yvon madec

YVON MADEC

L’OSTREICULTEUR TROIS ETOILES

Issu d’une longue lignée d’ostréiculteurs bretons, Yvon Madec perpétue une tradition initiée par son arrière-grand-père en 1898 dans les Abers, sur le site de Prat-Ar-Coum (Finistère). Rencontre avec un passionné dont les trésors iodés – huîtres creuses, plates, spéciales, boudeuses… -, figurent à la carte des plus grandes tables étoilées.

Le Monde de l’Épicerie Fine – Était-ce une évidence pour vous de poursuivre l’aventure initiée par votre bisaïeul ?
Yvon Madec – Je me serais bien vu photographe mais mon père a dit : “Non, j’ai besoin de toi !” J’ai donc commencé à travailler à ses côtés en 1973 avant de reprendre le flambeau en 1985 pour développer l’exploitation. Nous produisons aujourd’hui 500 tonnes d’huîtres creuses, 50 tonnes d’huîtres plates, et la 5e génération est sur les rails !

LMEF – Lorsqu’il s’est installé sur les rives de l’Aber- Benoît, votre ancêtre avait-il tout de suite compris l’intérêt de lancer un produit de qualité ?
Y.M – Absolument. Au début du XXe siècle nous fournissions déjà la maison Prunier. Mes descendants, qui ont notamment inventé les parcs en eaux profondes en rade de Brest, ont pourtant affronté de nombreuses épreuves durant les années 70 : deux épizooties ont décimé toutes les huîtres – les plates, puis les creuses -, et lorsque l’Amoco Cadiz s’est échoué à cinq kilomètres de l’Aber-Benoît en 1978, il a fallu détruire l’intégralité de notre production à cause de la marée noire.

LMEF – Comment avez-vous rebondi ?
Y.M – Grâce à la revente de coquillages et de crustacés dont nous produisons aujourd’hui 150 tonnes.

« Ciblez plutôt votre région de prédilection. Rien qu’en Bretagne, l’huître de Paimpol diffère de celle de Cancale, de Morlaix, des Abers ou du Morbihan. »

LMEF – Les chefs étoilés plébiscitent vos produits depuis longtemps. Qu’est-ce qui fait la singularité des huîtres Prat-Ar-Coum ? Quelles sont vos méthodes d’élevage ?
Y.M – Nous maîtrisons tout : de la naissance à l’assiette. Et contrairement à certains qui vendent des huîtres adolescentes de deux ans dont le remplissage n’a pas encore eu lieu, nous laissons du temps au temps et ne vendons que des spécimens matures (3 à 4 ans). Si nous avons conservé des traditions telles que la culture de l’huître au sol, c’est parce que nos sites d’élevage, répartis sur une centaine d’hectares à proximité des plus vastes champs d’algues d’Europe, sont uniques : l’Aber-Benoît, l’Aber-Wrac’h, la rade de Brest et la baie de Morlaix. Ce sont eux notre vraie richesse. Le captage (production de bébés) de l’huître creuse et de l’huître plate s’effectue en rade de Brest. Une fois produit, le naissain est placé en baie de Morlaix mais à un moment donné, toutes nos huîtres reviennent dans les Abers pour y être affinées et acquérir la signature Prat-Ar-Coum.

 

Le va-et-vient des marées, les échanges constants entre l’eau salée très iodée et l’eau douce des rivières du Finistère génèrent une importante production planctonique qui leur confère des qualités gustatives exceptionnelles, une longueur en bouche et des accents de noisette.

LMEF – Votre réputation dépasse-t-elle les frontières ?
Y.M – Oui. Nous nous développons en Chine, au Moyen-Orient et dans les principales capitales européennes. En plus de la communication, ma fille Caroline est en charge de cette partie export qui représente environ 15 % de notre CA.

LMEF – Si la France est le premier producteur européen d’huîtres et que les ventes explosent au moment des fêtes, certains phénomènes comme le réchauffement climatique jettent une ombre au tableau. Êtes-vous inquiet pour l’avenir de la filière à court terme ?

Y.M – Non car la Bretagne est une zone tempérée où les courants sont nombreux. Le réchauffement climatique fait même de notre région l’un des endroits de France les plus favorables à la production de naissain. L’augmentation de la température de l’eau y est beaucoup moins sensible que dans le bassin d’Arcachon par exemple, où elle a dépassé cet été les 30 degrés.

LMEF – Le producteur d’excellence que vous êtes apprécie-t-il les épiceries fines ?
Y.M – Bien sûr ! Et je vois d’un très bon oeil le regain d’intérêt dont elles font l’objet. En montrant aux consommateurs qu’il existe d’autres produits, elles éveillent leur conscience et les mettent en garde contre la pensée unique de la grande distribution. Quant aux amateurs d’huîtres, ils trouveront toujours dans les épiceries fines de délicieux accompagnants (vins, beurres, condiments…) et de précieux conseils.

LMEF – Comment faire le bon choix parmi toutes ces huîtres d’origines diverses présentes à Noël sur les étals ?
Y.M – Oubliez les grandes familles : la Marennes-Oléron, la Bretonne, la Vendéenne. Cela ne signifie rien. C’est comme si l’on vous vendait du vin en disant “c’est du vin rouge”. Ciblez plutôt votre région de prédilection. Rien qu’en Bretagne, l’huître de Paimpol diffère de celle de Cancale, de Morlaix, des Abers ou du Morbihan. Essayez les “boudeuses” si vous en trouvez. De nombreux chefs raffolent de ces bonbons de la mer bien charnus qui explosent en bouche. Bref, soyez curieux et… que le meilleur gagne !

www.prat-ar-coum.fr


Propos recueillis par Patricia Khenouna

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