bio la concurence s'aiguise le monde de l'epicerie fine

Bio, la concurrence s’aiguise

Le marché du bio est toujours en plein boom. La grande distribution est à l’offensive, les circuits spécialisés résistent tandis que de plus en plus d’épiceries fines passent à l’action. Chacun avec des réponses différentes.
Comment s’organisent ces différents acteurs pour répondre à la demande toujours plus forte des consommateurs pour les produits bio, une alimentation plus saine, plus respectueuse de la nature et du bien-être animal ?

Bio monde epicerie fineCes dernières années, les ventes de bio en France ont augmenté d’un milliard d’euros par an pour atteindre en 2017, 8,3 milliards d’euros selon l’Agence Bio (Agence française pour le développement et la promotion de l’agriculture biologique). Selon une étude du cabinet Nielsen parue fin octobre à l’occasion du Salon international de l’alimentation (SIAL), 16 % des consommateurs français se disent désormais adeptes du bio et/ou du local. Ils sont ainsi 75 % à acheter au moins une fois par semaine des produits issus de l’agriculture biologique, garantis sans herbicides, fongicides, pesticides de synthèse et OGM. Le succès du bio, même s’il ne représente encore que 5 % des achats alimentaires, ne se dément pas. Il s’explique notamment par l’évolution des modes de vie, les inquiétudes pour la santé, la sensibilisation aux répercussions de l’élevage sur l’environnement ou la défense du bien-être animal. Avec une croissance annuelle qui dépasse les 20 % dans l’Hexagone, le marché du bio suscite donc les convoitises.

Pour conserver son leadership, la grande distribution investit des milliards d’euros. Aujourd’hui, les grandes surfaces représentent 44 % des ventes, devant les magasins spécialisés (34 %) et les circuits en direct (13 %). La grande distribution a fait du bio l’un de ses axes majeurs de développement, à l’image de E.Leclerc qui a réalisé un chiffre d’affaires de 713 millions d’euros sur ce créneau en 2017, et prévoit l’ouverture de 200 Leclerc Bio d’ici à 2020. À la fin de 2017, Auchan inaugurait son premier Auchan Bio à Lille, quand Intermarché prenait au début de l’année, une participation dans Les Comptoirs de la Bio. Carrefour ambitionne de son côté, de multiplier par cinq le chiffre d’affaires du groupe dans le secteur d’ici à cinq ans (1,2 milliard d’euros en 2017). Création de vingt Carrefour Bio, acquisition en 2016 de Greenweez, premier site de vente en ligne de produits bio en Europe et achat des dix magasins de l’enseigne So.bio
cet été ont montré la voie.

Bio de masse et bio qualitatif

De leur côté, les ventes des magasins spécialisés comme Biocoop ou La Vie Claire plafonnent. Elles ont stagné à + 1 % au premier semestre 2018 contre + 17 % au premier semestre 2017. “Les grands industriels de l’agroalimentaire s’emparent du bio. Inimaginable il y a vingt ans. Le bio ne doit pas devenir une agriculture conventionnelle sans pesticides, industrielle et en monoculture, déclare Claude Gruffat, président de Biocoop. Ses fondamentaux agronomiques doivent être respectés et nous sommes vigilants. Il reste à Biocoop à promouvoir ses autres piliers : une agriculture durable, un commerce équitable, une économie sociale et solidaire, un entrepreneuriat coopératif.” La concurrence s’aiguise au point que Biocoop a même fait son arrivée en publicité télé.

Xavier Terlet Monde Epicerie FineXavier Terlet, président fondateur du cabinet XTC world innovation, dépeint un marché du bio qui se scinde en deux : “Il y a un bio de masse et un bio qualitatif, en harmonie avec les valeurs initiales du bio. Ce bio harmonieux apporte d’autres valeurs, comme le bien-être animal, la proximité ou le prix pour le producteur.” Il ajoute : “Aujourd’hui, on sent bien que pour les initiateurs du bio et les consommateurs les plus en pointe sur ce marché, la seule valeur du bio ne suffit pas.”

Les valeurs des circuits bio

Les enseignes spécialistes du bio qui ont lancé ce marché en France, ont été longtemps considérées comme puristes, sectaires ou militantes. Aujourd’hui, ces dernières misent sur leur engagement et leurs valeurs pour continuer à démocratiser le bio, à l’instar de Biocoop. “Les produits Biocoop ne sont jamais transportés par avion et nous respectons la saisonnalité. Nous ne vendons pas de tomates en hiver par exemple. Nous privilégions le local, nos produits sont à 80 % d’origine France et le commerce équitable représente 21,4 % de notre assortiment”, revendique Orion Porta, directeur général du premier réseau bio indépendant avec 1,1 milliard d’euros de chiffre d’affaires en 2017. Priorité donc au local pour contribuer à l’économie des régions, respecter les cycles de production et limiter l’impact sur l’environnement.

