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Éthiopie : terre d’excellence pour les grands crus d’arabica

Après le pétrole, le café est le second marché mondial dans les échanges internationaux où l’Éthiopie tient le cinquième rang avec 6 % environ de la production d’arabica (70 % de la consommation de café dans le monde).

Au total, en Éthiopie, la culture, le ramassage, le traitement et le négoce font vivre environ 10 % d’une population de quatrevingt- dix millions d’habitants. Mais, amateurs de café, ils consomment sur place près de la moitié de la récolte ! Les cafés d’Éthiopie sont issus exclusivement de coffea arabica (famille des rubiacées) que l’on trouve sur tous les continents entre le Tropique du Capricorne et celui du Cancer. Comme pour les vins, les cafés présentent une palette de saveurs qui dépendent de l’espèce et de la variété cultivée – cultivar ou hybride – comparable au cépage pour la vigne. L’espèce compte plus de deux cents variétés dont quelques-unes produisent en Éthiopie les meilleurs cafés du monde. À cela, il faut ajouter le rôle des terroirs et des conditions climatiques, ainsi que le travail des hommes.Le caféier est un arbuste qui pousse à l’ombre des grands arbres et donne une floraison d’un blanc pur et éphémère. Son fruit (ou drupe) semblable à une cerise, est d’un rouge éclatant. En Éthiopie, la culture des caféiers relève de quatre modèles agricoles. Le plus ancien concerne le café forestier qui pousse encore à l’état sauvage dans le sud et le sudouest du pays (10 % de la production totale) à l’ombre des forêts tropicales. Le second modèle dit traditionnel, produit le café semi-forestier (35 % de la production) dans le sud et le sud-ouest. Les paysans entretiennent des arbres de grande taille sur leurs plantations. L’ensoleillement est tempéré par la mi-ombre qu’ils procurent. Le gros de la production éthiopienne (50 %) est un café horticole planté non loin des habitations. On le trouve dans le sud. On y pratique le désherbage, l’irrigation, l’emploi de fertilisants organiques et la taille. Enfin, un faible pourcentage (5 %) de fermes d’État, créées lors de la période d’influence soviétique, appliquent  des méthodes agronomiques de production intensive avec fertilisants, herbicides chimiques et mécanisation.Réchauffement climatique s’adapter à la menace

 Avec le réchauffement climatique, l’Éthiopie pourrait voir près de 60 % de ses zones de production de café impropres à la culture de caféiers, d’ici à la fin du siècle.

C’est la conclusion d’une étude publiée en juillet par la revue Nature Plants. Selon les auteurs – des chercheurs des jardins botaniques royaux de Kew au Royaume-Uni – si aucune mesure n’est prise, 39 à 59 % des zones actuelles de culture du café pourraient être impactées par des changements climatiques assez importants et les plantations de café de la région de Harar pourraient disparaître. Pour parer à ces prévisions inquiétantes, les chercheurs préconisent que certaines cultures soient déplacées vers des zones situées plus en altitude et recommandent la création de nouvelles zones de culture prenant en compte la protection des forêts. “Ce faisant, la production de café pourrait être multipliée par quatre, même avec le changement climatique”, a déclaré à l’AFP Aaron Davis, des jardins botaniques royaux.

Café séché ou café lavé

Après la récolte – qui doit intervenir à maturité – les cerises sont soumises à deux types de préparation pour obtenir le café vert, selon que les pays importateurs veulent acheter deux qualités de grains : le café naturel, séché au soleil, ou le café lavé. Dans le premier cas, les cerises sont mises à sécher sur des claies, puis décortiquées pour séparer les grains de café de la pulpe, afin de les trier soigneusement. Pour exporter du café lavé, il faut disposer d’une station de lavage ; les cerises doivent être traitées le jour même de la cueillette. Elles sont d’abord dépulpées, puis les grains sont lavés durant 36 à 72 heures puis séchés. Ce traitement nécessite des investissements plus importants mais permet d’exporter à un meilleur prix car, pour les consommateurs, les arômes du café lavé sont supérieurs. Il existe un peu plus de 400 stations de lavage qui peuvent traiter environ 60 000 tonnes de café par an. La part de café lavé dans les exportations éthiopiennes avoisine les 30 %. On conçoit que les périodes de sécheresse, ainsi que le réchauffement climatique depuis le début des années 2000 rendent parfois aléatoire ce type de traitement du café vert. Toutefois, c’est dans ces conditions que sont obtenus des grains homogènes, avec peu de déchets, qui se négocient à des prix supérieurs. Cependant, selon un rapport de l’ONG Oxfam, les producteurs “ne reçoivent qu’environ 6 % de la valeur du paquet de café vendu dans le commerce.” Pour la France, quelques négociants basés traditionnellement au Havre, commercialisaient les fèves à quelques spécialistes qui, à Paris, torréfiaient chaque jour le café vendu le lendemain. C’est encore vrai pour une vingtaine d’entre eux. Le bon torréfacteur artisanal est un créateur comme un parfumeur. Instrumentiste ou luthier à la fois, on ne sait ? La torréfaction se fait avec un doux bruit de cascade, et toujours avec amour. Couleur et goût sont modulés en fonction du temps d’exposition et du degré de chaleur. Traitées avec douceur, les fèves conservent une couleur claire, le goût du café est aérien, les arômes fins et légers, mais la teneur en caféine est élevée. Si l’on pousse la chauffe, la graine est foncée, les notes amères sont plus prononcées mais le taux de caféine faiblit. C’est au torréfacteur de révéler la note volatile et soluble de l’huile essentielle que son art met à jour. Un feu trop poussé gomme les différences. La gamme inimitable de la palette gustative du bon café, toute de finesse, est entre ses mains.

En Éthiopie nous indique le torréfacteur Pascal Guiraud (21 bd de Reuilly à Paris 11è), les grands crus proviennent principalement de la région de Harar, de la forêt de Kontir dans la région de Djimmah au sud-ouest du pays (altitude 1400 – 1600 m) et des environs de Yirgacheffe dans le Sidamo (ou Oromia). Les crus de variété locales dites “heirloom” de type 74110 et 74112 par exemple, disposent un code établi par le Jimma Research Center, un organisme répertoriant les plants des caféiers éthiopiens, comme l’INAO pour les cépages. Les deux premiers chiffres correspondent à l’année de découverte de ces variétés, en l’occurrence le Moka Yrgacheffe produit par les 800 membres de la coopérative Negele Gorbitu, dont la typicité évoque la camomille, le jasmin et le thym. C’est un breuvage harmonieux au répertoire floral épicé, aux arômes de citron, kiwi et thym bien marqués (29,60 € le kilo chez Pascal Guiraud). Produit par la coopérative Burka Laga Hama, cultivé en jardins sur des parcelles de moins d’un hectare sous de grands arbres, le Moka Harrar (28 € le kg) provient de plants arabica moka fendhishaa et shunkiyii au goût explosif, intense, aux notes boisées, épicées et chocolatées dont les arômes rappellent les sous-bois, le chocolat noir et le whisky tourbé. Les goûts et les arômes des cafés haut de gamme d’Éthiopie sont un palimpseste aussi complexe que ceux de l’univers des vins.

 

Jean-Claude Ribaut

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