La récolte française de miels 2024 sera en recul d’environ 40 % par rapport à 2023, annonce l’Union nationale de l’Apicultures Française (Unaf). « Cette année a été celle des extrêmes avec un printemps catastrophique car très pluvieux, du vent, des vagues de froid et gelées tardives », a déclaré Christian Pons, président du syndicat professionnel, à l’occasion de la présentation du prochain Concours des Miels de France.
Les ravages d’un printemps froid et pluvieux
La pluviométrie surabondante et le froid ont provoqué des retards de floraison qui ont empêché les abeilles de se nourrir tout au long du printemps. « Les apiculteurs ont même dû apporter à plusieurs reprises des compléments alimentaires, en plus du miel laissé aux abeilles pour leur alimentation, afin que les colonies ne meurent pas de faim », relate l’Unaf dans un communiqué.
L’Unaf souligne que cela s’est traduit par un « surcoût financier considérable pour les exploitations apicoles et un surcroit de travail harassant pour les apicultrices et les apiculteurs. » Les belles journées de fin juin et début juillet ont toutefois « sauvé la saison d’un désastre annoncé, notamment dans le Sud et dans le Sud-Ouest », précise toutefois le syndicat professionnel.
Les variétés de miels les plus touchées…
Parmi les plus mauvais rendements, les récoltes miels de colza de l’Ouest, du Sud-Ouest et du Centre, habituellement abondantes, ont été décevantes. Sur le pourtour méditerranéen, les miellées de romarin, de thym ou de bruyère blanche ont été des plus réduites. Seuls quelques miels de garrigues ont pu être récoltés tardivement.
La miellée d’acacia a été fréquemment perturbée en raison des gelées tardives ou des orages au moment des floraisons. Les récoltes de miel de montagne, de miel polyfloral, de tilleul, de ronce ont été amoindries dans de nombreux secteurs comme en Bretagne. Les productions de miels de sapin, de bruyère callune et de bruyère d’été s’avèrent confidentielles.
…Et celles qui tirent leur épingle du jeu
La production de châtaignier, en revanche, s’est avérée plutôt satisfaisante « mais parfois irrégulière en raison d’orages qui ont délavé les fleurs », décrit l’Unaf. La récolte miel de lavande, a été le plus souvent bonne en Provence et très bonne dans les nouveaux secteurs de production comme le centre de la France.
La récolte de tournesol varie selon les bassins mais reste meilleure qu’espérée en raison de semis décalés et de conditions météorologiques plus favorables. Dans les zones de luzerne ou de sainfoin les apiculteurs ont pu effectuer parfois de belles moissons.
Une production qui remonte vers le Nord
En première ligne face au déréglement climatique, les apiculteurs perçoivent son aggravation continue depuis une quinzaine d’années. « Certaines fleurs du bassin méditerranéen disparaissent et sont remplacées par des espèces invasives. Les grandes cultures de lavande migrent aujourd’hui vers la Beauce, proche de la Cosmetic Valley. Il y a un déplacement de la production du Sud de la France vers la moitié nord », décrit Christian Pons.
Le président de l’Unaf pointe également le « recul de la diversité culturale ». Le regain d’intérêt pour l’agroforesterie, la replantation des haies, la régénération des sols, etc., est trop récent pour inverser la vapeur. « Nous perdons 20 000 kilomètres de haies par an pour n’en reconstituer que 6 000 et les parcelles agricoles sont de plus en plus grandes », déplore Christian Pons. Le recul de certaines cultures (luzerne, trèfle, tournesol…) et des prairies d’élevage a des effets directs sur la santé des abeilles et la production de miel.
Un tonnage 2024 deux fois moins élevé qu’en moyenne
« Jusqu’au milieu des années 1990, on produisait couramment 32 000 à 33 000 tonnes de miel par an en France mais la réduction drastique des cultures de tournesol a changé la donne, rapporte le secrétaire général et porte-parole de l’Unaf, Henri Clément. En 2024, nous serons autour de 10 000 tonnes ». Si 2023 a été une très bonne année avec 33 900 tonnes récoltées, 2022 n’avait produit que 17 600 tonnes et 2021, 19 800 tonnes.
Le miel français ne suffit plus à répondre à la consommation domestique (45 000 tonnes en 2023). Les imports comblent le déficit avec, juge l’Unaf, de trop faibles garanties sur l’origine réelle et l’intégrité des produits. On sait que ce reproche a conduit le gouvernement français à imposer la mention des origines sur les étiquettes des pots de miel. L’Union européenne lui a emboîté le pas dans un projet de directive qui fait consensus sans avoir encore été adoptée.
Deux fois plus de candidats au Concours des Miels de France
Dans contexte, la bonne nouvelle est qu’il existe toujours en France des apiculteurs passionnés qui cherchent à créer des miels d’excellence. Ainsi, le Concours national des Miels de France attire un nombre croissant de candidats. Créé par l’Unaf en 2017, le concours attirait « entre cent et cent-cinquante candidats les premières années. Aujourd’hui, ils sont plus du double », se félicite Henri Clément, qui en est à l’origine.
Les candidatures au concours 2024 viennent de s’achever. Quelques 350 miels sont en lice, plus une trentaine d’hydromels, 35 pains d’épices et une vingtaine de nougats. Tous seront évalués le 4 février 2025 au Palais d’Iéna, siège du Conseil économique, social et environnemental. L’institution est en effet partenaire du Concours et du programme « Abeilles, sentinelles de l’environnement » de l’Unaf. Seuls les apiculteurs exploitant plus de 50 ruches peuvent concourir.
Olivier Roellinger président
Les produits soumis à dégustation sont répartis en une quarantaine de sections miels, quatre sections hydromel, six sections nougat et une section pain d’épice. « Quand nous avons lancé le concours, on ne parlait pas encore « des » miels mais « du » miel. Nous l’avons lancé pour mettre en valeur la diversité des miels de France », explique Henri Clément. Tous les miels sont analysés au préalable par le laboratoire du Centre Apicole de Recherche et d’Information (Cari), une organisation professionnelle belge, afin de vérifier leur origine, leur composition et leur intégrité.
Cette année le concours sera présidé par Olivier Roellinger, chef étoilé qui – en plus d’être un expert en épices – sert le miel de ses propres ruches aux petits déjeuners de son hôtel . Les jurys sont composés de chefs étoilés, Mof, dégustateurs français et étrangers, journalistes gastronomiques…), de professionnels, des personnalités (élus…) et de simples amateurs de miel pour assurer l’équilibre entre les différents profils.
Ils peuvent attribuer une médaille d’or, une d’argent et une de bronze dans les catégories où plus de trois miel sont représentés. Sinon, le jury peut décerner un « Coup de Cœur ». Mais au total, le nombre de médailles ne doit pas dépasser 30 % du nombre de produits dégustés. Les producteurs primés reçoivent un rouleau de 1 000 étiquettes à coller sur les emballages des produits primés.