Créée en 2016 avec l’ambition de « favoriser l’accès à un mode de vie sain pour le plus grand nombre », le site e-commerce belge réalise aujourd’hui 60 % de son chiffre d’affaires en France. Il a lancé fin 2020 une nouvelle version placée « sous le signe de la « transparence et de la transmission du savoir ».
Fille d’un médecin nutritionniste bruxellois, Emna Everard « baigne dans la nutrition et la santé » depuis toujours. Enfant, son père l’emmenait faire les courses pour lui apprendre à déchiffrer les étiquettes. « En fait, j’avais mon papa Yuka à moi », raconte-t-elle sur son compte Linkedin. En grandissant, elle nourrit de surcroît « une passion pour le digital ». Deux centres d’intérêts qui l’ont conduite, dès la fin de son Master de la grande école de commerce bruxelloise Solvay, à se lancer dans la vente en ligne de produits alimentaires. Pas n’importe lesquels évidemment : le site Kazidomi, qu’elle a créé en septembre 2016 avec son compagnon et camarade de promotion Alain Étienne, propose des produits bio et milite pour une alimentation saine et durable. Le nom est inspiré des mots latins “quasi” (comme) et “domi” (à la maison).
Le modèle économique est fondé sur un abonnement (80 € par an) qui permet au site d’afficher des prix plus bas que les prix publics conseillés sans ruiner ses marges. Il s’appuie également sur « un principe de curation », ajoute Emna Everard dans un parfait franglais. En clair, le site joue un rôle actif de prescripteur. Son assortiment est volontairement restreint à un nombre limité de produits, considérés comme étant, chacun dans sa catégorie,« le meilleur choix en termes nutritionnels, de qualité et de rapport qualité-prix ». Soit 4 000 produits dont X en alimentaire, très loin par exemple des quelques 100 000 de Greenweez, la place de marché du Groupe Carrefour qui est également présente en Belgique. « Nous nous positionnons très fort sur la santé mais nous ne négligeons pas le goût. Chaque produit est goûté individuellement », précise la cheffe d’entreprise. L’offre alimentaire se limite aux produits secs et boissons. « Les produits frais restent trop complexes à gérer sur le plan logistique », explique Emna Everard. L’entreprise n’exclut pas cependant d’en proposer à terme.
Une percée fulgurante
Kazidomi a connu dès son lancement un succès prometteur et a rapidement bénéficié de précieux soutiens dans les milieux d’affaires belges. En 2017, une poignée de business angels sont entrés dans le capital à l’occasion d’une première levée de fonds de 50 000 euros. Parmi ces derniers, on remarque Olivier Coune, qui est notamment l’un des dirigeants de la chocolaterie bean to bar de Pierre Marcolini et Eric Everard, un oncle d’Emna, notamment actif dans l’événementiel (les salons low-cost Easyfairs). L’année suivante, Kazidomi réalise un chiffre d’affaires de 1,3 million d’euros et lève 450 000 euros supplémentaires. Alain Étienne quitte alors son poste de consultant chez Mc Kinsey pour rejoindre officiellement la start-up. « Alain est en charge de finances, des ressources humaines et des opérations, je m’occupe des produits, du marketing et des relations publiques », décrit sa compagne.
En 2018, ce binôme très complémentaire passe la vitesse supérieure. Ils décrochent la certification B Corp (entreprise bienfaitrice) avec 87,6 points sur 250, un bon score dans la mesure où la note médiane des entreprises évaluées est de 50. Parallèlement, Kazidomi intègre l’incubateur HEC de la Station F à Paris en préparation de son implantation en France… En 2020, deux nouvelles levées de fonds d’un total de 7 millions d’euros, assorties de l’ouverture de son capital à deux fonds d’investissement, consolident le décollage de Kazidomi. Les fondateurs ne sont plus majoritaires mais la famille le reste grâce aux parts détenues par Éric Everard. Les fonds récoltés visent à financer le développement des produits à marque propre (115 produits, dont 90 % en vrac) et le développement de la marque en Allemagne. Aujourd’hui, Kazidomi compte 25 000 adhérents, dont 80 % en France. Ces derniers génèrent 60 % du chiffre d’affaires du site contre 30 % en Belgique et le reste dans d’autres pays d’Europe dont l’Allemagne. Le chiffre d’affaires n’est plus rendu public mais, en se basant sur les indications données précédemment par ses deux fondateurs, nous pouvons l’estimer à environ 9 millions d’euros pour 2020 et autour de 25 millions l’an dernier.
Une « encyclopédie » des ingrédients à écarter
Pour poursuivre son développement, Kazidomi vient lancer une nouvelle version placée « sous le signe de la transparence et de la transmission du savoir ». Première manifestation de cette volonté, une « Charte de Sélection » des produits a été mise en ligne. Elle affiche neuf principes généraux de référencement de Kazidomi. Les cinq premiers sont les plus précis : priorité au bio, aux produits pas ou peu transformés, exclusion des aliments à base de viande ou de poisson, compensation carbone (lire encadré), produits adaptés à chaque individu, etc. La charte est complétée par des critères de sélection par catégorie de produit. Pour encadrer sa politique de référencement, l’entreprise a établi une « encyclopédie » d’ingrédients à risques en termes de santé ou d’environnement comme l’huile de palme ou de nombreux additifs. Ils sont classés en trois niveaux (validé, toléré sous certaines conditions et non admis). Cette grille d’analyse s’impose pour le référencement des produits, conduisant à écarter l’huile de palme et nombre d’additifs.
Le dispositif est complété par la création d’un « comité d’experts bien-être et nutrition » composé de consultants externes (à l’exception d’une personne en interne chargé de coordonner le travail du comité). Ils sont sollicités « pour le choix des produits quand notre catalogue d’ingrédients ne permet pas de trancher (10 % des cas), pour nourrir des articles de notre blog et pour intervenir sur certains thèmes en live sur nos réseaux sociaux », précise Emna Everard. Les noms et qualités de ses sept membres sont publiés sur le site. Plusieurs coachs, naturopathes et nutritionnistes voisinent avec une diététicienne agréée et le Docteur Éverard au sein de ce comité à la composition plutôt éclectique auquel il manque peut-être une sommité scientifique de renom pour être parfaitement crédible…
Moteur de recherche par régime ou par éthique
Dernier étage de la fusée, les clients ont la possibilité présélectionner les produits en fonction de leurs préférences alimentaires. Une approche similaire existe déjà sur des sites concurrents comme le franco-espagnol Smartfooding.com. Kazidomi se distingue avec un filtre de recherche très simple positionné sur sa page d’accueil et qui permet d’acheter « par régime ou par éthique » : bio, végétarien, végane, à faible teneur en sucres, en graisses saturées, sans gluten, etc. « Nous avons aussi beaucoup travaillé la partie éducative du site, les recettes, les conseils », relate Emna Everard. Ainsi remis en ordre de marche, Kazidomi entend « devenir la référence de la vente en ligne de produits sains et durable en Europe ». Le site n’est pas encore rentable, sa croissance « plus forte que prévu en 2021 », ayant engendré des coûts supplémentaires. Mais la jeune créatrice affiche l’objectif de devenir bénéficiaire en 2023.