Le Réseau Vrac & Réemploi a publié, le 14 mai dernier, le premier Baromètre économique de la filière. Diagnostic : si le vrac semble redresser la tête, les emballages réemployables peinent à décoller en France.
Rendu public au Salon du Vrac et du Réemploi, le 14 mai 2024, le premier Baromètre économique de la filière a été réalisé par la société de conseil Deloitte à l’initiative du Réseau Vrac & Réemploi (RVR). Ce dernier regroupe quelques 200 acteurs du secteur en France. Le rapport a été remis le jour même aux ministères de l’Économie et à celui de la Transition écologique.
Mesurer l’offre vrac et le réemploi dans le commerce de détail
Le document synthétise les réponses de 56 entreprises situées à différents niveaux de la filière, des fournisseurs d’emballages ou d’équipement pour la vente en vrac aux opérateurs de collecte en passant par les structures de lavage. L’analyse d’une trentaine de fichiers quantitatifs a complété ces échanges. Le document porte exclusivement sur les applications dans le secteur des produits de grande consommation et du commerce de détail hors restauration.
Pas de chiffres sur la consommation finale
L’objectif du rapport est de poser les bases d’une meilleure connaissance de la filière du vrac et du réemploi. « Il invite à la réflexion, à l’action pour l’ensemble des acteurs du secteurs, institutionnels et politiques« , a souligné Célia Rennesson, directrice du Réseau Vrac & Réemploi. Le Baromètre se concentre sur l’amont et ne délivre malheureusement pas de chiffres détaillés sur le marché et la consommation finale de produits achetés en vrac ou sous emballage réemployables.
Les magasins bio toujours pionniers
Côté distribution, le Baromètre confirme que les réseaux spécialisés restent les plus engagés dans le vrac et le réemploi. Les magasins bio se révèlent ainsi toujours aussi précurseurs en matière de consommation responsable. Ce sont en effet les points de vente qui proposent le plus grand nombre de références sous emballages réemployables (principalement consignés). Leur offre de produits vendus en vrac reste par ailleurs très développée (590 références hors fruits et légumes).
Les grandes surfaces généralistes à la traîne
Seules les boutiques spécialistes du vrac les distancent sur ce terrain, avec 1 200 produits vrac en moyenne. Mais les magasins vrac « peinent à se convertir au réemploi » (seulement 20 références), souligne le rapport. Les grandes surfaces généralistes restent à la traîne avec seulement 36 références de vrac et 11 références de réemploi.
Le réemploi, une goutte d’eau dans la mer
Selon le Baromètre, on compte par ailleurs un millier de points de collecte d’emballages réutilisables dans la distribution française. Plus de 13 millions d’entre eux auraient été collectés en 2023. Cela reste une goutte d’eau dans la mer des plus de 115 milliards d’emballages ménagers jetés chaque année par les consommateurs (source Citéo).
Trop peu d’emballages réemployables sont réemployés
De surcroît, le taux de retour des emballages réemployables n’est que de 35 % en moyenne. Les taux de collecte les plus élevés sont mesurés dans les enseignes spécialistes de la livraison à domicile (87 %) et les Drive spécialisés vrac et réemploi (80 %). Ceux-ci sont sans doute mieux armés pour gérer la logistique retour et leurs clients sont très motivés. Le taux de retour est plus élevé que la moyenne mais inférieur à 50 % en magasins bio (47 %). Il reste dans la moyenne en magasins de vrac (35 %).
On n’a pas atteint l’objectif de réemploi 2023
Réseau Vrac & Réemploi ne se fait pas d’illusions. On est encore très loin de l’objectif de 5 % d’emballages réemployés sur le marché français fixé par la loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire (Agec) pour 2023. Mais « aujourd’hui les opérateurs et les capacités sont là. On n’est pas obligé de réeinventer la roue, il suffit de les raccorder sur les bons tuyaux« , plaide Célia Rennesson. Celle-ci nourrit l’espoir de rattraper le retard au cours des trois prochaines années pour atteindre 10 % d’emballages réemployés d’ici 2027. Soit le deuxième objectif Agec.
Des centres de lavage productifs mais non rentables
À l’appui de cette opinion, le fait que le nombre de centres de lavage est en augmentation. On en dénombrait 60 fin 2023 et quatre nouveaux doivent entrer en activité en 2024. Même s’il leur faut continuer de monter en compétence, leur productivité serait correcte. Selon le Baromètre, le taux de rejet avant lavage se limite en effet à 4 % et le taux de rebut après lavage de 15 %. Mais le Baromètre estime que seulement 17 % des centres de lavage ouverts sont rentables.
Les industriels de la grande conso absents
» Nous n’avons pas dépassé le stade de l’expérimentation, admet Célia Rennesson. La clé du succès de rendre l’offre disponible partout pour passer au stade de l’industrialisation. » En d’autres termes : que les industriels de la grande consommation se jettent à l’eau et que la grande distribution les suivent pour ouvrir la voie vers une production en masse des emballages réemployables. Et rendre leur coût plus compétitif face aux packagings à usage unique. Pour l’heure, les modèles de présérie en verre créées à l’initiative de Citéo resteraient trois fois plus chers que leurs équivalents à usage unique…
2024, année charnière pour le réemploi ?
Aux yeux de Réseau Vrac & Réemploi, l’année 2024 pourrait cependant être une année charnière. » Le vrac est en train de revenir en magasins et les standards du réemploi vont arriver « , assure Célia Rennesson. Selon les projections due RVR, le nombre d’emballages collectés pourrait augmenter de 55 % et celui des emballages lavés remis sur le marché de 75 %. Un premier grand opérateur, l’embouteilleur de jus de fruits Refresco, lancera une chaîne de production jus de fruits en bouteilles consignées d’un litre cette année à Nuits-Saint-Georges (21), en partenariat avec Citéo et des grandes marques.
Le besoin du soutien financier de l’État
Face à une industrie de l’emballage à usage unique « très mature et suroptimisée« , Réseau Vrac & Réemploi demande « un soutien politique fort » au réemploi. Il appelle notamment l’État à « trouver les mécanismes pour protéger cette filière émergente » et « rééquilibrer les externalités négatives » que n’intègre pas l’industrie des emballages à usage unique.