Le marché de l’e-commerce offre aux commerçants spécialisés une opportunité unique de développer leur activité en ligne. Pour y parvenir, il est essentiel de disposer d’un outil non seulement adapté au marché, mais aussi aux compétences des épiciers fins qui vont avoir à le gérer. Et ce n’est pas aussi simple qu’on l’imagine…
Cofondateur de la plateforme WiziShop, René Cotton reconnaît avoir vécu quatre années très exceptionnelles.
“La période du Covid a été extrêmement faste pour nous dit-il, énormément de personnes ont voulu créer des boutiques en ligne. Et puis, du fait de la réouverture des commerces et de la crise liée à l’inflation qui a suivi, les ventes en ligne ont marqué le coup, l’activité s’est raréfiée. Mais depuis peu on sent qu’il y a une reprise, il y a de plus en plus d’acheteurs en ligne et les créations de boutique reprennent.”
Le contexte serait donc favorable… Mais ce n’est pas une raison pour faire n’importe quoi.
Créateur de L’Épicerie de Loïc B en juillet 2020 (rue Sedaine dans le 11e arrondissement de Paris), Loïc Ballet a inauguré la même année un site de vente en ligne qu’il est en train de faire évoluer.
“La priorité dit-il avec le recul, c’est d’avoir une interface qui soit facile d’usage. Nous utilisons Shopify qui est l’un des leaders en France, parce que nous ne sommes pas des programmateurs ni des professionnels du numérique, on est des épiciers ! Il nous faut donc un outil instinctif et pratique : ajouter un produit en ligne doit être une opération simple.”
La deuxième recommandation de ce nouveau professionnel de l’épicerie fine – par ailleurs animateur vedette sur France Télévisions – porte sur le choix d’une interface qui soit compatible avec son logiciel de caisse, ne serait-ce que pour la gestion du stock.
“Ce n’est pas un détail, dit-il pour en avoir fait l’expérience, car cela devient vite compliqué de devoir constamment remettre à jour le stock en fonction des ventes réalisées par la boutique en ligne. C’est déjà laborieux en soi de devoir répondre aux commandes et à toute la problématique liée à ces commandes – facturation, expédition, suivi… – il faut vraiment suivre cela de près pour combattre l’inertie naturelle, qui est en moyenne de 48 heures entre la réception d’une commande et son envoi effectif.”
Un investissement très chronophage
À Brétignolles-sur-Mer en Vendée, l’épicerie fine Site des Saveurs a été inaugurée par Delphine et Thomas Colombier le 23 avril 2023.
Dès l’ouverture de ce commerce, le couple avait pensé à la création d’un site Internet, qui depuis un an était plus une vitrine qu’autre chose…
Mais quand ce magazine sera paru, le vrai site marchand sera devenu réalité.
“Cela fait un an que l’on travaille dessus, nous dit Thomas, et j’ai sans doute sous-estimé le temps que cela nous prendrait. C’est énorme !”
Ne serait-ce que pour le traitement des 3 000 photos – trois par produit proposé – ; il a non seulement fallu les faire mais aussi les nommer, écrire le descriptif avec les mots-clés permettant le référencement, les allergènes…
Pour le shooting, le commerçant s’est équipé d’un petit studio portable qui lui permet de photographier sur fond blanc (mais pas seulement), les coffrets avec un simple téléphone portable, les autres photos ont été confiées à un photographe professionnel. Et puis, le choix a été fait dès le début de faire appel à l’agence de communication Médiapilote (La Roche-sur-Yon) qui avait créé la charte graphique du site à sa création.
« Nous avons fait ce choix pour être pleinement propriétaires de notre outil, raconte Thomas, mais également pour bénéficier d’une assistance que des solutions plus accessibles financièrement ne nous apportaient pas.
Premières leçons tirées d’une année de travail
Je conseille à tous mes confrères que cela intéresse de vraiment, de prendre le temps de la réflexion.”
Site des Saveurs s’est par exemple positionné sur l’offre en coffrets cadeaux qui représente un vrai plus pour la boutique physique avec des ventes directes aux entreprises de la région : entre 30 et 40 % du CA global.
Un seul contrat de 400 coffrets vendus permet de booster le chiffre d’affaires de façon significative, et ce qui est attendu du site Internet, c’est qu’il attire des entreprises nouvelles sur le marché des coffrets-cadeaux. Côté finances, le couple espère réaliser entre 5 000 et 15 000 euros de chiffre d’affaires la première année pour un investissement de 12 000 euros hors taxes (frais d’agence, de photographe et d’avocat compris). Chiffre qui ne compte pas le temps passé par le couple et pas davantage les 500 euros mensuels qui seront alloués à une personne en charge du référencement, poste incontournable pour se faire une place au soleil sur les moteurs de recherche. Si tout se passe bien, l’entreprise sera amortie en deux ans.
Et quand on interroge Thomas sur les leçons que lui inspire cette première année de travail, il n’hésite pas longtemps : “La première chose dit-il, c’est de respecter sa charte graphique et de ne pas mettre plus de textes qu’il n’en faut. Il faut qu’ils soient courts et compréhensifs. Ensuite, il faut montrer qu’il y a des personnes derrière le site, nous sommes présentés en photo et nous avons partagé nos motivations ; c’est important que les internautes puissent voir le visage des commerçants.” Autre leçon : l’organisation. Rien que pour la logistique, côté pratique, Site des Saveurs dispose d’un local de cent mètres carrés supplémentaires, qui abritera notamment le stock et le cartonnage.
Autres éléments à prendre en compte…
Créer un site marchand oblige à créer des conditions générales de vente. Un point à ne pas négliger. C’est un avocat d’affaires qui s’est chargé (pour 700 euros) de les rédiger pour le Site des Saveurs. Un investissement indispensable pour Thomas qui recommande cette démarche.
“C’est particulièrement important de définir les responsabilités du vendeur, surtout en cas d’incident qui peut toujours arriver : un objet qui arrive cassé (penser aux photos avant et après ouverture), une personne qui tombe malade… Il faut se couvrir au maximum.” Thomas Colombier se félicite par ailleurs d’avoir investi dans le logiciel de caisse Wino qui assure la liaison entre le site et le stock du magasin. C’est devenu un outil indispensable afin de tout gérer en temps réel ; quand une moutarde est commandée sur le site, elle est automatiquement retirée du stock en boutique, ce qui serait particulièrement chronophage à faire manuellement. Comme prochaine avancée, Thomas aimerait que ce même logiciel soit en mesure de calculer le prix de l’expédition en fonction du poids global de la commande et du choix de l’expéditeur qui est d’ores et déjà possible.