“Inventeur en épicerie fine”, Alain Léon a créé Savor & Sens pour appliquer les recettes du beau et bon au bio. L’artisan continue de croire à une consommation bio déculpabilisée, employant les codes de l’épicerie fine.
Le Monde du Bio Gourmet – Comment êtes-vous venu au bio ?
Alain Léon – À la création de Savor & Sens, mon objectif était de me positionner sur le marché du bio gourmet avec une gamme exclusivement bio. L’offre d’épicerie fine bio, principalement centrée sur l’huile et le vinaigre, était alors un peu terne. J’avais envie de la dynamiser avec des moutardes bio originales, des vinaigres à la pulpe de fruit et de beaux contenants…
LMBG – Comment le projet a-t-il évolué ?
A.L – Deux ans après, à la demande de grands comptes mais aussi pour effacer ma frustration de ne pas pouvoir créer autant de produits bio innovants que j’aurais voulu, j’ai lancé Savor & Sens Tradition sur le marché du conventionnel. Nous avons donc depuis une gamme conventionnelle et une gamme Savor & Sens Bio.
LMBG – Aujourd’hui, que représente le bio dans votre activité ?
A.L – Sur une catégorie phare comme les moutardes, le bio ne représente que 15 % de notre chiffre d’affaires : il nous reste beaucoup à faire ! J’aimerais produire un jour toutes mes gammes en bio. La légitimité du bio n’est plus à démontrer et il y a de la place pour de nouvelles saveurs. Avant, les consommateurs de bio pensaient avant tout à se faire du bien. Aujourd’hui, ils veulent aussi se faire plaisir.
LMBG – Quelles sont les freins au développement du bio gourmet ?
A.L – La seule véritable inquiétude concerne les approvisionnements. Certains ingrédients n’existent qu’en petites quantités, comme le piment d’Espelette par exemple. D’autres sont exposés aux aléas climatiques. Aujourd’hui, de nombreux groupes investissent dans des fermes ou des élevages pour être sûrs d’avoir accès à la matière première.
LMBG – Tous les produits se prêtent-ils au bio ?
A.L – Après le succès des sirops barbapapa, j’ai tenté d’en faire une version bio : impossible ! Je n’obtenais pas le rendu des couleurs des personnages qui était imposé par TF1, détenteur des droits. De même, nos jus bio sont non seulement moins “flashy” que les conventionnels, ils ont aussi un dépôt plus important… Mais les consommateurs commencent à s’habituer à ces différences.
LMBG – Le bio est-il toujours gage de qualité ?
A.L – Non, ce n’est pas parce qu’un produit est bio qu’il a forcément meilleur goût ! Il m’arrive de refuser des huiles d’olives bio parce qu’elles sont trop amères ou astringentes… Le bio a aussi ses contraintes. Parfois certaines épices bio, non stérilisées par ionisation (le règlement bio ne le permet pas, NDLR) développent des bactéries en trop grand nombre. Ou des insectes prolifèrent dans l’ail ou les échalotes et nous obligent à les jeter.
LMBG – Que vous inspire le fait que la grande distribution s’engouffre dans le bio ?
A.L – Est-ce que tous les produits bio vendus en grandes surfaces sont de qualité ? Je m’interroge… Mais il est certain que la grande distribution va chercher à s’approprier la tendance bio par tous les moyens.
LMBG – Quelle peut être la réponse de la distribution spécialisée ?
A.L – Si les magasins standards rattrapent les magasins bio, ceux-ci vont devoir chercher l’originalité dans leur assortiment. Pour l’instant en France, les grandes enseignes bio restent très classiques mais en Allemagne, un leader comme Altanatura m’a référencé. Des concept stores comme Alice Délice ou Nature & Découvertes, n’achètent que du bio. Quant aux épiceries fines, elles sentent bien qu’elles doivent capter une partie de ce business. Leur intérêt est d’introduire une part de produits bio créatifs et tendance dans leur offre.
Savor & Sens en chiffres
- CA annuel : 8 millions d’euros
- Effectif : 50 personnes
- Gamme : 600 références de condiments, épices et tartinables
- Site de production : 3 800 m2 à Signes (Var)