Iced black tea with orange and lemon slices served in mason jars. Close-up

THÉS ET INFUSIONS GLACÉS

LE NOUVEAU MUST DE L’ÉTÉ

Porté par le courant naturalité – bien-être qui impacte tous les marchés alimentaires, le thé glacé s’impose de plus en plus dans l’univers des boissons rafraîchissantes. Après les GMS, où il fut initié en son temps par les mégamarques de soft-drinks, le mouvement est maintenant relayé dans le commerce sélectif par les grandes maisons de thé, avec à l’appui, une offre complète susceptible de séduire tant l’amateur éclairé que le néophyte.

Cet été le tea time s’annonce glacé, probablement plus encore que lors de l’été 2019. Avec des taux de croissance à deux chiffres d’une année sur l’autre, le marché du thé glacé s’affirme en effet comme “le” nouveau passage obligé dans l’univers des boissons rafraîchissantes sans alcool, et selon toute vraisemblance, le phénomène est appelé à durer :

“Les ventes sont passées du simple au double en cinq ans, constate Jean-Marc Zeil, président des Thés de la Pagode. La recherche du produit sain et naturel, la chasse au sucre sont de plus en plus ancrées dans les réflexes alimentaires. La machine est bien lancée et cela rebondit sur l’activité et sur l’actualité de maisons comme la nôtre…” Ce que confirme Jean-Cyrill Lecointre, directeur marketing de Quai Sud, l’un des fournisseurs attitrés de produits gourmets pour les épiceries fines : “Ce n’est pas une mode. La tendance est là, a priori durablement, et elle va même se décliner de plus en plus sur l’axe bio. Nous y pensons tous, forcément.”

Jean‐Marc Zeil, président des Thés de la Pagode.

La consommation de thé glacé – en Suisse, on parle de thé froid – ne date pourtant pas d’hier. Des écrits de la moitié du 19e siècle en évoquent ainsi l’existence en Russie où il était proposé en période de grande chaleur dans les rues par des marchands ambulants, mais aussi dans le sud des états-Unis dès le début du 20e siècle – servi dans un verre avec des glaçons – et bien sûr en Grande-Bretagne, où le culte historique du thé s’est bien évidemment ouvert assez vite à ce mode de consommation. Mais c’est dans les années 1990 que s’opère le véritable essor. On est alors en plein âge d’or du soft-drink et ce sont les multinationales qui donnent le top départ ; Unilever avec Lipton Ice Tea et Nestlé avec Nestea (en partenariat à l’époque avec Coca-Cola) prennent les commandes d’entrée de jeu. Le gâteau est juteux (voir encadré Repères), tout le monde va s’y engouffrer. Normal !

UNE dIMENSION STRATÉGIQUE

Le fait intéressant est que le marché soit progressivement sorti de son cadre 100 % GMS pour s’installer à la carte des bars d’abord, dans les rayons du commerce indépendant ensuite, gagnant du même coup en qualité globale, en légitimité et aussi, on peut le dire, en noblesse : “Le soda industriel basique n’est plus dans l’air du temps, estime François-xavier Delmas, fondateur et P.-D.G. du Palais des Thés. Les frontières historiques ont sauté, on a affaire désormais à une zone thé qui se prête à tous les types de consommation. Les grandes maisons en ont pris conscience et elles donnent du sens et de la valeur au mouvement.”

François‐Xavier Delmas, fondateur et P.‐D.G. du Palais des Thés.

Il en est de fait plus une seule qui ne dispose d’une offre ad hoc dans son catalogue et pour cause :
“Le thé ou l’infusion glacé n’est pas seulement le moyen d’alimenter le marché global et de gonfler ponctuellement un chiffre d’affaires ; il revêt également une dimension stratégique, explique Gilles Werlé, responsable marketing du Comptoir du Thé (groupe Salpa). L’intérêt est double : pour les néophytes, c’est presque un ticket d’entrée au monde du thé et pour l’amateur déjà bien averti, c’est une approche complémentaire pour se divertir et s’ouvrir à de nouvelles expériences gustatives.” Croissance significative à l’appui, les ventes de thés et infusions glacés positionnés comme tels, représentent maintenant 10 % de l’activité au Comptoir du Thé.

Il reste maintenant aux détaillants non spécialistes et aux épiciers fins à savoir communiquer à leur clientèle les spécificités et la richesse de cette offre. Tous les types de thé se prêtent-ils à une consommation glacée ? Comment préparer un thé glacé ? Les enfants peuvent-ils en boire sans problème et surtout, avec plaisir ? Comment construire un juste assortiment ? Les principales questions étant posées, leurs réponses doivent permettre au détaillant d’orienter cet été le chaland en meilleure connaissance de cause.

TOUS LES THÉS SONT PERMIS

Premier point, le choix du thé. Pour le prêt-à-boire vendu en bouteille, le problème ne se pose évidemment pas. La maison Meneau s’appuie ainsi sur le thé vert bio, adouci pour l’occasion avec quelques gouttes de sirop d’agave et agrémenté de saveurs diverses, pour une gamme visant une consommation familiale. La palette proposée par ChariTea cible elle, un public plus large. Distribuée en France depuis 2015 par Delidrinks,
la marque d’origine allemande est qualitativement parlant, l’une des plus réputées du rayon ambiant. Bio, peu sucrés, naturellement infusés, sans conservateurs ou arômes artificiels et composés d’ingrédients issus du commerce équitable, les trois thés glacés actuellement disponibles sont à même de satisfaire tout simplement l’amateur de thé avec, selon le cas, une base thé vert, thé noir ou rooïbos (en format 33 cl pour les épiceries fines).

