rooibos

ROOIBOS

ROOIBOS CECI N'EST PAS UN THÉ...

Fort d’une saveur marquée et de méthodes de production spécifiques, le rooibos affirme aujourd’hui clairement sa personnalité par rapport aux thés et aux infusions. Grignotant des parts de marché, il joue même des coudes dans les rayons des épiceries fines. Attention, success-story en cours.

Originaire d’Afrique du Sud et issu des feuilles de l’arbuste du même nom, le rooibos (Aspalathus linearis) ou thé rouge, attire de plus en plus les amateurs de thés et d’infusions. Résultat, le marché est en croissance continue depuis une vingtaine d’années avec une demande de plus en plus élevée qui tend aujourd’hui à dépasser les capacités de production locale. Depuis la fin des sanctions commerciales contre l’Afrique du Sud, le marché de l’export est ainsi passé d’environ 500 tonnes à plus de 10 000 tonnes. Et la demande continue d’autant plus à grimper que le rooibos brigue à prendre des parts de marché au thé noir, au thé vert et aux tisanes, notamment en Allemagne et au Japon. La France ne fait pas exception et le marché hexagonal se développe rapidement. Les gammes s’étoffent chaque année davantage et les produits à base de rooibos fleurissent dans les rayons, notamment ceux des épiceries fines. “Certains clients apprécient le rooibos nature pour sa saveur corsée, d’autres préfèrent les rooibos aromatisés. Il faut bien sûr s’efforcer de répondre aux deux types de clientèle et donc avoir une offre en conséquence”, témoigne Nathalie Christophe cogérante de l’épicerie fine Marchands d’ici et d’ailleurs à Dijon (21).

LE ROOIBOS, CET INCONNU

Si l’histoire et les origines du rooibos sont mal connues, on sait néanmoins que ses feuilles sont utilisées en infusion pour leur douceur naturelle depuis au moins trois siècles, par les populations indigènes d’Afrique du Sud. Aucun élément ne permet malheureusement de remonter plus loin dans le temps. On peut toutefois dater précisément la découverte de l’Aspalathus linearis. C’est en effet en 1772 que l’arbuste est identifié et répertorié pour les Occidentaux

CARINE BAUDRY

 

“Il existe une grande variété de rooibos sauvages. Chaque variété possède des propriétés sensorielles différentes. Ces rooibos sauvages sont – comme leur nom l’indique – sauvages et non cultivés. Ils sont souvent beaucoup plus difficiles d’accès”.

 

 

 

CARINE BAUDRY, AROMATICIENNE, EXPERT DÉGUSTATEUR ET MEMBRE DE LA QUINTESSENCE.

DE LA RÉCOLTE À LA FERMENTATION : UN PROCESS ATYPIQUE

rooibos arbusteLa densité de saveur d’un rooibos est fort logiquement tributaire des méthodes de production utilisées. Comme pour la plupart des végétaux du sud-ouest de l’Afrique du Sud, les graines de rooibos ont tout d’abord besoin de très fortes chaleurs pour pouvoir germer. Elles nécessitent même des températures extrêmes, voire des flammes pour leur croissance…
“Le rooibos sauvage a besoin de chaleur mais également d’un sol brûlé pour se développer. Il doit donc y avoir un feu de brousse, sinon les graines ne germent pas”, explique un producteur sud-africain. Ainsi, la germination à l’état naturel a généralement lieu l’année suivant un feu.
Une fois l’arbuste arrivé à maturité, ce sont ses parties aériennes qui sont utilisées après avoir été coupées, concassées et fermentées. À noter que la fermentation est un processus clé dans la production du rooibos. C’est en effet au cours de cette étape que le produit acquiert saveur et couleur. Une fois récoltées etdécoupées, les feuilles sont arrosées et compressées, libérant les enzymes qui, au contact de l’oxygène présent dans l’eau, transforment l’aspect du rooibos.
Le processus de fermentation est stoppé lorsque le mélange feuilles/eau atteint, grâce au soleil, une température de 42 °C. C’est à ce moment précis que le rooibos prend sa belle couleur rouge-brun et sa saveur ronde et pleine si caractéristique. Si certains thés sont eux aussi fermentés – thé noir par exemple – la comparaison s’arrête là. Le rooibos constitue en effet une espèce complètement distincte de la plante Camellia sinensis. D’autant qu’il ne contient pas de théine… C’est d’ailleurs ce qui lui permet de se positionner de fait, comme une boisson alternative au thé.

 

TENDANCES, SAVEUR & MODES DE CONSOMMATION

Mais si le rooibos n’a rien à voir avec le thé, il est pourtant souvent appelé thé rouge…
Une désignation aujourd’hui encore fréquente qui longtemps a permis de faciliter les ventes d’un produit mal connu. Ainsi, il est certain que le succès commercial du rooibos en Afrique du Sud dès le début du 20e siècle, comme en Occident à partir des années 1990, est probablement lié au fait que la couleur, l’arôme et le corps robuste du rooibos le rapprochent plus des thés que des tisanes.
En outre, la préparation du rooibos ressemble à celle du thé. Comptez une cuillère bien pleine par tasse, les feuilles doivent être au contact d’une eau bien chaude mais pas trop…
“L’infusion doit se faire avec une eau à 90°C pendant 5 minutes. Ce temps permet d’obtenir un bel équilibre sensoriel. Les notes aromatiques sont bien présentes avec beaucoup de souplesse. Un temps d’infusion prolongé n’aurait pas de conséquence organoleptique car le rooibos ne développe ni amertume, ni astringence”, conseille ainsi Carine Baudry […]

Enfin, le rooibos se parfume ou se mélange très bien avec d’autres plantes aromatiques, voire même avec le thé ! Fort de son succès commercial, on le trouve également de plus en plus sous forme de poudre, de boisson instantanée… […] La vente en vrac peut en effet s’avérer compliquée si l’on ne veille pas à éviter la dispersion des arômes et des parfums. Comme pour le thé, une boîte en fer peut faire parfaitement l’affaire.

