Le muesli et le granola ont plus que jamais le vent en poupe. Avec, pour certains producteurs, toute une série d’arguments qui correspondent aux valeurs des épiceries fines, entre créativité et qualité.
Le petit déjeuner semble avoir de beaux jours devant lui. Aussi important soit-il selon les nutritionnistes et médecins, il fut pourtant un temps zappé, voire boudé par les Français, principalement faute de temps. Mais depuis quelques années, la volonté de “mieux manger” en répartissant des repas équilibrés sur toute la journée a remis le petit déjeuner pour adultes au cœur des préoccupations. Les acteurs de ce marché ont su répondre positivement à la demande. Jus frais, smoothie bowl, sans oublier les céréales qui en 2017 – granola et muesli en tête – ont connu, comme le rapporte le magazine LSA*, un regain de croissance significatif. Il faut dire que ces mélanges de céréales correspondent parfaitement aux attentes des consommateurs à l’heure du premier repas de la journée : ils ne nécessitent quasiment pas de préparation et sont bons pour la santé !
Un secteur porteur de vocations
Nombreuses sont les entreprises à s’être lancées sur le marché des céréales “saines”. Charles d’Oléon, fondateur de la firme Les Fruits Détendus, en fait partie. Mais avant la céréale, c’est le fruit sec qui a été le moteur de son entreprise. Selon lui, les fruits séchés n’étaient pas assez mis en valeur dans la cuisine française. À son grand regret… “Ce sont de supers bons produits. Mes parents m’en ont fait consommer beaucoup durant mon enfance”, raconte-t-il. J’ai voulu moderniser le concept des fruits séchés et je me suis rendu compte que l’on pouvait faire plein de produits sains et originaux. Pour ce producteur, le granola est apparu comme “la” solution pour aborder le marché. “Le muesli est dans nos projets, précise-t-il, mais il est difficile de se différencier sur ce produit car ce n’est que du mélange. Dans notre granola certifié végan et bio, il y a un vrai savoir-faire, on travaille avec une cheffe, on fait des purées de fruits…”, argumente-t-il.
Côté recettes, Les Fruits Détendus proposent quatre granolas différents dotés de la même base : des dattes réduites en purée avec des graines de sarrasin et une pincée de fleur de sel. “Les recettes sont naturellement sucrées, il n’y aucun sucre ajouté. Elles sont également sans gluten”, affirme le fondateur.
Pas de miel, ni de sirop donc, juste une purée de dattes qui vient lier et sucrer la préparation. Le best-seller de l’enseigne est le granola coco et amande.
“Il se compose de coco râpée en lamelles, d’amandes concassées grossièrement et d’eau florale naturelle de rose”, détaille-t-il. Viennent ensuite les recettes cacaotées. La première s’appelle cacao et pistache et se compose de cacao cru, de pistaches, d’un peu d’amandes et de noisettes. La seconde – cacao et cajou – associe du cacao cru, de la noix de cajou, de la cannelle et de l’eau florale naturelle de fleur d’oranger. Enfin, la dernière recette de granola, et aussi la plus fruitée, s’intitule figue et cajou. Elle mélange la figue séchée à la noix de cajou, avec des petites baies d’épine-vinette, des raisins de Corinthe et de l’eau florale naturelle de fleur d’oranger.
Des saveurs inédites présentées en bocal de 350 grammes aux couleurs pastel et distribuées dans une petite centaine de points de vente d’épiceries fines. Pour prolonger l’aventure et permettre une consommation nomade, l’entreprise a décliné ses deux recettes phares – miel et chocolat – en barres confectionnées avec 40 % de granola et du sirop de riz.
Pas seulement au petit déjeuner
Les chemins qui mènent aux céréales sont naturellement divers. Il y a sept ans par exemple, Catherine Kluger, avocate, saute le pas et décide de dédier sa vie professionnelle à la cuisine. D’abord concentrée sur la production de tartes, elle se lance début 2017 dans la fabrication de granola. “Je voulais passer sur un produit sec et accéder à un mode plus simple de stockage, de distribution et de commercialisation” explique-t-elle.
Début 2017, elle lance une gamme de cinq recettes certifiées bio, fabriquées en France sans sucre raffiné, aux saveurs inédites. La gamme s’étend de la recette classique au miel et déclinée au chocolat (les deux références totalisent encore la moitié des ventes), à une recette à base d’huile essentielle et écorce d’orange et dés d’abricots, en passant par un granola carotte/gingembre et graines de fenouil/piment d’Espelette. Avec celles-ci, Catherine Kluger démontre que le granola ne se consomme pas seulement au petit déjeuner mais qu’il peut facilement être utilisé en cuisine, sur des compotes, salades de fruits, yaourts, voire en topping sur des salades, soupes et plus encore. Une sixième recette a depuis rejoint la gamme : un granola au café réalisé à base d’extrait de café et de grains de café concassés.
