Sardines, thon, anchois, maquereaux… Les conserves de poisson font partie du fond de placard des gourmets et tiennent une bonne place sur les étagères des épiceries fines. À côté des recettes les plus traditionnelles apparaissent de nouvelles versions de ces petites boîtes dont le packaging a fait de gros progrès.
Fini les boîtes ouvertes les jours de disette. Les conserves de poisson font aujourd’hui partie des mets de prestige. Pour s’en convaincre, il suffit de voir le nombre de marques qui se sont développées ces dernières années et qui proposent aujourd’hui un large bestiaire : sardines, poulpes, couteaux, moules, coques, maquereaux, anchois, thon blanc germon. Un raffinement et un plaisir qui ont évidemment un prix. Les sardinillas par exemple (le plus petit calibre de sardines) sont travaillées par des mains expertes, éviscérées et étêtées avec soin, séchées sans brutalité, cuites avec une précision horlogère et emboîtées en rosace ou en quinconce.
Serrées comme des sardines. On l’oublie, mais les sardines à l’huile ont longtemps fait partie des mets de luxe qui avaient leur place sur les plus grandes tables du monde. Si aujourd’hui de grands chefs n’hésitent plus à servir les petits poissons dans leur emballage en fer-blanc, une grande partie des boîtes que l’on trouve sont bien loin de ce que les anciennes « friteries » de la côte Atlantique pouvaient proposer. Fabriquées à partir de poissons congelés, ces boîtes n’offrent qu’une qualité médiocre. Pourtant, de petites conserveries continuent à préparer les sardines « à l’ancienne », c’est-à-dire en cuisant les poissons dans un bain d’huile avant d’être longuement égouttés et mis en boîte. Une méthode qui donne une chair plus croustillante et plus ferme que la cuisson à la vapeur utilisée par l’industrie. De plus, cette catégorie « à l’ancienne » ne comprend que des sardines présentant une teneur minimale de matières grasses, afin de garantir leur moelleux. Le ventre doit être brillant et non jauni, la chair de couleur blanche, crème ou légèrement rosée, avec peu d’écorchures et encore moins de taches. Enfin, les poissons doivent être assez petits pour se loger facilement dans les boîtes, sans qu’il soit besoin de les couper. Si une norme Afnor (NF V45-071) définit les règles de ces produits dits « à l’ancienne », leur qualité ne repose que sur le savoir-faire des conserveries artisanales.
S’il reste encore quelques conserveries artisanales en France, l’essentiel des produits haut de gamme vient d’Espagne et du Portugal où la main-d’œuvre est moins chère. Cette production outre-Pyrénées a ses inconditionnels. « En Espagne comme au Portugal ou en Italie, la conserve de poissons et coquillages est vraiment inscrite dans la culture gastronomique. Elle a toujours été utilisée de manière qualitative, avec l’idée de pouvoir consommer d’excellents poissons toute l’année, même en dehors des saisons de pêche », explique José Da Rosa, fin spécialiste des produits méditerranéens. Cela étant, parmi la vingtaine de conserveries françaises, des marques travaillent sans cesse à améliorer leur savoir-faire traditionnel.
Seul regret, la norme n’impose pas d’indiquer la date d’emboîtage. Un élément essentiel pour les amateurs de sardines millésimées. À l’instar d’un vin, il faut savoir que les sardines peuvent se consommer des années après la date limite de consommation (à condition de retourner régulièrement les boîtes pour assurer un moelleux uniforme des poissons). Un festin pour les amateurs avertis qui recherchent ces millésimes qu’ils ne consomment que six à douze, voire quinze ans après la date affichée. Mais toutes les sardines ne peuvent pas y prétendre. Le produit de base doit primer avant tout : il faut des sardines fraîches, pêchées à la meilleure période (la fin de l’été) et avec de petits filets afin que leur chair ne soit jamais compressée. Pêche locale et traitement rapide du produit, cuisson traditionnelle… Toutes ces préparations sont assurées par de petites mains soucieuses du détail tels que la coupe à la main de la nageoire caudale et la disposition dans la boîte (en bleu ou en blanc selon que la sardine est présentée côté ventre ou côté dos). Et bien sûr, l’huile doit être aussi de qualité. Une somme de petits détails pour traiter avec soin un produit d’excellence qui affiche des prix nettement supérieurs aux boîtes de sardines traditionnelles.
Le thon c’est bon. Les sardines ne sont plus les seules stars des conserves de poisson. Le thon, et plus particulièrement la ventrèche, sont recherchés par les gourmets. Cette partie du poisson qui se présente comme une pièce triangulaire située sous la partie inférieure de l’animal, près de la tête, est le summum pour les amateurs. Les poissons doivent être pêchés pendant la période estivale – la meilleure – et la préparation ne peut se faire que de façon traditionnelle. La particularité de la ventrèche est sa proportion de graisse qui apporte une saveur délicate et goûteuse, ainsi qu’une texture particulièrement fondante. Cela étant, ventrèche ou thon, préférez-les à l’huile ou au naturel. Les conserves qui proposent épices et aromates n’utilisent souvent cet artifice que pour donner du goût à une matière première de seconde qualité.
Et les autres conserves ? Pour le maquereau qui provient principalement de la mer du Nord et de la Manche, il est le produit d’une pêche particulièrement difficile en raison des conditions climatiques. Les préparations de qualité sont réalisées à partir de petits poissons, coupés en deux à la main pour ôter l’arête centrale et pouvoir lever les filets. Cuits au court-bouillon, ils sont alors le plus souvent préparés au vin blanc ou avec une sauce moutarde ou à la tomate.
Certaines petites conserveries s’essaient à de nouvelles recettes qui marient les petits poissons bleus à des notes d’agrumes asiatiques ou d’algues qui apportent la petite acidité indispensable. Quant aux coquillages, l’offre est pléthorique même si moules et poulpes jouent les stars. Là encore, la qualité des produits fait la différence : une cuisson maîtrisée, la qualité des ingrédients et le savoir-faire des conserveries justifient l’écart de prix. Enfin, on trouve aussi désormais quelques produits plus confidentiels comme les couteaux au naturel (à consommer en tartare ou accompagnés d’ail et d’huile d’olive), les coques et les palourdes, elles aussi au naturel pour préparer des tapas originales et gourmandes.
Contenu et contenant indissociables. Si les clupéidophiles (les collectionneurs de boîtes de sardines) sont à l’affût des boîtes au charme rétro et se disputent les séries limitées reproduisant des œuvres d’artistes contemporains, de peintres et photographes locaux, cet effort marketing fait partie d’un mouvement plus large. Les conserves de poisson sortent du fond de l’étagère pour se positionner sur le comptoir et attirer le regard des clients. À chacune son style pour attirer le client et faire le bonheur des collectionneurs. Associée à une qualité irréprochable, cette notion de collection permet de créer une nouvelle demande qui surfe sur l’événementiel et la rareté. Un atout supplémentaire pour les épiciers fins.
Béatrice Delamotte