L’eau pure, H2o, n’existe pas ou presque pas et certainement pas
lorsqu’elle coule d’un robinet ! L’eau courante est en effet chargée de minéraux, de molécules et d’ions…
L’eau n’est pas davantage stable. En effet, il ne se passe pas un jour, une heure, sans que sa composition n’évolue. Elle est donc insaisissable et- pourtant, puisqu’elle entre jusqu’à 98 % dans le contenu de nos tasses de café, son rôle est essentiel. L’intérêt qu’elle suscite depuis plus de soixante ans chez les professionnels du café en témoigne. Et l’essor du café de spécialité qui la place au centre des préoccupations, contribue à renforcer l’attention qu’il convient de lui porter avec notamment une meilleure connaissance des traitements qu’elle subit.
Que trouve-t-on dans l’eau ?
L’eau est extrêmement plastique et change d’un robinet à l’autre. Si la base est la même partout, il faut compter avec les minéraux (magnésium, sodium, calcium, potassium, silice…) et bien d’autres substances considérées comme polluantes. Soit les doses de certains de ses composants (nitrates par exemple) sont supérieures aux normes en vigueur, soit elle contient des parasites comme le chlore ou certains résidus de médicaments… L’eau n’est donc pas pure, mais bel et bien chargée. Or, la teneur, la nature et les proportions de ces composants varient énormément d’une région, d’une eau à l’autre. En montagne, l’eau est par définition peu minéralisée, dans les terroirs calcaires comme à Sancerre, elle est justement très… calcaire et donc dure,
dans les zones granitiques, elle est y très douce…
L’eau fait le café
Insaisissable, multiple, certes, mais surtout impitoyable avec le café puisque la qualité de l’eau conditionne l’expression aromatique, le corps, l’équilibre et la densité de ce dernier. Ainsi, selon sa teneur en minéraux, le café pourra être généreux ou plat, dense ou fluet. Une eau trop riche ne permettra pas au café de s’exprimer. Ensuite, selon la nature des minéraux contenus dans l’eau, c’est le goût du café qui varie. Les minéraux ont en effet un goût qui leur est propre ; comme le savent les amateurs de l’eau Hépar, le magnésium est amer. Mais les minéraux ont aussi plus globalement, un effet sur l’expression des goûts. Ils peuvent tout autant révéler les arômes comme le fait le magnésium, que les couvrir comme le font les bicarbonates ou le sodium. On comprendra donc qu’en fonction de l’importance de ces minéraux, les qualités d’expression et d’extraction du café changent. Si vous ajoutez
à cela les odeurs parasites pour le goût comme celle que dégage l’omniprésente chlorine, vous comprendrez qu’il faut savoir choisir ou traiter son eau pour obtenir un bon café.
Quelle eau pour le café parfait ?
Devant tant d’incertitude et d’inconstance, les SCA (Specialty Coffee Association) et les spécialistes conseillent des eaux fraîches, dépourvues d’odeurs parasites, au pH neutre (7), et d’une minéralisation oscillant entre 120 et 150 mg. C’est classiquement la Volvic en France. À défaut, comment faire avec l’eau de réseau ?
Connaître son eau pour mieux la traiter
Si la composition de l’eau courante est donnée par l’agence qui s’en charge, il faut savoir que cette eau est toujours chlorée et nécessite constamment une filtration d’autant plus rigoureuse que les données fournies par les agences sont partielles et ne tiennent pas compte en temps réel, des variations liées aux approvisionnements, aux saisons ou aux températures. À Nice par exemple, ce sont ainsi plus de trois sources extrêmement différentes qui alimentent la ville de façon discontinue. La seule façon de connaître vraiment bien son eau à un moment donné, est alors d’utiliser les kits d’analyse d’eau que distribuent toutes les marques de machines et de traitement d’eau.
Outre la présence d’odeurs parasites, trois indicateurs sont à observer principalement.
