévues jusqu’en 2020. En 2018, l’Union interdit à son tour les « néonics » à l’exception de l’un d’entre eux, l’acétamipride, qui reste autorisé chez nos voisins européens.

Des pucerons porteurs de jaunisse

En 2020, première année de cultures sans néonicotinoïdes en France, catastrophe ! Un automne chaud et humide favorise le développement des pucerons verts porteur du fameux virus de la jaunisse de la betterave. Les rendements chutent de 30 % en moyenne.

Pour compenser, l’État accorde aux betteraviers des aides et une dérogation de trois ans pour les néonicotinoïdes enrobés. La France n’est pas la seule à avoir opéré cette volte-face. Onze pays d’Europe en ont fait autant.

Des dérogations frappées d’illégalité

La Cour de Justice Européenne vient de mettre fin à ces exceptions. Saisie par des apiculteurs et des écologistes belges, elle a jugé le 19 janvier dernier que ces dérogations étaient illégales. Le 23 janvier, le gouvernement français renonce à la dérogation. Dans la foulée, la Confédération générale des betteraviers et la FNSEA du Grand Bassin Parisien appellent à manifester ce 8 février contre la « liquidation de l’agriculture ».

La Commission européenne vient d’adopter un règlement conduisant à une nouvelle réduction des résidus de néonicotinoïdes dans les aliments. Pour éviter les distorsions de concurrence, elle s’applique aussi bien aux productions européennes qu’aux produits importés. Mais un délai leur est accordé jusqu’en 2026 Pour permettre aux pays tiers de s’adapter.

Des alternatives indisponibles

L’État français finance un programme de recherche pour trouver des alternatives aux néonicotinoïdes. L’amélioration génétique des semences demandera du temps. La généralisation de techniques de cultures limitant la prolifération du puceron et encourageant la multiplication de ses prédateurs (coccinelles, syrphes, etc.) aussi.

« Mettre en place des moyens alternatifs aux néonicotinoïdes, personne n’est contre, le tout est de savoir combien de temps sera nécessaire à l’accomplissement de cette mutation », souligne Pascal Zundel. La filière bio reste insuffisamment développée pour devenir un véritable recours. Elle n’a en effet que quelques années d’existence en France.

Un budget sucre en hausse de 15 %

En attendant, les professionnels subissent. « Entre 2021 et 2023, mon budget sucre a plus que doublé alors que les quantités produites ont progressé de 15 %, témoigne Pascal Zundel. Pour l’année 2023, cela représente environ 5 % de mes coûts de revient ».

Selon lui, la marge nette (Ebitda) des entreprises de confiserie est en moyenne inférieure à 10 % de leur chiffre d’affaires. Si la totalité d’entre elles accusent une hausse de cinq points de leurs coûts en sucre et sirop de glucose, « nombre d’entre elles verront leur bénéfice réduit à zéro, voire de devenir déficitaires. Et ce, sans tenir compte des coûts de l’énergie qui flambent eux aussi », déplore-t-il.

Les prix de ventes peuvent-ils encore augmenter ?

L’an dernier, « notre industrie a obtenu des hausses de prix en moyenne compris entre 10 et 20 %. Mais comment faire passer deux années de suite de telles augmentations quand les salaires des consommateurs augmentent au mieux de 3 à 4 % par an ? », interroge le patron des confiseurs. « Espérons que les compensations gouvernementales auront une action modératrice sur le niveau des prix du sucre », poursuit-il.

En septembre dernier, le prix moyen du sucre a atteint 512 € par tonne, soit une augmentation 104 €/t par rapport à septembre 2021, relate le dernier rapport d’activité de Saint-Louis Sucre.Aux dernières nouvelles, la production de la campagne 2022-2023 pourrait être en légère hausse. Mais il n’est pas certain qu’elle suffira à faire baisser les cours. « Il ne nous reste plus à espérer que les conditions climatiques soient défavorables à la prolifération des pucerons… », se résigne Pascal Zundel.

Olivier Costil

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