“Nos clients font partie de la famille”
Trois étoiles depuis 2014, René Meilleur a fait avec son fils Maxime et son épouse Marie-Louise, du hameau de Saint-Marcel en Savoie une destination mondialement connue. Et de La Bouitte, une superbe entreprise familiale, à la fois luxueuse et authentique avec chambres, spa et restaurants.
Le Monde de l’Épicerie Fine – Vous êtes ouvert depuis le 10 décembre. Comment vous êtes-vous organisé ?
René Meilleur – On a mis des tables dans nos 15 chambres et suites et nous assurons la même prestation qu’avec notre restaurant gastronomique, mais uniquement en room service. Même si la rentabilité n’est pas là, cela nous a permis de ne mettre personne au chômage partiel et de continuer à tourner.
LMEF – Comme d’autres 3 étoiles célèbres, votre établissement est indissociable de son territoire. Pensez-vous que vous auriez fait un parcours similaire si vous étiez chef à Lyon ou à Paris ?
R.M – Je pense que j’aurais fait différemment. Je n’aurais pas pu m’ancrer en ville comme je l’ai fait ici, avec une proximité immédiate des superbes produits de notre région : herbes, légumes, poissons des lacs, viandes, fromages… Je n’aurais pas attendu que la mode soit au locavore et aux circuits courts puisque c’est quelque chose que l’on pratique depuis toujours. Mais je ne me serais pas enfermé dans cela non plus : il faut pouvoir faire travailler des gens que l’on aime où qu’ils soient. Par exemple, j’aime beaucoup la famille Gillardeau et leurs huîtres : je ne vais pas m’interdire d’en proposer.
LMEF – Vous travaillez avec votre épouse, votre fils et votre fille, la femme de votre fils et votre gendre. Est-ce une force ?
R.M – C’est une affaire mais c’est aussi une histoire de famille. Même nos clients sont de la famille ! Quatre-vingt pour cent d’entre eux reviennent d’une année sur l’autre et certains viennent plusieurs fois dans l’année. Ce sont des habitués et j’ai le même plaisir à les rencontrer que si je retrouvais un cousin ou un proche… Je crois que l’on a créé un lieu complétement atypique de tout ce qui se fait. Nous avons beaucoup écouté nos clients et beaucoup appris d’eux. Ensuite, travailler en famille c’est un pur bonheur et une belle harmonie. Et puis il y a Oscar, le fils de Maxime qui a commencé à apprendre le métier. Il a 19 ans et a déjà fait Emmanuel Renaud, Le Cheval Blanc à Courchevel… En ce moment, il est chez Laurent Petit, trois étoiles à Annecy au Clos des Sens. J’aimerais qu’il aille un peu à l’étranger. En tout cas, il est passionné et cela me rassure pour l’avenir de La Bouitte. La transmission, c’est essentiel.
LMEF – Vous avez obtenu en 2020 le label Entreprise du Patrimoine Vivant. Pouvez-vous nous dire ce que cela représente pour vous ?
R.M – C’est énorme ! Moi qui pensais qu’il ne pouvait plus rien m’arriver après les 3 étoiles. J’ai reçu ce titre avec une immense fierté car tout ça est quand même parti d’un champ de pommes de terre acheté en 1976 avec mon épouse en échange de la réfection d’un toit ! Nous avons ouvert une table pour accueillir les skieurs qui redescendaient en hors-piste et aujourd’hui cette reconnaissance, forcément, nous touche. Cela montre, au-delà des vieux meubles et des recettes que l’on réinvente ou que l’on crée, qu’un patrimoine est quelque chose qui vit, qui évolue.
LMEF – Qu’est-ce qu’il y a d’essentiel dans votre cuisine ?
R.M – Ce qui est essentiel, c’est de faire plaisir aux gens. C’est de les aimer, de faire le maximum pour eux. Bien sûr, il est important de bien manger et que tout soit parfait mais ce n’est pas suffisant. Il faut qu’il y ait un vrai partage autour de toutes ces bonnes choses. C’est ce qui fait le sens de notre métier d’aubergiste. On le fait à fond. Je me lève à 8 heures et il n’est pas rare que je me couche à 2 heures du matin. Je suis toujours avec mes clients.
LMEF – Que trouve-t-on dans la boutique de La Bouitte ?
R.M – C’est une toute petite boutique et cela m’ennuie un petit peu car je sens bien qu’il y aurait quelque chose à faire de ce côté. On y réfléchit et ce sera une façon d’occuper les intersaisons. Pour le moment, vous y trouverez des assiettes, des confitures maison, de la soupe maison faite avec des poissons de lac, du fromage aussi. J’aimerais faire mieux, plus grand…
LMEF – Que conseilleriez-vous comme produits typiquement savoyards à nos lecteurs ?
R.M – S’ils le peuvent, de mettre la main sur un Beaufort d’alpage, ça peut être magique. Et les soupes de poissons des lacs qui ont aussi beaucoup d’atouts. Elles sont plus douces et plus fines que les soupes de poissons de mer : on n’est pas obligé d’y mettre de la rouille !!!
Propos recueillis par Bruno Lecoq
Hameau de St Marcel
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