Les biscuits de véritables ambassadeurs régionaux
Si les biscuits sont tous fabriqués à partir des mêmes ingrédients de base, il en existe pourtant une immense diversité. Avec un paradoxe, l’étymologie du mot est aujourd’hui bien loin des produits proposés, car seul le biscuit de Reims subit encore une double cuisson.
En 2014, un rapport de l’Oqali (Observatoire pour la Qualité de l’Alimentation) référençait 80 catégories de biscuits et gâteaux. Des biscuits très appréciés des Français qui en consomment presque 9 kilos par an et par habitant. Biscuits pâtissiers en tête avec 3,7 kilos par an et par personne ; 2,8 kilos pour les gâteaux secs et de goûter. Ces termes sont liés au code des usages, même si tous les biscuits et gâteaux ne sont pas précisément définis, en dehors du boudoir, biscuit cuillère, madeleine, madeleinette, quatre-quarts et pain d’épices qui sont clairement décrits. Il existe toutefois un répertoire des dénominations usuelles en biscuiterie et en pâtisserie. Établi par la profession, il sert de référence commune aux fabricants. On y trouve le biscuit de Reims, en forme de petit rectangle léger et croquant, poudré de sucre glace, composé d’oeuf, de matière sucrante et de farine. Puis les biscuits pâtissiers, définis comme “biscuits élaborés” pouvant recouvrer de multiples formes et être agrémentés d’ingrédients comme la pâte d’amande, le chocolat ou les fruits confits. Entrent dans cette catégorie : les bretzels, les cookies, crackers, financiers, florentins, galettes bretonnes, gaufres… Les biscuits dits de “goûter et déjeuner” sont des biscuits à la texture friable, de forme souvent ronde ou carrée, composés de farine, de matières grasses et de matières sucrantes
On trouve dans cette catégorie les langues-de-chat, macarons, meringues, palmiers, palets, petits-beurre, sablés et tuiles. Enfin, les pâtisseries (biscuit de Savoie, cake, brownies, petits fours, génoise, tarte, tartelette) et les viennoiseries. Et pour différencier le pâtissier du biscuitier, nous pourrions dire que le premier réalise des pâtisseries fraîches, lorsque le second conçoit des pâtisseries de conservation.
Un mot d’histoire
Les historiens de l’alimentation s’accordent à dire que pain et biscuit seraient presque les mêmes. Les premières galettes préparées par l’homme, une fois qu’il eût su réduire les grains de blé en poudre fine et la mélanger à l’eau, ressemblaient en effet plus à nos biscuits qu’à notre pain actuel. Ces prémices de pain furent ensuite très vite enrichies de fruits, de sirop de fruits – comme les dattes – ou de miel pour en faire des douceurs. Le biscuit représenta très vite une source d’énergie, mais surtout une subsistance car il se conservait longtemps. On en trouve déjà la trace dans les provisions d’un pharaon de la XIXe dynastie lors d’un voyage officiel. Des “bis-cuits” donc cuits deux fois, afin qu’en ayant perdu leur humidité, ils se conservent plus
longtemps. Plus tard, on les trouvera dans les soutes des marins au long cours et dans les rations des marins provençaux au XVIe siècle. Assez vite au Moyen Âge, le terme biscuit désigna tout gâteau sec et bien cuit. Il passera ensuite dans le domaine de la gourmandise mais c’est à la Renaissance qu’il devint plus délicat, jusqu’à se transformer en une pâtisserie sèche et croquante. Dès lors il accompagne les gelées, crèmes et entremets servis durant les banquets et se trempe aussi dans l’hypocras ou le vin doux. Les recettes sont déjà nombreuses dans les ouvrages du XVIIe et se multiplieront encore au XVIIIe siècle où des villes comme Reims et Abbeville sont déjà reconnues pour leur production biscuitière.
L’industrie du biscuit
C’est au XIXe siècle que l’industrie du biscuit apparaît, poussée par la mécanisation, l’énergie vapeur, le charbon et par les marchés générés par l’urbanisation. La Grande-Bretagne sera le premier pays à développer une telle activité qui s’étendra ensuite à Hambourg, avant de gagner l’Europe, l’Italie et la Belgique notamment. En France, c’est à Bordeaux que le boulanger Jean-Honoré Olibet va s’inspirer des techniques britanniques pour monter sa propre
fabrique. À l’époque, la France produit des biscuits de dessert, de mer, des pains d’épices ainsi que des pains de froment et de gluten. À la fin des années 1870, il existe 400 ateliers qui emploient 3 000 ouvriers. En 1889, on en compte 500 pour 5 000 ouvriers ! Au début du XXe siècle, de grands groupes occupent déjà le marché et basent leur extension sur un développement à l’international. À partir des années 1960, la biscuiterie-pâtisserie ne cessera d’évoluer.
