Une importante quantité de miels importés seraient-ils frelatés ? La dernière vague de contrôles menée aux frontières de l’Union semble l’indiquer. Le Syndicat Français des Miels rappelle que ses adhérents procèdent à des contrôles systématiques et affirme que les nouvelles méthodes d’analyse utilisées par l’UE manquent de fiabilité.
En déployant une nouvelle méthode d’analyse à l’occasion d’une « action coordonnée » de contrôle aux frontières, la Commission européenne a jeté un trouble sur le pot au miel. Une forte proportion de miels importés pourrait être frelatés.
Du miel dilué avec du sirop de sucre
Le miel est une substance naturelle. La législation européenne vise à en préserver la pureté en excluant toute modification de sa composition chimique. La fraude la plus courante consiste à y ajouter du sirop de sucre. Celui-ci est en effet beaucoup moins cher que le miel… Si les risques pour la santé des consommateurs sont considérés comme minimes, la dilution de sucre dans le miel « représente un problème pour les opérateurs et pour la réputation du miel ». Les alertes des organisations de producteurs et associations de consommateurs ont donc poussé l’Union à agir.
La direction de la Santé et de la Sécurité alimentaire a ainsi analysé 320 échantillons de miel (dont 89 de Chine, 74 d’Ukraine, 34 du Mexique, etc.) entre novembre 2021 et février 2022. Résultat : 46 % des échantillons prélevés sont soupçonnés d’être frauduleux. Ce taux de suspicion est « considérablement plus élevé » que celui mesuré lors du précédent plan de contrôle coordonné à l’échelle de l’Union, réalisé entre2015 et 2017. À l’époque, « 14 % des échantillons analysés n’étaient pas conformes aux critères de référence établis pour évaluer l’authenticité du miel », note la Commission dans un questions-réponses récapitulatif.
Cet écart impressionnant s’expliquerait par l’emploi de nouvelles méthodes « offrant une capacité de détection améliorée » dans le cadre de la dernière étude. Les sirops de sucre à base d’amidon de maïs ou de canne à sucre seraient de plus en plus souvent remplacés par des sirops fabriqués à partir de riz, de blé ou de betterave sucrière. Ces derniers sont en effet moins détectables avec les techniques usuelles. Les autorités ont donc cherché à adapter leur technique à l’évolution de la fraude.
Controverse sur la méthode
L’association Foodwatch a été parmi les premières à réagir. Ce qui ne surprendra pas de la part d’une association qui se définit comme « un contre-pouvoir citoyen pour une alimentation saine et sans risque » . Sa directrice de l’information Ingrid Kragl demande notamment « des moyens de contrôles à la hauteur de l’enjeu et une méthodologie harmonisée pour repérer la fraude au miel. ». Pour le Syndicat Français des Miels, le changement de méthode soulève toutefois une question. « En premier lieu, je tiens à préciser qu’il s’agit de soupçons de fraude et non pas de fraude avérée », commente David Besacier, président des miels éponymes et du Syndicat.
Mais c’est surtout sa critique des nouvelles méthodes de contrôle qui retient l’attention. « Ce sont des techniques expérimentales dont aucune n’a été officiellement homologuée, précise-t-il. Nous les avons nous-mêmes testées. D’un laboratoire à l’autre, les résultats obtenus à partir des mêmes échantillons n’étaient pas cohérents. »
Une charte de déontologie
Le Syndicat français des Miels regroupe sept grands opérateurs du conditionnement et de la transformation de miel (bonbons, etc.), tels que Famille Mary ou La Maison du Miel. Ceux-ci ont adopté une charte de déontologie. Elle les engage notamment à procéder au contrôle systématique des miels qu’ils conditionnent. Pour David Besacier, ces analyses systématiques sont le seul moyen de garantir l’authenticité du produit car « on ne sait jamais où l’abeille est allée butiner ni si l’apiculteur a bien respecté les procédures de nourrissement. »
Mais « l’origine d’un produit ne dicte jamais sa qualité, poursuit le dirigeant. On trouve de bons miels en Chine et il nous en arrive de refuser des miels français ». Même de qualité, la production française ne suffit pas à couvrir la demande intérieure. L’import reste en effet incontournable en termes de volumes et de niveau de prix acceptable pour les consommateurs… Et par les acheteurs de la grande distribution, principal débouché de Besacier (qui exploite aussi la marque d’épicerie fine Napoléon).
Un QR Code pour rassurer
L’entreprise roannaise est un acteur majeur du marché français, représentatif de la diversité de ses sources d’approvisionnement. Besacier produit d’une part son propre miel en France avec un parc de 300 ruches qu’elle prévoit de porter à un millier d’ici deux ans. Elle achète d’autre part du miel auprès d’apiculteurs français et de coopératives étrangères. Avec un tel sourcing, « l’important est de privilégier les fournisseurs capables de tracer leurs miels et d’en prouver la conformité avec notre cahier des charges », commente David Besacier.
Pour rassurer les consommateurs, Besacier appose sur ses pots vendus en grande distribution un QR Code. En le flashant, « on peut remonter au numéro de lot, donc à l’origine du miel, ainsi qu’à toutes les mentions obligatoires, y compris le certificat AB pour nos nombreux miels bio, ainsi qu’à nos analyses d’adultération », développe le président. Une politique rigoureuse de traçabilité est le seul véritable moyen de garantir l’intégrité des miels.
La directive « miel » bientôt révisée
Famille Michaud Apiculteur, un autre grand opérateur du miel français, milite pour sa part pour rendre les analyses obligatoires « chez les apiculteurs et les conditionneurs avant commercialisation. Ces tests existent et sont financièrement accessibles. C’est un combat que l’on mène depuis toujours », explique Marie Michaud, directrice générale de l’entreprise. Celle-ci ajoute dans un communiqué que l’action coordonnée européenne « arrive à point nommé, puisque la révision de la Directive Miel doit débuter dans les prochaines semaines. »
La dirigeante appelle notamment les autorités communautaires à « harmoniser les exigences en matière de transparence d’étiquetage des origines ». Seulement sept pays européens, dont la France, exigent que l’étiquetage tous les miels conditionnés sur leur territoire désignent précisément les pays d’origine. Les autres se contentent de la mention « mélange de miels originaires et non originaires de l’UE »…