LOIC BALLET

Loïc Ballet : « l’invité »

“LES ÉPICIERS FINS SONT UN PEU COMME DES PHARMACIENS.”

Inséparable de son triporteur, Loïc Ballet fait le bonheur des gastronomes qui suivent ses chroniques hebdomadaires sur Télématin (France 2).

À l’occasion de la sortie de son livre « La France des bons produits », il revient sur son parcours et nous explique son optimisme sur l’avenir de notre gastronomie.

LMEF – Depuis combien de temps sillonnez-vous la France pour Télématin ?

Loïc Ballet – J’ai débuté sur TL7, une chaîne de télévision locale couvrant encore aujourd’hui le département de la Loire, puis France 3 Rhône-Alpes-Auvergne et je suis arrivé à France 2 il y a six ans, à la demande de William Leymergie. Cette première chaîne locale m’a vraiment marqué puisqu’aujourd’hui encore, là où je me sens le mieux, c’est en zone rurale, à la campagne. Là où les journalistes sont, à mon avis, les plus utiles, là enfin où j’ai ressenti mon premier coup de cœur pour la région de Salers dont je parle très régulièrement.

Non seulement je trouve l’endroit superbe, mais je le trouve cohérent : il y a bien sûr la viande de bœuf que tout le monde connaît, un fromage – Salers Tradition – des couteaux qui portent également le nom du village… Mais j’y ai surtout appris beaucoup de vérités, notamment en observant ces producteurs de fromages – il en reste six – qui réalisent leur production annuelle exclusivement avec du lait d’estive… c’est-à-dire en quatre mois !

LMEF – Trouvez-vous que la france est à la hauteur de sa réputation gastronomique ?

Loïc Ballet – Sincèrement oui et notre gastronomie a un talent fou parce qu’elle est perméable ; elle a su s’approprier les choses sans rester figée sur des principes comme la cuisine au beurre… Avec notre passé colonial d’abord et cette capacité que nous avons eu d’intégrer les épices, puis en valorisant chacune de nos productions régionales : je pense à l’huile d’olive provençale, aux agrumes corses… En préparant les quatorze balades illustrant les chapitres de mon livre, j’ai été frappé de constater que nous possédions une richesse et une variété de produits incroyables, de vins mais aussi de paysages, de maisons, d’accents… Tout un ensemble d’éléments qui font que chacun peut comprendre comment cette gastronomie est née et pourquoi elle continue d’exister.

LMEF – Vous êtes donc optimiste…

Loïc Ballet – Oui, ne serait-ce que parce que les petits producteurs que l’on disait perdus par la standardisation, ont clairement de l’avenir. Parce qu’aujourd’hui le consommateur a envie de connaître l’histoire du produit qu’il achète, de savoir d’où il vient… Enfin, toutes ces bonnes choses se retrouvent désormais sur Internet et peuvent être livrées à domicile en quelques clics. On a tendance à critiquer, mais je constate qu’Internet a réveillé nombre de petites productions comme cet éleveur de porcs de Bigorre qui vend 80 % de sa production en ligne.

Pourrait-il vivre de son travail sans le web ? De plus, cet essor donne envie aux jeunes de s’investir dans ces filières. J’ai plein de visages en tête : une éleveuse de 25 ans à Salers, la dernière fabrique de crozets en Savoie reprise par des trentenaires… Et je ne parle pas des enfants de viticulteurs qui, pour que le patrimoine familial ne disparaisse pas, ont repris le flambeau de leurs aînés après avoir exercé une première activité.

LMEF – la France des bons produits semble être restée très traditionnelle…

Loïc Ballet – Est-ce que la vérité n’est pas là ? La cuisine moléculaire était novatrice mais qu’en reste-t-il aujourd’hui ? Cela dit, quand vous observez une boîte de sardines de La Perle des Dieux, vous constatez que si la recette est traditionnelle, la boîte qui la contient est belle et de son temps… La marque de la modernité va donc se retrouver dans le packaging et dans la façon d’aborder les choses, de se faire connaître, de distribuer, de vendre…

LMEF – Avez-vous des épiceries de référence ?

Loïc Ballet – Oui. Il y en a deux où j’ai presque un abonnement ! D’abord chez Cornand à Saint-Etienne où l’on trouve deux ou trois générations derrière le comptoir dont Madame Cornand – au moins 80 ans ! – qui est un peu le gourou des lieux ! Quand sa fille a fini de vous recommander des pâtes maison pour un dîner entre amis, elle s’approche de vous et vous dit : « Ne prenez pas ça mais plutôt ce petit paquet de cèpes séchés » en vous expliquant comment les préparer. Elle est vraiment unique et formidable avec cette façon bien à elle de vous regarder dans les yeux comme si elle lisait dans vos pensées et de vous raconter votre dîner ! La seconde adresse se trouve à Paris, non loin de la mairie du 18e : Les Fines Gueules. Ouverte depuis un an, je l’ai découverte cette année en préparant mon dîner de Noël alors que je cherchais des truffes et j’ai été heureux d’y retrouver tous les produits des producteurs chez qui j’avais fait un reportage… Avec notamment une belle collection d’alcools français comme ce whisky savoyard que j’ai choisi d’offrir à un ami.

LMEF – Qu’attendez-vous d’une épicerie fine ?

Loïc Ballet – Je veux être surpris. Pour moi l’épicier fin est l’expert à qui j’ai envie de confier les grandes lignes de mon repas afin qu’il en écrive le scénario. J’apprécie que l’épicier fin ne cherche pas à survendre les produits présentés sur ses étagères mais qu’il adapte ses conseils à votre budget et à vos besoins réels. Bref, je considère l’épicier fin comme un pharmacien à qui l’on peut faire confiance.

LMEF – Que recommandez-vous à nos lecteurs pour attirer les jeunes dans leurs commerces ?

Loïc Ballet – Comme tous les gamins, il faut nous prendre par la main. L’épicier fin doit raconter l’histoire des produits et des producteurs, nous donner des conseils pour réussir telle ou telle recette. Notre génération – celle des trentenaires – a grandit en ayant conscience de ce qui était bon ou pas pour la santé, au fait de la nécessité de veiller aux mentions sur les étiquettes et au goût, notamment à travers des personnages comme Jean-Pierre Coffe avec qui j’ai eu le bonheur de travailler. Nous sommes donc naturellement réceptifs à ce type de discours et nous avons besoin que l’on ré-humanise notre rapport à la consommation.

Propos recueillis par bruno lecoq

La France des bons produits. À la rencontre de ceux qui se battent pour le goût. 19,80 € – Éditions du Chêne.

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