boissons sans alcool

La prolifération des alternatives stimule les boissons sans alcool

Considérées comme plus naturelles ou plus saines, les boissons sans alcool alternatives séduisent les consommateurs qui veulent réduire leur consommation d’alcool ou ne peuvent en consommer. Une nouvelle génération de producteurs et détaillants répond à cette attente de boissons “zéro degré” festives ou gastronomiques. Ils élaborent de nouvelles recettes à partir de techniques innovantes ou de méthodes ancestrales remises au goût du jour.

L’engouement ne se dément pas. Au fil des ans, les boissons sans alcool alternatives (BS2A) tendent à devenir une catégorie à part entière. Ces substituts au vin, à la bière et aux spiritueux se distinguent des boissons sans alcool (BSA) traditionnelles que sont les jus de fruits, nectars, sirops et autres sodas en termes d’habitudes de consommation comme de process de fabrication. Vins ou spiritueux désalcoolisés, infusions ou macérations de plantes médicinales ou boissons fermentées du type kéfir ou kombucha, les alternatives sont variées. “La demande est soutenue par une offre grandissante. Les consommateurs recherchent des boissons plus saines et naturelles”, analyse Laura Chetail, fondatrice de la marque Koko Kombucha. Ce marché émergent est partout en plein boom. La société d’études spécialisée International Wine and Spirit Research (ISWR), qui ausculte annuellement les dix premiers marchés mondiaux des BS2A, (Afrique du Sud, Allemagne, Australie, Brésil, Canada, Espagne, États-Unis, France, Japon et Royaume-Uni), constate ainsi que ceux-ci continuent de gagner des parts de marché sur les boissons alcoolisées et “s’attend à ce que le sans alcool représente près de 4 % des volumes d’ici 2027.”

 

Entre 2019 et 2023, les ventes des boissons sans alcool alternatives ont progressé de 7 % par an en moyenne sur les dix marchés. D’ici 2027, elles devraient encore progresser de 6 %. Malgré ce petit infléchissement, l’ISWR leur prédit un bel avenir. En effet, “la catégorie sans alcool continue d’attirer de nouvelles recrues. Près d’un cinquième (17 %) de tous les consommateurs sans alcool au cours de l’année écoulée étaient des nouveaux venus”, souligne l’institut d’études. La France n’échappe pas à la tendance. L’ISWR table sur une croissance de 9 % par an des boissons dites “no-low” (sans ou à faible teneur en alcool) de 2023 à 2026, selon les données que nous a spécialement communiquées l’ISWR. Le “no” pèse 68 % des volumes et reste la locomotive de la croissance. Selon le Baromètre 2024 Sowine/Dynadata (sondage réalisé en décembre 2023 auprès de 1 058 Français de 18 à 65 ans), la consommation alternative gagne toutes les catégories de boissons alcoolisées, en commençant par les bières sans alcool (65 % des consommateurs), devant les cocktails (48 %) et les vins (10 %).

 

Flexitariens de l’alcool et génération soda

 

L’apéritif et les soirées (respectivement 50 et 48 %) sont les deux premiers moments de consommation d’alternatives, devant les repas (33 %) et d’autres moments (10 %). Leur public n’est plus limité aux consommateurs qui ne peuvent pas boire pour des raisons de santé (femmes enceintes, diabétiques…). “Une tendance majeure du marché du sans alcool est le « flexitarisme » de l’alcool, qui consiste à alterner des périodes de consommation d’alcool avec des périodes de non-consommation. La majorité des consommateurs de sans alcool adoptent ce comportement” constate Alix Besnier, cofondatrice de la marque d’apéritifs à base d’infusions de plantes Jardins. Selon Sowine/Dynata, 52 % des consommateurs fréquents de spiritueux en cocktails et 35 % des grands acheteurs de vins sont aussi buveurs de boissons sans alcool alternatives. L’étude montre également que leur consommation est plus répandue chez les 26-35 ans (41 %, +5 pts vs. 2023) que chez les plus âgés et s’y développe. Ce qui fait dire à Hugues Le Marié, directeur général de la chaîne d’épiceries-caves à manger Les Domaines Qui Montent, que le sans alcool “s’inscrit dans une tendance durable : elle correspond à l’âge adulte de la génération des 25-45 ans dont le palais a été formé par les boissons pétillantes et sucrées.” L’enseigne a récemment fait entrer dans son assortiment trois références de vins désalcoolisés (un par couleur) conçus par la start-up B&S Tech.

