Chef deux étoiles du mythique Grand Véfour, Guy Martin est à la tête de nombreuses entreprises où la qualité s’impose en règle. Auteur de nombreux livres de cuisine*, il présente également depuis trois ans sur TV5 Monde une émission dont le titre ne pouvait nous laisser indifférent : « L’Epicerie fine de Guy Martin ».
Lorsque l’on vous parle d’épicerie fine, qu’est-ce que cela évoque pour vous, en dehors de l’émission que vous animez ?
Guy Martin : Pour moi, une épicerie fine, c’est la caverne d’Ali Baba, le rêve, le voyage… Et ce sont surtout des beaux produits. Idéalement, c’est un lieu où je trouve un peu de tout et, en même temps, où je découvre des produits qui sortent du lot. C’est le monde de la délicatesse, une ambiance zen où l’on se sent bien et où l’on a envie de tout acheter, de tout manger.
Entrer dans une épicerie fine peut-il encore inspirer le chef que vous êtes ?
G. M. : Forcément, puisque c’est un territoire de découvertes. Malgré mon expérience, il y a des miels ou des variétés de sel qui me sont inconnus. Et les producteurs changent eux aussi. Les styles évoluent, des jeunes arrivent sur le marché. Ce qui fait que l’épicerie fine est toujours en mouvement.
Avez-vous un modèle de référence ?
G. M. : Pas de modèle, formellement. Mais j’aime beaucoup une boutique comme Izrael, rue François-Miron, à Paris. On y trouve plein de choses, des épices qui viennent des quatre coins du monde et les propriétaires ont une vraie connaissance du produit. C’est ce qui m’importe le plus : que l’épicier fin m’apporte une valeur ajoutée en termes de connaissance. Qu’il soit capable de me renseigner sur tous les produits qu’il me propose. C’est essentiel, je préfère qu’il en ait peu mais qu’il sache tout d’eux. Si j’achète du sumac, par exemple, j’ai envie de savoir d’où il vient de façon précise. Ce n’est pas suffisant de savoir qu’il vient de la Méditerranée : je veux savoir de quelle région de la Méditerranée ? De Turquie ? Du bassin méditerranéen français ? Parce que la typicité du produit va changer en fonction de sa provenance et l’utilisation que je vais pouvoir en faire peut varier. L’épicier fin doit pouvoir guider le client dans ses choix. S’il me vend de la vanille, je veux qu’il me dise sur quel terroir elle a poussé, comment elle a été cultivée, à quelle maturité elle a été ramassée et tout ce qui va me permettre d’aller plus loin dans l’approche du produit.
Il n’y a pas de produits de l’épicerie fine au Grand Véfour, mais en vendez-vous par ailleurs ?
G. M. : Nous vendons quelques produits à l’Atelier Guy Martin, mais j’ai dans mes projets l’ouverture d’une épicerie fine en 2014. Ce sera à Paris et dans un grand espace. On y retrouvera tous les produits que j’ai pu répertorier en plus de trente ans de métier et que j’ai envie de mettre à la disposition du plus grand nombre, mais également des produits « Guy Martin ». J’y pense depuis plusieurs années, le principe est posé… Il me faut juste encore un peu de temps.
Proposerez-vous des produits sous la marque « Grand Véfour » ?
G. M. : On peut l’imaginer. Avec une réserve toutefois, je ne veux pas perdre mon âme dans ce que je fais et j’avance étape par étape. Je veux dire par là que je ne veux rien précipiter et je ne veux surtout pas que le client qui vient chez moi puisse se demander si telle ou telle chose est vraiment justifiée. Je ne suis pas intéressé par le business, ça n’a jamais été ma démarche. Ce qui m’intéresse aujourd’hui, c’est d’avoir de belles équipes avec lesquelles je m’entends bien, d’avoir de bons chefs dans chacune de mes maisons.
Comment se porte votre émission « L’Epicerie fine de Guy Martin » ?
G. M. : Très bien. Nous attaquons notre troisième saison et nous continuons de sillonner la France à la recherche des bons produits : les anchois, la langoustine, le hareng… Et comme nous l’avons déjà fait avec le Maroc, la Suisse, la Croatie ou la Suède, nous partirons cette année encore à la découverte de trois nouveaux pays. L’émission, diffusée sur TV5 Monde, TMC, D8, Cuisine+ et la chaîne Voyage, rencontre chaque semaine son public. L’audience est bonne et la star reste le produit.
C’est un rendez-vous hebdomadaire : combien de temps y consacrez-vous ?
G. M. : Chaque émission me prend environ une journée et demie pour le tournage. Pour le reste, il y a une équipe qui reste une semaine sur place pour répertorier un peu tout ce qui se trouve dans la région où nous sommes.
Pour conclure, quelle recommandation pourriez-vous donner aux épiciers fins ?
G. M. : Parlez vrai, soyez honnêtes, connaissez vos produits, tous vos produits, et allez à la source. Le client a besoin d’être rassuré et c’est en allant voir les producteurs sur place que vous pourrez véritablement répondre à son attente. Les fromagers l’ont bien compris : les meilleurs d’entre eux sillonnent régulièrement la France et je crois sincèrement qu’ils nous montrent la marche à suivre.
Propos recueillis par Bruno Lecoq