La valeur ajoutée du bio
Biscuiterie artisanale créée en 2011 en Picardie, La Pierre qui Tourne propose une gamme de biscuits fabriqués avec des ingrédients (oeufs, sucre, farine et beurre) 100 % bio issus de producteurs locaux. Dès le début de cette aventure de couple (Isabelle et Benoît Amiel sont aux commandes), l’idée de proposer une recette de granola était à l’ordre du jour. “À l’époque, il n’y avait pas d’offre complète et de qualité dans l’univers du granola en France, contrairement aux États-Unis où il était en place depuis longtemps. Nous voulions amener notre patte et réfléchir à une recette riche en fruits secs et en graines, et non seulement à base d’avoine” explique Benoît Amiel. “Nous avons finalement lancé la première recette en 2015”. Le granola façon La Pierre qui Tourne, c’est 40 % d’avoine, des graines de courge, de lin ou de tournesol et des fruits à coque comme des noisettes ou des amandes concassées. Le tout est mélangé à un sirop réalisé à base d’agave et d’huile de colza avant d’être toasté au four : des paquets vont alors se former, apportant au mélange mâche et croustillance. Forte de son succès, la recette classique (encore le best of des ventes aujourd’hui) a été rejointe par une recette aux fruits rouges lyophilisés. Prochainement sera lancée une référence au chocolat (noir) – encore en préparation – dont la commercialisation est prévue pour les fêtes de fin d’année. Dans un futur proche devrait aussi être proposée une recette aux fruits secs coupés au couteau, des abricots, des figues ou des dattes.
Côté utilisations, Benoît Amiel conseille de consommer le granola en cuisine, en pâte de crumble, en fond de tarte ou encore mixé avec des biscuits… Aujourd’hui, l’entreprise produit 200 kilos de granola par semaine et la production ne cesse d’augmenter. Pour expliquer les raisons de ce succès, Benoît Amiel argumente : “Le granola a un côté naturalité, c’est dans la tendance. Il séduit une clientèle jeune à la recherche de produits sains et de qualité en épiceries fines”.
Le couple s’attache à créer une recette propre pour chaque granola de la gamme, qui ne devrait pas compter plus de quatre ou cinq références à terme. Sur les 200 points de vente en épiceries fines que compte l’entreprise (au total 25 références entre les biscuits, granolas, le sans gluten, les cakes et pains d’épices), une centaine ont été séduits par son Smart Granola. Reste à trouver la bonne façon de le présenter. “C’est difficile pour une épicerie fine. Souvent il n’y a pas de rayon dédié au petit déjeuner et il faut alors bien placer ce produit” raconte Benoît Amiel. Pour assurer une DLUO relativement longue (elle est de six mois), La Pierre qui Tourne utilise la technique de bi-cuisson. Le mélange passe ainsi une première fois au four, avant de refroidir et de passer une seconde fois pour être déshydraté et ainsi mieux se conserver. Un argument qui devrait séduire les professionnels de la vente…
Des granolas à faire soi-même
Les acteurs du secteur ne sont pas que des nouveaux arrivants. La société Marlette par exemple n’a pas été épargnée elle non plus par la tendance muesli et granola. Si elle se consacrait au départ à la préparation de gâteaux à faire soi-même, l’entreprise a aujourd’hui évolué et s’est lancée dans de nouveaux projets. “On s’est aperçu qu’on ne trouvait pas de muesli satisfaisant au point de vue nutritionnel. Ils étaient trop transformés. On a donc créé une gamme de mueslis prêts à l’emploi et des recettes de granola”, explique Margot Caron, l’une des fondatrices de Marlette. La gérante confie que la vente de granolas a très bien marché dès son lancement. Le muesli a également fait son petit effet auprès de sa clientèle. “Même les enfants apprécient”, précise Margot Caron, avec fierté. Chez Marlette, les céréales utilisées dans les recettes sont locales, bio et complètes.
“On a un muesli aux cinq céréales toastées, aux flocons de maïs complets, à la canneberge sèche et aux graines de courge, de tournesol et de lin brun”, détaille Margot Caron. En plus du muesli au cranberry, la firme en propose un au chocolat et un autre aux fruits. Bien sûr, ces spécialistes du petit déjeuner misent également sur le granola. À la différence du muesli, ce dernier n’est pas totalement clé en main, il est à compléter à la maison. “Notre granola possède une base de cinq céréales complètes avec des graines et des noix. Le consommateur ajoute ensuite du miel, du sirop d’érable ou d’autres produits sucrants et de l’huile végétale, de coco par exemple”, explique Margot Caron. Pour elle, finir la recette chez soi a plus d’un intérêt pour le consommateur : “Ça sent très bon dans la maison, c’est gourmand et un granola qui sort du four, ça change tout gustativement”, affirme-t-elle.
