Qu’est-ce que le yuzu ? Un hybride de mandarine sauvage et de Citrus ichangensis (agrume rustique). Le mot yuzu désigne aussi bien le fruit que l’arbre lui-même qui est de taille moyenne, un épineux au feuillage très vivace.
Le fruit (5 à 8 cm de diamètre) ressemble à un pamplemousse nain, cabossé, vert ou jaune selon sa maturité. Peu de chair entre les gros pépins envahissants ; son goût est acide, entre celui du pamplemousse immature et de la bigarade ou encore de la bergamote de Naples.
Historiquement, l’arbre pousse à l’état sauvage en Chine centrale et jusqu’au Tibet, mais il fut introduit en Corée et au Japon à l’époque où, en Europe, Charlemagne constituait son empire. Ces deux pays le cultivent aujourd’hui et l’ont intégré dans leurs préparations culinaires sous forme de jus en accompagnement du soja, d’extrait, de zeste, comme condiment ou assaisonnement. Son parfum est puissant et singulier. En France, Michel Bachès (66500 Eus) spécialiste des agrumes insolites, cultive le yuzu et en assure la commercialisation.
À Paris, la boutique Kioko (rue des Petits Champs) et Toshiro Kuroda (Workshop Issé) en assurent activement la promotion. Ce dernier en particulier, commercialise une marmelade d’orange au yuzu et une sauce soja/yuzu destinée à accompagner des saint-jacques poêlées. Sirop de yuzu, moutarde au yuzu, sont proposés en ligne par la Maison Thiercelin.
Le grossiste Le Delas (Rungis) commercialise une poudre de yuzu issue des zestes du fruit, utilisée en cuisine, pâtisserie ou traiteur. Très aromatique, elle parfume les beurres, les ganaches, les biscuits, les vinaigrettes, les salades de fruits, les fruits de mer ou encore les poissons ou viandes blanches. Sa saveur fraîche et légèrement poivrée enflamme l’imagination de nombreux chefs qui s’inspirent plus ou moins de la cuisine japonaise.
Le japonisme, par référence au mouvement artistique qui toucha la peinture, la littérature et la musique à la fin du 19ème siècle, influence désormais la cuisine française. Effet de mode assurément, passagère par définition. Car l’ordre de la cuisine japonaise est ténu. C’est le monde de la miniature, le grain de poivre minimal du souvenir. L’art culinaire japonais n’est pas issu de terroirs. C’est une cuisine des usages, où le geste précis signifie un mode d’être et induit une esthétique. Celle du passage parmi les choses incertaines et « mouvantes. »
Ne pas se gaver, découvrir le concentré comme ces « fleurs du cerisier qui s’envolent au vent du printemps aigre. » La cuisine, comme l’art, note Tanizaki, l’auteur de « Éloge de l’ombre », s’enracine au plus profond de la mémoire du Japon, même lorsqu’on offre à ses hôtes le simple fruit du yuzu. Restons « zen », car il n’est pas certain que nos chefs se reconnaissent dans le syncrétisme shinto-bouddhiste en mettant le yuzu à toutes les sauces… japonesques.