TROIS QUESTIONS

 
Mikael Grou chef sommelier
Mikaël Grou, chef sommelier de l’hôtel Beau-Rivage à Genève

 

D’où vient votre pa ssion pour le rooibos ?
Je suis venu au rooibos par hasard, via Gervanne Colboc-Leridon (fondatrice de Cape & Cape) qui pour son salon de thé, cherchait un sommelier capable d’apporter un regard différent sur la dégustation de rooibos. J’ai tout de suite été séduit par le produit et son univers. J’ai donc entrepris un travail de longue haleine pour identifier saveurs et terroirs spécifiques.

Pourquoi un livre1 sur le rooibos ?
Ce travail s’est justement prolongé avec la réalisation d’un livre en collaboration avec Gervanne Colboc-Leridon. Nous y avons approfondi l’idée de dégustation en identifiant tous les paramètres participant des conditions optimales d’appréciation d’un rooibos : température, contenants, accords  mets-rooibos…

Y a-t-il un art du rooibos comme il y a un art du vin ?
Je ne sais pas si l’on peut aller jusque là… Ce qui est certain, c’est qu’il y a un art de “faire” du rooibos comme il y a un art de faire du vin. Lorsque l’on visite les fermes en Afrique du Sud, beaucoup de questions restent sans réponses, comme lorsque l’on se rend chez un viticulteur et que l’on espère comprendre sur place ce qui fait la qualité de son vin. En clair, certaines étapes du process de fabrication du rooibos sont encore empreintes d’un certain mystère ! L’art se trouve peut-être justement là, dans cette magie de la nature sur laquelle l’être humain n’a finalement que peu de prise ?

 

 

LE ROOIBOS PASSE À TABLE!

Si le rooibos se révèle d’une souplesse exemplaire en termes d’associations de saveurs avec d’autres plantes, il peut également constituer un précieux aide culinaire, voire même entrer comme ingrédient dans la composition de nombreux plats ou desserts. En Afrique du Sud, on utilise volontiers ses feuilles pour la préparation du poisson.
“Nous servons le poisson légèrement fumé sur des feuilles de rooibos, la saveur est parfaite et s’associe bien avec les herbes sauvages du coin comme le céleri des dunes”, décrit ainsi Kobus Van der Merwe, chef du Wolfgat, petit restaurant installé dans le village de pêcheurs de Paternoster, à deux heures et demie de route au nord du Cap. En Europe et plus particulièrement en France, le rooibos trouve facilement sa place à la table des chefs étoilés. Alain Passard à L’Arpège utilise par exemple le côté miel de la plante pour adoucir un filet de canard accompagné de betterave confite. Au Grand Véfour, Guy Martin opte quant à lui pour une déclinaison sucrée et festive. Il signe ainsi une bûche autour des agrumes de saison, avec un coeur aux noix de pécan arrosé d’un crémeux à l’infusion de rooibos, le tout relevé d’un concentré de bergamote.
Pour certains professionnels, le rooibos offre – comme le thé – toutes les qualités organoleptiques nécessaires à l’accompagnement de chacune des composantes d’un repas. “Son côté minéral lui permet de rebondir et de sonner juste sur des produits particulièrement iodés et salins comme la saint-jacques. De même, sa douceur et sa fraîcheur joueront parfaitement le contraste avec des plats épicés comme ceux de la cuisine indienne ou marocaine”, poursuit Mikaël Grou.
Enfin, le rooibos associe ses qualités organoleptiques à des vertus thérapeutiques réelles et sérieuses. En Afrique du Sud, le rooibos est ainsi utilisé par les peuplades Khoï à des fins médicinales depuis plusieurs siècles.
“Il est connu depuis très longtemps pour ses vertus thérapeutiques. Son grand point fort est sa teneur en polyphénols antioxydants qui permettent de lutter contre le vieillissement et les maladies cardiovasculaires. Grâce entre autres aux flavonoïdes, il est également indiqué pour traiter les problèmes de digestion et serait aussi bénéfique contre les allergies, l’eczéma et les maladies de peau”, confirme Carine Baudry.

Bref, bon pour la santé mais surtout bon tout court, le rooibos n’a pas fini de faire parler de lui…


Laurent Feneau

Amélie Trouverie, gérante Il é thé une fois à Coutances (50)

“Le rooibos est actuellement plébiscité tant pour sa saveur que pour ses bienfaits sur la santé. Il touche ainsi un large panel de consommateurs – jeunes et moins jeunes – qui apprécient cette infusion sans théine. En boutique, nous proposons une douzaine de références1 pour la plupart aromatisées. Le rooibos nature concerne quelques puristes, pas plus… Parmi les arômes les plus appréciés, les agrumes et le chocolat, les premiers consommés plutôt le matin, le second plutôt le soir. En termes d’arguments de vente, la clientèle est très sensible au discours “santé” sur le produit. Il ne faut toutefois pas hésiter à vanter les qualités organoleptiques du produit, le faire sentir et le faire goûter. Enfin, pour la valorisation en rayons, bien veiller à séparer la partie rooibos de celle dédiée aux thés et aux tisanes. La délimitation doit être claire et nette, condition sine qua none pour que le consommateur comprenne d’emblée la spécificité du produit.”

 

 

1 À titre de comparaison, Amélie Trouverie propose 3 références de tisanes et 60 références de thés.

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