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LABELS : Un marché de la bonne conscience ?

Le bien-être des oiseaux et des plantes, les prix des producteurs… tout semble certifiable dans le café. Mais parfois, presque rien n’est certifié !

Bon, mieux, encore meilleur ? L’idéal serait de connaître la qualité de tout ce que l’on consomme grâce à un simple logo. Seulement voilà, bien que la filière du café connaisse des dégustateurs professionnels jugeant la qualité et qu’arôme, saveur, acidité, corps, amertume, impression globale et arrière-goût soient notés selon des “Cupping Protocols” (règles de dégustation) extrêmement détaillés, le goût, ça ne s’affiche pas ! Les meilleures qualités obtiennent entre quatre-vingt-dix et cent points, soit au moins dix de plus qu’un café moyen. Néanmoins, cette information n’est pas communiquée au consommateur final, et celui-ci se retrouve dans un labyrinthe de marques, labels et logos récompensant les bonnes pratiques. Cependant, ces appellations sont tellement nombreuses et différentes, qu’une petite bibliothèque et un ou deux juristes semblent essentiels pour en connaître l’ensemble des détails. S’y rajoutent des dénominations fantaisistes comme “agriculture contrôlée” vue dans un pays voisin européen. Mais ces deux mots ne signifient strictement rien puisqu’ici, qui contrôle quoi ? Le revenu ? Le chiffre d’affaires ? La superficie ? Le café vient d’Asie, d’Afrique ou d’Amérique. Les chemins sont longs, le négoce est international, ce qui donne naissance à un certain nombre de labels qu’on ignore plus ou moins en France. Pour savoir quoi en penser, il suffit de comprendre ce qu’ils certifient… et ce qu’ils ne certifient pas. En réalité, trois critères entrent en jeu : le commerce équitable, l’environnement et les standards du bio.

Le commerce équitable

Le label le plus connu est sans doute Fairtrade. En France, en Suisse, aux Pays-Bas et en Norvège, les consommateurs connaissent plutôt Max Havelaar. Cependant, le Max en question n’a jamais existé puisque ce nom vient d’un roman anticolonialiste d’Eduard Douwes Dekker, publié au 19è siècle. De nos jours, le logo Max Havelaar est probablement plus connu que l’ouvrage. Ce label du commerce équitable est attribué selon des critères sociaux : salaires décents, droit de s’affilie à des syndicats, pas de travail forcé ni de travail d’enfants.

La plupart des produits labellisés Fairtrade affichent un prix représentant le montant minimum qui doit être payé aux producteurs. Une prime aux fins d’investissements dans la communauté est par ailleurs versée aux producteurs ; tout ceci étant contrôlé par Fair Trade Labelling (FLO).

Fairtrade est parfois critiqué pour travailler avec des multinationales telles que McDonald’s et pour mettre l’accent sur les producteurs et non sur les salariés. Ceci étant, il n’y a pas que les bananes, le café, le cacao, le miel et les épices. Même les mines d’or peuvent être ainsi certifiées équitables ! Par ailleurs, Oxfam n’est pas un label, mais une marque avec ses propres magasins. L’ONG se base sur les critères FairtradeEnfin, l’entreprise Starbucks s’est dotée d’un cahier des charges nommé C.A.F.E. Practices tenant compte des critères de commerce équitable et environnementaux. Relativement strict quand il s’agit des salaires des ouvriers, C.A.F.E. permet l’agrochimie, sauf à cinq mètres des cours d’eau !

L’environnement

Rainforest Alliance définit sa mission comme suit : “Conserver les espèces sauvages, préserver les sols et les cours d’eau, protéger les travailleurs et leurs familles, les populations locales et améliorer leurs moyens de subsistance… Les sols sont sains, les cours d’eau sont protégés, les déchets sont réduits ou recyclés, la faune sauvage et les habitats des oiseaux migrateurs prospèrent.” Cependant, Rainforest Alliance n’étant pas un label bio, les producteurs peuvent donc utiliser des pesticides. La petite grenouille verte dispose d’un grand capital sympathie, mais peu de consommateurs savent qu’il suffit de mettre 30 % de café certifié Rainforest dans une boîte pour qu’elle puisse fièrement afficher le logo. Selon Rainforest Alliance, il s’agit d’un “point de départ.”

En outre, Rainforest et Fairtrade sont partenaires de Nespresso AAA qui s’engage à aider les agriculteurs à atteindre des normes de certification élevées ; par exemple dans la gestion de l’eau, la biodiversité et le traitement équitable des travailleurs. L’entreprise promet un investissement de 13,65 millions d’euros en Éthiopie, au Kenya et au Soudan du Sud. Pour le second semestre 2017, Rainforest Alliance annonce une fusion avec UTZ et de nouvelles normes sont à l’étude. Selon les intéressés, elles reprendront le meilleur de l’existant. Le nom UTZ disparaîtra pendant cette “fusion entre égaux”.Justement, UTZ, parlons-en. Ce programme certifie plus de 850 000 agriculteurs dans 41 pays. L’histoire de l’organisme sans but lucratif dit que le nom vient de la langue maya “Utz Kape” qui veut dire “bon café”. Un code de conduite règle la certification. Pour l’agriculture, cela signifie que “les exploitations parviennent à une productivité optimale, la qualité du produit répond aux exigences du secteur” ; et que “les membres du groupe améliorent ou maintiennent la qualité du sol sur leurs exploitations, emploient des moyens de production agricole de manière responsable et efficace, optimisent la consommation d’eau”.