 

Un foisonnement de rayons et cavistes sans alcool

 

De la grande distribution aux enseignes les plus sélectives, les détaillants sont de plus en plus nombreux à ouvrir leurs rayons aux alternatives. Monoprix vient de référencer en exclusivité une marque de vins sans alcool, Nuance, déclinée dans les trois couleurs. Le site marchand de La Grande Épicerie de Paris compte quelque 70 références de vins et spiritueux sans alcool. “De plus en plus de cavistes et épicerie fines prennent ce tournant, avec une ou plusieurs propositions en plus des jus de fruits et/ou sirops” témoigne Fanny Gracia, responsable commerciale de la marque belge Nona. Une nouvelle génération de “cavistes sans alcool” émerge dans le sillage de l’enseigne parisienne Le Paon Qui Boit qui, créée au printemps 2022, pense déjà à un développement en franchise. Sanzalc, fondée à Orchies (59) en 2023, vient d’ouvrir une deuxième cave à Lille. La Cave Parallèle a été inaugurée fin 2022 à Nantes, où la start-up Gueule de Joie, un spécialiste de la vente en ligne de BS2A, a lancé sa première boutique il y a dix mois. Elle commence à implanter des corners no-low au sein des caves-bars à vins V and B. La liste ne cesse de s’allonger : “Nous recevons aussi beaucoup de demandes d’information de la part de personnes qui ont le projet d’ouvrir une cave sans alcool.” La liste de ces néo-cavistes, souvent issus d’une reconversion professionnelle, ne cesse de s’allonger. “Nous recevons beaucoup de demandes d’information de la part de personnes qui ont le projet d’ouvrir une cave sans alcool”, observe ainsi Élise Vignaud, cofondatrice de Lissip. Les sirops de la marque, bien que n’entrant pas à proprement parler dans la catégorie des BS2A, s’y intègrent comme compléments pour cocktails.

 

Le secteur de la restauration, un temps en retrait, commence à rejoindre le mouvement. “Avec des mentalités qui ont considérablement évolué sur ce sujet au sein de la communauté des bartenders et des produits qui ont gagné en qualité, le segment des spiritueux sans alcool connaît une croissance exponentielle”, expose Valérie de Sutter, fondatrice de JNPR (prononcer juniper). Née d’une collaboration avec un barman italien, la marque de spiritueux sans alcool à base de genièvre est très implantée dans le réseau des cafés, hôtels et restaurants. Là où les épiceries avaient été précurseurs, le CHR arrive en force pour répondre à la demande. Une étude pointait notamment en 2023 que “41 % des Français boivent des cocktails sans alcool lorsqu’ils sortent. Une révolution !” s’enthousiasme Laura Falque, cofondatrice d’Osco Drinks, autre pionnier des spiritueux sans alcool.

 

Un large spectre, du kombucha aux boissons gastronomiques

 

Ces différents canaux de distribution peuvent compter sur un vivier foisonnant de marques déployant une large palette de recettes. Sur 67 m2, La Cave Parallèle regroupe 500 références de boissons (plus une petite offre d’épicerie apéritive) provenant de 110 fournisseurs. Soit 182 “softs alternatifs”, 112 apéritifs, mocktails et spiritueux sans alcool, 109 bières sans alcool et 97 vins désalcoolisés. Sur 40 m2, Le Paon Qui Boit propose pour sa part 600 références, soit deux fois et demie plus qu’à l’ouverture. “Nous pourrions en proposer beaucoup plus car l’offre est très prolifique et réjouissante. Mais nous ne le ferons pas car cela reste un marché de niche”, précise toutefois Augustin Laborde, fondateur de l’enseigne. L’offre se répartit en cinq rayons : bières 0 % ; boissons douces et fonctionnelles (ginger beers, kéfirs, kombuchas, matés, schorles, boissons au CBD) ; vins tranquilles et pétillants ; spiritueux et apéritifs et boissons dites “gastronomiques”. Ces dernières sont créées pour être servies à table en accord mets-BS2A. Jardins vient de faire un pas dans cette direction avec Bulles de Jardins, une nouvelle gamme de pétillants à boire aussi bien à l’apéritif qu’au cours du repas, ou Archipel avec son kombucha Plein Soleil.