Des recettes éphémères
La “gastronome gourmande” Marjorie Fourcade, fondatrice de la maison Foucade, s’est-elle aussi attaquée aux recettes à base de céréales. La maison qui a pour ambition de vendre des pâtisseries moins sucrées, moins grasses et sans gluten, propose également une gamme de granolas bio. Trois recettes permanentes sont présentées : “Tout d’abord, on a notre granola original à base de cajou torréfiées, de flocons de riz et de sarrasin, de graines de chia, d’amandes brutes, de noix de cajou et de cranberries.
Le second est au cacao cru, à la noisette, au coco râpé, raisins secs, amandes et flocons de sarrasin”, précise Marjorie Fourcade. Le dernier granola de la maison est également à base de cacao mais cette fois associé à la banane, à la noix du Brésil et aux graines de chanvre… Les différents granolas sont sucrés avec un sirop maison ou d’agave. En plus de cette gamme “fixe”, la boutique propose des recettes éphémères, durant les fêtes de fin d’année par exemple, avec le mélange noix du Brésil, flocons de châtaigne, orange confite, pomme séchée et quatre épices. Enfin, ce producteur propose un granola salé qui se compose de graines de courge, de tournesol, d’amande et de curcuma. “Il a une dominance indienne” en matière de saveurs, indique la gérante.
Option salée
Le secteur de la céréale est tellement porteur qu’il suscite aussi des reconversions, comme en témoigne l’histoire de Guillaume Castille, créateur de Granomy. Diplômé d’une école d’ingénieur et commercial pendant plusieurs années, Guillaume Castille a tout lâché pour les beaux yeux du muesli en 2016. “J’ai tout créé moi-même : la marque, les recettes, le packaging… J’ai fait les produits chez moi”, raconte-t-il. Mais contrairement à d’autres, Granomy, qui vient tout juste de se positionner sur le sucré est reconnu comme un spécialiste du salé. Muesli aux herbes de Provence, au “sel fou”, aux figues… De quoi se démarquer des concurrents – de plus en plus nombreux – du secteur. Pour le spécialiste de la céréale salée, Guillaume Castille : “La texture est très importante”. Les recettes doivent être assez croustillantes et accessibles en termes de saveurs.
Dégustation et accompagnement
Afin de mieux comprendre les nuances et subtilités des recettes, il faut d’abord savoir distinguer les deux préparations. Le muesli est un assemblage d’oléagineux, de flocons de céréales et de fruits frais ou secs. Ce joyeux mélange n’est pas cuit, contrairement au granola qui effectue un passage au four. Granola et muesli partagent donc la même base d’ingrédients, sauf que l’un se déguste cru. En plus de cette différence, il faut noter que le granola se sucre avec du miel ou du sirop avant de passer au four. Mais comment accommoder ces fameux partenaires du petit déjeuner (ou des petites faims) ? Charles d’Oléon propose de déguster le granola façon bowl, une tendance culinaire venue d’outre-Atlantique très en vogue sur les réseaux sociaux et dans les restaurants surfant sur la vague du “bien manger”.
On peut ainsi s’essayer au granola bowl avec de la purée de baies d’acaï et quelques fruits frais. En outre, le granola tout comme le muesli peuvent se déguster simplement avec un lait végétal ou même nature. Marjorie Fourcade préconise quant à elle trois façons de picorer le granola. “Premièrement, on peut le manger nature. Il y a de gros morceaux dans le nôtre ; il se picore comme du pop-corn, ou alors avec un café ou un thé. Deuxièmement, je recommande de le déguster avec du fromage blanc ou un yaourt, il se marie très bien avec un aspect velouté. Et enfin, je conseille de goûter l’association glace-granola, avec un sorbet ou une crème glacée”, indique la créatrice de la maison Foucade.
Pour une consommation salée, le fondateur de Granomy conseille le muesli avec des soupes ou des salades. “Il peut donner du croustillant, de la texture à certains plats”, indique-t-il. Son muesli peut aussi se déguster le matin, mais ingérer des herbes de Provence dès l’aube ne ravira pas tout le monde. Il est ainsi recommandé de le picorer davantage en journée ou en soirée. Dans la même veine que Granomy, la cheffe Catherine Kluger propose un granola salé fenouil et piment d’Espelette. Une recette originale qu’elle conseille d’associer à une salade grecque.
Julia Kadri et Claire-Sophie Martin