Encore une fois, ce n’est pas un label bio : l’utilisation d’organismes génétiquement modifiés comme matériel végétal pour la culture (y compris sur des parcelles pilotes) est communiquée à UTZ et aux acheteurs. Leur utilisation n’est pas interdite. Quid des consommateurs alors qui ne font pas partie des deux groupes notifiés ? Selon UTZ, les engrais organiques et dérivés de cultures disponibles au niveau de l’exploitation, sont utilisés en priorité et complétés par des engrais chimiques. Les pesticides figurant sur la liste des produits prohibés ne peuvent pas être utilisés. On l’espère bien !Si UTZ est un géant, Bird Friendly, une initiative du Smithsonian Migratory Bird Center aux États-Unis, serait plutôt un nain de jardin ! Sauf si l’on regarde de près les critères de certification issus du travail de recherche scientifique. Bird Friendly signalise des cafés bio cultivés sous ombrage. Plutôt que de cultiver des fèves sur des terres défrichées, les arbres poussent à l’ombre, en gardant intact un écosystème qui ne profite pas seulement aux oiseaux (Bird), mais à l’ensemble des animaux. Les critères sont stricts et variés : hauteur de la canopée d’au moins douze mètres, couverture du feuillage et nombre d’espèces d’oiseaux… Avant d’être certifié SMBC, il faut déjà être reconnu bio selon les normes américaines (USDA Organic). L’amélioration de la vie des travailleurs ne fait pas partie du programme. À noter : le SMBC est un des rares organismes certificateurs faisant valoir un élément qualitatif. Les fèves qui poussent à l’ombre mûrissent plus lentement et peuvent développer des arômes plus complexes. Un peu plus de trente plantations sont certifiées dans le monde. Ces cafés sont rares en France, mais on peut en trouver. Le SMBC a ainsi inspiré un certain nombre de revendeurs à vendre leurs produits comme shadegrown coffee (cultivés sous ombrage). Parfois ces mots sont accompagnés d’un joli dessin vert montrant une forêt tropicale, mais pour l’instant, cela reste un terme générique, sans contrôles, ni cahier des charges.

Les standards du bio

Les aliments bio ont une excellente image : bien-être des animaux, agriculture durable, protection du sol et de l’eau, avec le bon goût en plus. Bien qu’une équipe de chercheurs de l’Université de Stanford autour de Dena Bravata, déclarait en 2012 que “les aliments biologiques ne sont guère meilleurs pour la santé que les autres”, ce petit mot “guère” devrait être regardé de près ! Les consommateurs de bio avalent selon les chercheurs américains, moins de pesticides avec leur alimentation.Tout le monde voit quotidiennement la feuille stylisée avec des étoiles blanches sur un fond vert. C’est le label bio européen. Son avantage : l’application des règles bio est bien contrôlée et son abus sévèrement sanctionné. En revanche, l’ensemble des réglementations crée plutôt un plus petit dénominateur commun et pave le chemin pour des produits bio plus ou moins abordables, mais pas vraiment attractifs pour des puristes de la pensée bio.Ainsi le label bio européen permet plus du double d’additifs alimentaires industriels que dans les aliments certifiés Naturland, Bioland ou Demeter. Autre exemple : seuls des “arômes naturels” peuvent être rajoutés aux produits portant un label bio européen, ce qui concerne évidemment aussi les cafés aromatisés. Et comme le règlement du Conseil Européen 1334/2008 a aboli des mots comme “arômes identiques naturels” ou “arômes artificiels”, presque tout est “naturel” dans le sens du législateur européen de nos jours. De toute façon, un arôme naturel – dans le sens européen – ne provient pas forcément du produit dont il est censé représenter le parfum. Beaucoup viennent de champignons de pourriture qui poussent sur des chutes de bois. La pourriture est dans la nature, le bois aussi. C’est donc un produit naturel. Le label français AB était plus strict, mais se trouve maintenant aligné aux normes européennes. Son héritier s’appelle Bio Cohérence.Le certificateur bio le plus sévère se nomme Demeter. Né en 1924, Demeter n’est donc pas une simple mode et le logo de la marque est difficile à obtenir : après trois ans d’agriculture biologique en conformité avec tous les règlements, la certification ne peut se faire que la quatrième année. Dans un paquet affichant le sigle Demeter, au moins 95 % des ingrédients sont d’origine écologique et au moins 90 % sont certifiés Demeter. Pour faire court, Demeter certifie un tout :

la qualité du sol, l’engrais, la fabrication et, dans le cas du café, même l’emballage puisque l’aluminium est banni. Basée sur les enseignements anthroposophiques de Rudolf Steiner – la biodynamique qui voit la terre comme un organisme vivant – la marque est parfois accusée de pratiques ésotériques. Toujours est-il que les exigences de Demeter sont les plus strictes du marché du bio. La plupart des cafés sélectionnés par Hippolyte Courty pour L’Arbre à Café sont certifiés Demeter. Alors, salaires décents pour les ouvriers ou protection de l’environnement ? Quand il s’agit du café, il faut choisir.

 

Joerg Zipprick

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