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Pour continuer à croître, le vrac doit rassurer et innover

Pendant le confinement, le spectaculaire envol du vrac s’est trouvé comme suspendu. Si depuis, la croissance est revenue, la crise
du Covid-19 a révélé certaines limites du concept. Les professionnels s’attellent déjà à améliorer son efficacité et son attractivité.

Simple alerte ou symptôme d’une crise plus profonde ? Avec l’épidémie de Covid-19, le jeune et florissant marché de la vente en vrac a connu son premier accident de parcours. Il y a encore dix ans, seuls les magasins bio pratiquaient ce mode de distribution, sans bruit mais avec conviction. Depuis, le vrac s’est révélé être une niche parmi les plus porteuses. Paré des vertus du “zéro déchet”, il est modéré en emballages, économique (car permettant de n’acheter que les quantités dont on a besoin) et propice à la réduction du gaspillage alimentaire. De plus, il est soutenu par les pouvoirs publics et promu par une poignée d’entrepreneurs pionniers. Ainsi, jusqu’au début de cette année, le marché du vrac semblait “en route vers les sommets”, pouvait- on lire en mars dernier sur le site Boursorama.com. Las, la crise sanitaire est venue jeter un voile sur ces glorieuses perspectives. Pendant le confinement, les ventes en vrac ont baissé de 17 % dans les magasins bio qui représentent 45 % du chiffre d’affaires du vrac, et sont restées stables chez les spécialistes du vrac (5 % du marché), “avec de grandes disparités : de +40 % à -40 %”, selon Réseau Vrac, l’association des professionnels du secteur. L’institut de sondages Nielsen estime quant à lui, que le nombre d’adeptes du vrac a été divisé par deux pendant le confinement (voir chiffres ci-contre).

Un éloignement momentané

La distanciation, la focalisation sur les règles d’hygiène et les gestes barrières remettent-elles en question ce format de distribution exposé au contact direct entre les aliments et les clients ? En fait, à peine plus du tiers des clients ayant cessé d’acheter en vrac pendant le confinement l’ont fait pour des raisons d’ordre sanitaire. Contre 71 % qui n’ont pu fréquenter leur magasin devenu inaccessible ou fermé. “La confiance des consommateurs dans le vrac ne s’est pas tarie avec la crise. S’ils s’en sont détournés, ce fut principalement pour des raisons logistiques”, conclut Célia Rennesson, directrice générale de Réseau Vrac.

Marie Moulin a ouvert son Day by Day à Lyon, pendant le confinement.

Les premiers chiffres post-confinement ont partiellement confirmé cette analyse, avec une faible perte potentielle de clientèle (15 % selon Nielsen) ainsi qu’une reprise d’activité non précisément chiffrée mais réelle, selon les professionnels. “Le vrac a encore de belles années devant lui car la réduction des emballages est une préoccupation réelle des consommateurs, ajoute Antoine Ravenel, directeur du fabricant GlobeXplore. “Le vrac a plus que jamais la capacité à prendre sa place dans la consommation”, assène Didier Onraita, président fondateur de la première chaîne spécialisée française, Day by Day.

Trois freins à l’élargissement de la clientèle

Reste que la crise sanitaire a braqué les projecteurs sur les limites du format. Celles-ci sont autant d’obstacles à l’élargissement de sa clientèle qui reste très “marquée socialement”, comme le soulignait une étude de l’ObSoCo en 2019, avec des CSP+, des diplômés, des habitants de grandes villes et des utilisateurs d’outils numériques surreprésentés parmi les Français déclarant réaliser des achats en vrac. L’association Réseau Vrac elle-même identifie trois principaux freins à leur expansion : l’insuffisance de l’offre, les doutes d’une partie du public sur l’hygiène et le relatif inconfort d’achat ressenti par certains clients. Concernant l’offre, l’épicerie sèche fournit historiquement le socle du rayon, avec 23 % des clients (pour les céréales) à 36 % (pour les fruits secs) qui ont acheté en vrac, selon l’ObSoCo. Mais le dynamisme du marché encourage les fabricants à chercher continuellement les moyens “d’ensiler” de nouvelles catégories. Le mouvement est engagé pour les liquides, en dépit des difficultés qui subsistent pour les jus qui peuvent générer des dépôts de sucre et donc des problèmes d’hygiène. Pour Benjamin Quiras, fondateur de l’enseigne bio Le Marché de Léopold, le modèle économique du vrac liquide reste toutefois à trouver.