Orion Porta Et Claudie Gruffat. Biocoop
Orion Porta Et Claudie Gruffat. Biocoop

Le vrac constitue le coeur de l’approche en termes de choix écologique dans chacun des magasins du réseau Biocoop. Avec le vrac, on achète uniquement ce dont on a besoin et pas plus. La grande distribution n’est pas en reste et réserve une place de plus en plus grande aux produits vendus en vrac, sous label bio. Cela ne touchait que les fruits et légumes il y a quelques années.

Aujourd’hui, cela concerne les fruits secs, les pâtes, le riz, la farine, les céréales, les biscuits, les olives… Que ce soit côté circuits bio comme côté épiceries, il reste des friches d’innovations à exploiter, à commencer par le vrac, le frais ou le healthy.

Vague de naturalité

Il n’y a pas si longtemps, il fallait être bien motivé pour passer la porte d’un magasin bio. Si certains magasins spécialisés misent sur leurs valeurs d’engagement, d’agriculture responsable et de proximité, d’autres jouent désormais sur le bio gourmand. Mais comment rendre le bio gourmand et attrayant ? Là est la question pour les épiceries fines qui souhaitent répondre à la demande de plus en plus forte des consommateurs pour les produits bio. L’enquête exclusive menée au printemps dernier pour le cinquième anniversaire du Monde de l’Épicerie Fine nous a donné un enseignement majeur : le bio devient incontournable.

Pour 64 % des producteurs interrogés, l’offre en épicerie fine va évoluer vers plus de bio, et pour 56 % vers plus de produits healthy. Soixante-seize pour cent des sondés comptent proposer à l’avenir plus de références en bio. On sent au-delà du bio, une vague plus large autour du local, du made in France, de la naturalité. L’explosion du végétal s’inscrit dans ce mouvement.

Bio Monde Epicerie FineParmi les dernières tendances produits, Xavier Terlet note que “le consommateur recherche également des produits qui procurent un plaisir naturellement fonctionnel. Je pense aux ‘superfruits’ et aux superlégumes’ comme le moringa, aux microalgues comme la spiruline, ou aux produits fermentés à l’image du kombucha.” Et de poursuivre : “De toute évidence, il y a une poussée du ‘clean label’ et de tout ce qui touche à l’absence d’ingrédients indésirables : les E, les pesticides, les nitrites, les nanoparticules, le bisphénol A.” Les produits ”sans” s’adressent aux consommateurs végétariens, mais aussi aux intolérants au gluten, aux allergiques au soja, sans oublier les flexitariens (ceux qui souhaitent manger moins de viande pour des raisons de santé et environnementales sans pour autant l’abandonner).

Bio et local

Secrets De RucheAprès avoir été cantonné à un secteur de niche, le bio prend maintenant place aux rayons des épiceries fines. Embruns & Saveurs fait partie de ces commerces qui élargissent leur gamme de bio et s’inscrivent aussi totalement dans les attentes des consommateurs autour du local et de la qualité. “Lorsque j’ai démarré il y a sept ans, il n’y avait pas du tout de bio dans la boutique. Et petit à petit, la demande est venue, sourit Guylaine Bolzer, gérante de cette épicerie fine installée à Mordelles, près de Rennes. Les produits bio que je vends le plus sont les confitures, le thé et les biscuits.”

Les confitures Favols, miels santé, sirop d’agave Nature & Expression, thé English Tea Shop, épices équitables Hénaff, vins Naturgie, bières locales sans oublier le cidre Keltys de la maison Kerné sont quelques-uns des produits bio qui représentent 10 à 15 % des références proposées. “J’ai aussi des clients qui viennent en boutique pour faire des cadeaux et qui précisent : les personnes chez qui nous allons ne consomment que du bio. Que peuton leur offrir ?” Guylaine Bolzer mise également sur des produits qui, sans être labellisés bio, allient plaisir gustatif et équilibre alimentaire, tout en respectant l’environnement et le bien-être animal. “Nombre de mes fournisseurs se dirigent vers une agriculture raisonnée.”

Bio premium

Bio Gourmet Monde Epicerie FineL’ère du premium a sonné pour des PME innovantes et des petites marques pointues qui participent au renouveau d’un bio créatif, gourmand et haut de gamme. Aussi, logiquement, on retrouve le bio gourmet ailleurs que dans les circuits de distribution bio. Carnet de Gourmets, épicerie fine en ligne placée sous le signe du goût, du savoir-faire artisanal et de l’excellence, en est un exemple. À deux ans d’existence, elle se tourne petit à petit vers le bio : Le Chocolat des Français, La Compagnie des Bocaux, Balko, les biscuits sans gluten Generous… “La part du bio est encore minime avec moins d’un quart de nos 400 références, précise Séverine Meynet, gérante de Carnet de Gourmets. Je ne dirais pas qu’il y a une forte demande de bio dans le monde de l’épicerie fine aujourd’hui mais les gens que je côtoie régulièrement sont attirés par le beau, le bon et la qualité.”

Bilan d’étape : qu’il est loin le bio sans goût à l’univers impersonnel ! Les codes du bio empruntent désormais les usages d’autres secteurs comme celui du luxe, sans toutefois perdre l’engagement face aux consommateurs exigeants. L’épicerie fine n’en a pas fini avec le bio. À suivre…

Ronan Le Flécher

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