Hugues Peyrebere, directeur commercial des Jardins de Gaïa

L’affaire est plus complexe pour l’achat en vrac et donc pour les adeptes du fait maison. Car si certains thés “matchent” mieux que d’autres dans leur version rafraîchissante, l’espace est néanmoins grand ouvert : “Il est des variétés que l’on met plus en avant que d’autres pendant l’été, explique Hugues Peyrebere, directeur commercial des Jardins de Gaïa. Mais sur le fond rien n’est interdit, tout dépend de ce que chacun attend d’un thé sur le plan aromatique.” Après le thé vert et le thé blanc, les plus répandus pour un tel usage, le thé noir monte ainsi doucement en ligne en dépit de sa plus grande amertume et d’une présence tannique qui sont forcément des éléments plus “segmentants” à la dégustation.

De l’avis général, c’est néanmoins le rooïbos qui se prête le mieux à la consommation glacée. Mais tout comme pour les infusions ou les tisanes froides, on est sorti là de l’univers du thé proprement dit : le thé rouge, comme chaque détaillant le sait désormais, est en réalité un arbuste de la famille des légumineuses. Ses qualités – sans théine, sans tannins, une saveur légèrement sucrée qui ouvre la voie à toutes les aromatisations –
en font en tout cas, la base reconnue comme étant la plus consensuelle : “C’est la plus simple à faire, la plus appréciée en famille, même les enfants en raffolent”, constate Anthony Lebrun, créateur en 2016 de Callysthé, la première marque de thé 100 % corse. C’est d’ailleurs avec une gamme de cinq mélanges à base de rooïbos qu’il s’est inscrit d’entrée de jeu sur la tendance.

Anthony Lebrun, créateur de Callysthé.

DU PLAISIR AVANT TOUTE CHOSE

Pour le fait maison, le mode de préparation est un autre point à maîtriser, et par suite à savoir communiquer à sa clientèle : “Une fois que les gens ont pris le pli, tout se passe bien, constate Hugues Peyrebere, mais il est vrai que le temps nécessaire à la réalisation d’un thé glacé peut freiner l’envie.” Deux méthodes coexistent, avec des défenseurs sur chaque bord.

Pour les uns, c’est l’habituelle infusion à chaud qui est la plus probante à tous points de vue. Exemple, Vincent Balaÿ, P.-D.G. de Compagnie Coloniale : “Nous recommandons l’infusion à chaud qui infuse plus vite que l’eau froide, qui est mieux maîtrisée et plus facile à gérer, on le sait par expérience. Et puis, une fois frappée avec des glaçons, la boisson obtenue est bien meilleure en goût.” Pour les autres, c’est tout l’inverse : “Avec l’infusion à chaud puis le passage au frigo, le risque de biphasage est réel, estime François-xavier Delmas. L’infusion à froid nécessite certes plus de temps – de 1 heure pour le thé vert jusqu’à 3 heures pour le rooïbos – mais le résultat final est mieux stabilisé et se conserve plus longtemps.” À chacun son école donc… et au consommateur de décider.

Mais là où tout le monde s’accorde, c’est sur l’idée de plaisir qui est associée d’emblée à une consommation de thé ou d’infusion glacé. Plantes, fruits, herbes, épices : en termes de saveurs, le champ créatif est ici sans limites et les grandes maisons ne s’en privent pas. Dans les assortiments 2020, qu’il s’agisse de thé vert, blanc ou de rooïbos, les nouveaux parfums se bousculent : ananas – coco pour le Comptoir Français du Thé, litchi – coco ou mangue – ananas pour les Thés de la Pagode, pêche – abricot – pomme pour Callysthé, mangue – pêche – citron pour les Jardins de Gaia… “Les consommateurs ont surtout envie que ce soit gourmand et original, sans être forcément exotique ; les fruits du jardin sont dans l’air du temps”, poursuit François-xavier Delmas.

Pour booster la tendance et la rendre encore plus accessible, certains développent même des conditionnements spécifiques : c’est le cas des formats “découverte” lancés par Compagnie Coloniale en 2019 (pack de 6 unités, 7,50 €), des packs de 10 mousselines de 6 g proposés par le Comptoir Français du Thé (1 mousseline = 1 litre de boisson)
ou de la nouvelle collection Berlingots du Palais des Thés
(1 berlingot = 4 x 50 cl = 2 litres de boisson).
“Le thé glacé démocratise le thé”, conclut Vincent Balaÿ. Démocratiser sans banaliser, passer de la théière à la carafe sans dévaloriser ni ébrécher l’image du produit, tel est l’enjeu à relever pour les maîtres ès
thé comme pour leurs clients détaillants. Il semble jusqu’à présent bien géré.

GUY LERAY

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