 

La fleur de sureau, arôme du moment

 

Comme beaucoup d’hyperspécialistes, Augustin Laborde considère les boissons dites “miroir”, ces alternatives qui cherchent à reproduire les alcools les plus connus, comme “peu intéressantes gustativement”. Un brin puriste, il préfère “miser sur les créations originales, comme le jun ou l’amazake . Nous cherchons les produits les plus naturels possible, sans sucre ajouté et peu sucrés et des recettes qui surprennent. Par exemple, nous avons récemment sélectionné des boissons naturellement fermentées sarrasin-fleur de sureau réalisées par des producteurs attachés à leur région et à la saisonnalité”, explique le détaillant.

 

Dans l’infinie palette d’ingrédients naturels susceptibles d’entrer dans la composition des boissons sans alcool alternatives, la fleur de sureau semble en effet être la saveur du moment. Maïa Fleur de Sureau, créée par le fils d’un agriculteur cognaçais, a ainsi décroché le bronze dans la catégorie Boissons Sans Alcool au dernier concours des Épicures de l’Épicerie Fine (ex æquo avec Nona Ginger). Koko Kombucha a, pour sa part, lancé pour cet été, une nouvelle saveur Pêche Sureau, sa quatrième recette après l’Original (kombucha nature), Framboise Hibiscus et Gingembre Citron.

 

Les “boissons miroir” s’éprennent de l’Italie

 

Les boissons miroir restent néanmoins un pilier de l’offre de sans alcool alternatif. Djin Spirits, la marque de spiritueux sans alcool qui a magistralement su reconstituer le goût du gin en extrayant les principes actifs d’une vingtaine de plantes, se lance aujourd’hui sur le créneau des amers. Sa dernière création – AmarOz – se positionne comme une alternative à l’Aperol ou au Campari. Il a été réalisé à partir de queues de distillation de son Djin Nature Passion n°1 dans lesquelles ont été infusées une trentaine de plantes dont le curcuma, l’orange amère et la gentiane. “Cette nouvelle référence permet d’inaugurer le lancement de notre nouvelle gamme signature, au sein de laquelle de nouvelles cuvées en édition limitée verront progressivement le jour”, explique Romuald Vincent. Dans le même esprit “italien”, la dernière composition de JNPR – VRMH n°1 – évoque pour sa part le vermouth. “Pour le créer, nous sommes partis d’un vin blanc complètement désalcoolisé (0,0 % alc/vol). Nous avons en parallèle réalisé différents hydrolats et infusions, notamment de plantes d’absinthe et d’un bouquet d’épices que nous avons ensuite assemblés”, détaille Nathalie de Sutter. Parenté italienne également pour Iessi qui produit une référence de bitter sans alcool – L’Aperitivo – et un prêt-à-boire alternative au spritz, Il Frizzante.

 

Les prêts-à-boire ont le vent en pope

 

La vogue des prêts-à-boire, avérée dans l’univers des boissons alcoolisées, atteint désormais celui des cocktails sans alcool. Témoin Gimber, après avoir connu le succès que l’on sait en initiant le marché des concentrés de gingembre et épices, l’an dernier la commercialisation d’une version diluée à l’eau gazeuse de sa base n°1 en deux conditionnements : canette et bouteille verre. Avec leur contenance de 250 ml, ces “adult soft drinks” visent le marché de la consommation nomade. Les kéfirs Labo Dumoulin se convertissent eux aussi au nomadisme avec une gamme de canettes et bouteilles petit format qui se conservent à température ambiante, alors que les boissons fermentées sont normalement stockées au frigo. Pour y parvenir, le producteur fait appel à une technique permettant de finir la fermentation après mise en bouteille/canette. “La concentration en micro-organismes est moins importante que celle d’un kéfir frais tout en restant très élevée”, argumente Aurélien Fabas, cofondateur de l’entreprise. Le producteur de jus artisanaux Alain Milliat mise lui aussi sur les prêts-à-boire pour conforter son avancée sur le territoire des alternatives. Après avoir lancé Les Concentrés, des jus à diluer utilisables en cuisine et mixologie, il vient de les décliner en prêts-à-boire. “Je me différencie en cherchant des matières premières d’origine précise et des recettes inédites. Par exemple, j’ai choisi un gingembre « vieilli » de Madagascar, vivifié par du piment langue d’oiseau originaire d’Afrique et adouci par une infusion de verveine française, le tout avec une pointe de jus de citron vert de Sicile”, explique le producteur. Avec les alternatives, les producteurs de boissons sans alcool ont bel et bien trouvé leur nouveau terrain de jeu.

 

Olivier Costil

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