D’une part, la minéralisation, souvent exprimée en milligramme par litre, soit la teneur en minéraux. Une faible teneur (< 70 mg/l) donnera un café soyeux mais peu dense, une forte teneur comme celle de l’eau de Vichy (> 4 000 mg/l) couvrira tous les arômes du café et ne permettra pas l’extraction attendue de celui-ci.
D’autre part, le pH qui nous dit si l’eau est acide < 7, basique > 7 ou neutre = 7. Pour le café, déjà acide, il faut une eau neutre.
Et enfin la dureté, soit la capacité ou non de l’eau à entartrer vos machines lorsque vous la chauffer. Si vous ne faites que du café froid, vous pouvez négliger cet aspect. En revanche, si vous êtes amateur d’espresso, ce paramètre est crucial.
Une eau peut en effet être dure ou douce. Lorsqu’elle est dure, cela signifie qu’elle est fortement chargée en sels minéraux, et l’on sait que ceux de calcium et de magnésium se cristallisent sous l’effet de la chaleur en formant du tartre. Plus vous chauffez votre eau (> 55 °C), plus vous aurez de tartre. Mais si le principe est simple, la mesure est plus compliquée car les unités de mesure varient et plusieurs types de dureté existent. Retenez qu’en degré allemand, la dureté (G.H.) doit être comprise entre 3 et 5, et qu’en degré français (°f ou °fH) au-delà de 13, il sera nécessaire de vous équiper d’un système adoucisseur.
Choisir son traitement en fonction de son eau et de son exigence
Le plus courant est l’adoucisseur à sel que nous vous déconseillons car il ne vous coûtera presque rien à l’achat (50 € environ), mais beaucoup à l’usage ! C’est pour cela qu’il est mis à disposition par les brasseurs. L’eau adoucie ne déposera plus ou peu de tartre dans votre machine mais cette eau non filtrée lissera le café qui ne présentera alors ni relief, ni complexité aromatique et pourra sembler doucereux. Les odeurs parasites, de chlore notamment, seront en revanche toujours présentes. Plus en vogue et plus adaptées : les cartouches de type Brita, 3M, BWT… qui associent résine filtrante pour éliminer tous les goûts étrangers et adoucisseur par un échange d’ions, le plus souvent sodium. Elles sont d’un bon rapport qualitéprix (350 € environ à l’installation) et efficaces, à condition d’être bien réglées et changées très régulièrement. Le bémol pour ces deux méthodes réside dans la technique employée. Pour adoucir l’eau, on la rend plus acide. Pensez à l’effet du vinaigre blanc sur le tartre de votre théière. Le café en tasse devient donc plus acide aussi et surtout, l’eau devient plus corrosive. Elle va donc attaquer votre machine et déposer des molécules de métal dans l’eau de la chaudière… Vous finirez en conséquence par boire une eau chargée en métaux lourds : cuivre, plomb, fer… Ce qui n’est bon ni pour la santé, ni pour le café ! Toutefois, certaines cartouches, rares, garantissent un pH neutre et sont à privilégier.
Enfin, la solution optimale que peu adoptent car encombrante et onéreuse à l’achat (3 000 € environ) est l’osmose inverse, souvent précédée d’un adoucisseur. Par osmose inverse, l’eau du réseau est complètement dépouillée de ses minéraux après avoir été filtrée. Elle est ensuite reminéralisée selon des taux réglables et donc adaptée à votre matériel et à votre café. Si vous hésitez encore, la marque La Marzocco a mis en ligne un Water Calculator pour vous accompagner dans vos
choix.
Les gestes qui sauvent
Quelle que soit la solution choisie, nous vous recommandons de vidanger le plus régulièrement possible les chaudières de vos machines, de purger les installations et de changer les consommables de votre système : cartouche ou membrane. À chaque vidange, vous aurez l’impression de redécouvrir votre café, tant il paraîtra plus aromatique, dense et équilibré.
Hippolyte Courty