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Cadmium & Chocolat : « le problème n’est pas le cacao mais son mode de production »

Cesar magaña m. cacao de belco
Cesar Magaña, directeur Cacao de Belco

Métal lourd toxique et potentiellement cancérogène, le cadmium serait trop présent dans les produits chocolatés et cacaotés, selon une étude de l’UFC Que Choisir. À l’approche de la journée mondiale du cacao (1er octobre), Cesar Magaña, le « Monsieur Cacao » de Belco, importateur qui fournit notamment les chocolatiers « Bean to Bar » en fèves de cacao, appelle à faire la part des choses sur la question du cadmium dans le chocolat.

Le Monde de l’Épicerie Fine – Pourquoi trouve-t-on du cadmium en très grande quantité dans certains cacaos ?

Cesar Magaña – Tout d’abord, il n’y a pas que le cacao qui contient du cadmium. D’autres produits agricoles sont concernés. Le cadmium est naturellement présent dans les sols comme d’autres métaux lourds. Le cacaoyer a la capacité de l’absorber mais ce n’est pas la seule plante à le faire – c’est également le cas de la pomme de terre, du riz, du blé – ni celle qui en absorbe le plus. De plus, la forte présence de cadmium dans les sols concerne quelques régions d’Amérique latine mais pas toutes.

LMEF – Une des raisons avancées par les observateurs est que certains pays d’Amérique latine ont des sols volcaniques qui contiennent beaucoup de cadmium…

Cesar Magaña – C’est inexact. El Salvador est par exemple l’un des pays où se trouvent le plus grand nombre de volcans au monde mais l’un de ceux dont les sols contiennent le moins de cadmium. Même au Pérou et en Équateur, où l’on trouve beaucoup de cadmium, certaines régions en ont et d’autres pas du tout. En réalité, les cas de teneur élevée en cadmium dans les végétaux sont souvent liées à l’utilisation de fertilisants phosphatés utilisés en trop grande quantité sur des sols déjà riches en cadmium.

LMEF – Pourtant l’UFC Que Choisir a trouvé les plus fortes concentrations de cadmium dans le chocolat bio !

Cesar Magaña – Il ne faut pas généraliser. D’abord parce qu’on cultive du cacao bio aussi bien en Amérique latine que dans les autres régions productrices où les sols sont moins concentrés en cadmium comme l’Afrique. Ensuite, parce que le cadmium se trouve dans certains sols acides qui manquent de matière organique. S’ils sont enrichis en fertilisants phosphatés, cela facilite l’absorption du cadmium par les plantes. Pour les cacaos bio cultivés en agroforesterie, c’est tout le contraire. Car l’agroforesterie permet de maintenir la richesse organique des sols ce qui réduit le risque d’absorption des métaux lourds par les végétaux.

LMEF – Faut-il arrêter de consommer des cacaos et chocolats originaires d’Amérique latine ?

Cesar Magaña – Je pense qu’il peut y avoir un doute sur les chocolats industriels mais pas avec les chocolat artisanaux. Dans notre cas, chaque lot de cacao que nous importons est tracé et contrôlé. Il y a plus de risque de trouver du cadmium dans le sucre utilisé pour faire du chocolat que dans nos cacaos. D’autant plus que nous pratiquons le commerce équitable.

LMEF – Le cadmium se concentrant dans les feuilles du cacaoyer, poser ou faire sécher les cabosses dessus au moment de la récolte augmente-t-il le risque ?

Cesar Magaña – Oui mais cela joue sur des quantités marginales de cadmium. Il y a deux raisons pour lesquelles les cabosses peuvent contenir du cadmium. La première est génétique, c’est la variété de cacaoyer qui peut plus ou moins capter le cadmium et dans le cas d’une culture monovariétale, il y a un risque de charge supplémentaire. Mais surtout, le risque est supérieur dans un modèle agricole intensif de monoculture. Parce que dans ce cas, la seule matière végétale disponible est la feuille de cacao. C’est pour ça que nous exigeons de nos producteurs qu’ils pratiquent l’agroforesterie. Le couvert végétal est dans ce cas tellement riche et divers que la concentration de cadmium sera plus faible.

LMEF – L’agroforesterie réduit-elle le taux de cadmium dans le cacao ?

Cesar Magaña – Le cacaoyer est une arbre endémique de la forêt amazonienne. À partir du moment où vous l’isolez de cet écosystème, vous l’exposez à tous les risques. Celui du cadmium, d’autres métaux lourds, de résidus de pesticides, etc. Comme pour la pomme de terre, le blé ou le riz, le problème ne vient pas de la plante mais de mode de production.

LMEF – Comment rassurer le consommateur ?

Cesar Magaña – Nous faisons contrôler par le laboratoire Eurofins les 10 principaux métaux lourds et les 20 pesticides les plus utilisés de tous nos cacaos. Après l’étude de Que Choisir, la quasi totalité de nos clients professionnels nous ont appelé pour obtenir les analyses, nous leur avons communiquées même si ces dernières sont extrêmement compliquées à comprendre. Que faire de plus ? Je pense que l’on accorde aujourd’hui trop d’importance aux risques et que l’on oublie les bienfaits du chocolat.

La nouvelle vague des fabricants de chocolat « Bean to Bar » prend très au sérieux les questions de traçabilité, la qualité de son produit, qui contrôle de A à Z sa chaîne de production et tient à payer correctement ses producteurs. Il est plus cohérent de leur acheter du chocolat que d’en réduire la consommation, alors qu’ils font le maximum pour nous ne pas exposer les consommateurs au risque de contamination.

Propos recueillis par Olivier Costil

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