La biscuiterie du XXIe siècle
Le monde de la biscuiterie s’est structuré en grands groupes, à coup de rachats et de fusions successives dans les années 1970-1980, laissant alors l’artisanat amorphe. À l’heure actuelle, il subsiste 100 unités de fabrication pour presque 13 000 emplois et parmi elles, des artisans passionnés qui oeuvrent depuis deux décennies à faire revivre et pérenniser des savoirfaire ancestraux et souvent familiaux. Le marché se distingue d’ailleurs par son empreinte régionale forte. Chaque région ou presque a ses spécialités que les biscuitiers mettent en avant, s’attachant à préserver un savoir-faire en respectant les recettes d’origine. Galette bretonne, bredele alsacien, navette provençale sont autant d’illustrations gourmandes de nos terroirs, aussi bien plébiscitées par les locaux que par les touristes de passage.
La tendance
Le biscuit est indémodable, rassurant et rappelle souvent des souvenirs d’enfance ; de ces petits gâteaux glissés dans le cartable ou dévorés à l’heure du goûter chez les grands-parents. Et même si le “sugar bashing” de ces dernières années a quelque peu porté préjudice aux biscuits (et à toutes les sucreries), le marché du biscuit artisanal – contrairement aux industriels -, se porte très bien. Il est notamment tiré par le bio, avec une progression de 17 % en 2018. Plutôt bien vu par les nutritionnistes, le biscuit a toujours ses adeptes, notamment les biscuits “pâtissiers” et ceux dédiés au goûter dont les ventes progressent encore. Le consommateur reste fidèle à ses artisans, très attaché à des produits de terroir avec une forte tendance à la “naturalité”. L’authenticité prime. L’artisan doit offrir des produits sains, exempts de colorants et de conservateurs. Les principaux ingrédients de base font le gâteau, et mieux encore si leur sourcing est méticuleux.
Artisans biscuitiers de qualité
L’approvisionnement en matières premières locales et en circuit court semble devenir la norme pour les fabricants, de plus en plus sensibles aux valeurs de l’écoresponsabilité, tout comme leurs clients. La demande en articles bio ne cesse de croître confirme Mathilde Gicquel de La Biscuiterie des Vénètes dans le Morbihan, certifiée depuis janvier 2019. “Les consommateurs acceptent aujourd’hui de manger moins pour manger mieux, indique la dirigeante. Ils sont de plus en plus nombreux à rechercher des produits naturels.” C’est donc la réponse apportée par l’ensemble des fabricants qui sourcent leurs ingrédients avec soin, si possible au niveau local, comme La Biscuiterie de Provence qui utilise la farine de petit épeautre du mont Ventoux, les olives de Nyons ou encore le vin blanc produit dans le village. Et lorsqu’il faut élargir, la même rigueur est appliquée.
Karim Salhi, fondateur de la biscuiterie Les Gavroches à Paris, utilise la farine des Moulins de Versailles et le beurre de Normandie. Idem pour La Maison Alsacienne de Biscuiterie qui met un point d’honneur à n’utiliser que des oeufs entiers. Les bons ingrédients faisant les bons biscuits !
L’emballage, un sujet d’actualité
Le sujet est d’importance à l’heure où le législateur parle d’interdire l’usage du plastique, un matériau très utilisé dans le secteur de la biscuiterie. Et pour cause, il permet une parfaite visibilité et une valorisation gourmande du produit en rayons et sur les étals. Les professionnels cherchent donc une solution de remplacement et dans le domaine du packaging, ce n’est pas une mince affaire car plusieurs critères entrent en ligne de compte. Notamment l’attente du client, parfois plus attiré par l’aspect pratique qu’environnemental. Le format pocket, très en vogue, est donc en ligne de mire puisqu’il multiplie les contenants.
Mais vouloir limiter son impact sur la planète n’est pas évident. Kevin Burnouf, directeur de La Maison du Biscuit, précise que le papier recyclé n’est pas autorisé. Il ne doit être utilisé qu’en guise d’emballage protecteur. Le carton de protection s’ajoute par conséquent au sachet plastique, ce qui n’est pas la solution idéale.
Autre option, la boîte en fer blanc. En plus d’être réutilisable, c’est un bel objet cadeau, propice aux assortiments de produits très appréciés des clients assure Margaux Bruckert, chargée de clientèle à La Maison Alsacienne de Biscuiterie.
La solution du vrac
Pour réduire considérablement l’impact environnemental, les biscuits peuvent être proposés en vrac. Une option appréciable pour leur mise en avant mais qui implique néanmoins un ameublement adapté à la présentation des différents biscuits. Un accès en libre-service impliquera également de fournir des sachets ou de proposer à vos clients d’apporter leur propre boîte, cette pratique n’étant toutefois pas encore très développée en France. Dernier point, une rotation rapide s’impose si on veut garantir une fraîcheur constante et un croustillant impeccable à l’acheteur. Il y a donc encore des réflexions à mener sur le sujet, sachant que le vrac ne se destine qu’aux biscuits secs.
Michel Tanguy