Les machines à moudre le café et à broyer les amandes apparaissent en rayon
(ici chez NaturéO).

Des expérimentations ont également été menées pour les confitures et certains produits frais (yaourts) mais sans avoir débouché sur des solutions viables. À l’inverse, des machines permettant de composer en magasin son propre mélange de granola, sa pâte à tartiner ou encore sa purée d’amandes ont commencé à apparaître dans les rayons. Ces initiatives proviennent le plus souvent de PME dynamiques et engagées. Tandis que les grandes marques se font encore très discrètes. S’il ne fait aucun doute qu’elles mènent leurs expériences, aucune n’a à ce jour débouché sur un déploiement massif. Quand Nestlé a lancé un test avec la start-up Miwa pour ses marques Nescafé et Purina (alimentation animale) en juin dernier, le groupe l’a circonscrit à ses Nestlé Shop suisses, avec trois magasins dans un premier temps, puis une quinzaine d’ici la fin de l’année… Or, la quasi-absence des grands groupes est un indéniable frein à la démocratisation du vrac. Pourtant, leur caution pourrait bien lever les préventions des non-clients.

À SAVOIR
Levée de fonds pour Jean Bouteille

Le concept de vente de liquides en vrac avec fourniture de bouteilles réutilisables et consignées a procédé à une levée de fonds auprès de Raise Impact et de NovESS pour un montant non communiqué. L’objectif est de financer le recrutement de profils experts, d’agrandir la gamme de produits (liquides pâteux, produits frais…), de développer de nouveaux concepts et d’amorcer l’internationalisation de l’entreprise.

Imaginer de nouveaux services

Les questions d’hygiène font l’objet d’une démarche collective (formations, recommandations, concertations avec les pouvoirs publics…) de la profession à travers Réseau Vrac et d’améliorations techniques sur les systèmes de distribution des produits. En partie liée à la question de l’hygiène, mais pas seulement, l’expérience consommateur est un chantier qui s’ouvre à peine. “L’un des freins, c’est la charge logistique que le vrac fait peser sur le consommateur et qui explique que certains ne le pratiquent pas, analyse Antoine Ravenel. Il faut imaginer des services qui incitent les réfractaires ou les indifférents à essayer le vrac.” Un besoin d’innovation en magasin qui n’a pas échappé à Day by Day. My Retail Box, maison-mère de l’enseigne, a lancé cette année le “premier concours européen d’inventions pour le vrac.” Quatre lauréats ont été désignés mi-juillet dernier (lire encadré). En introduction, le dossier présenté par SmartVrac, qui a obtenu le prix Techno, commence par lister les “limites du vrac”. Soit pour le consommateur : l’ignorance du poids et du prix avant la pesée, la corvée de la pesée, une information produit peu accessible et bien sûr les problèmes d’hygiène et de tenue du rayon. Et pour le commerçant : démarque inconnue, logistique complexe, traçabilité faible des lots mélangés dans un même silo, suivi des stocks laborieux, files d’attente… On ne saurait mieux pointer du doigt la nécessité d’améliorer l’expérience client et l’efficacité opérationnelle du rayon ! Signe des temps, de nouvelles solutions digitales émergent, qui visent à professionnaliser la gestion du rayon. SmartVrac – un corner vrac automatisé – en est une, de même l’application Vrac’Admin également primée par Alva ou encore le projet de silo automatisé Bric à Vrac qui vient de boucler un financement participatif sur KissKissBankBank afin de développer son prototype.

Olivier Costil

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