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Le filtre – La préparation d’hier et de demain

Un filtre mal-aimé par les uns et adulé par les autres : les deux faces d’une même préparation.

Icône des Trente Glorieuses via la cafetière électrique orange flashy, le café filtre a bien longtemps été perçu comme “le” café des familles sans prétention ni affection, jusqu’à en devenir récemment négligé, voire honteux. C’est qu’il a longtemps subit la comparaison défavorable avec l’espresso, puis a été laminé dans le coeur des consommateurs par les très sexy dosettes. Le café filtre n’en mène donc pas large, ne la ramène plus depuis longtemps, mais reste paradoxalement dans toutes les cuisines et demeure la première préparation des Français à domicile. Rien de surprenant à cela puisque dans le monde, plus de huit cafés sur dix sont préparés en extraction douce, principalement en filtre. Le fameux “jus de chaussette” est donc la norme ! Si en France, le filtre est consommé mais négligé, ailleurs, il est au moins autant consommé, mais adulé.LMGfjhgC1 BATEXE

En effet, les pays locomotives du Specialty Coffee, ceux de la 4è vague, sont tous férus et grands buveurs de brew, soit d’extractions douces chaudes, et depuis peu, froides et donc en partie de filtre. Les adeptes de bon café consacrent ainsi à ces modes d’extraction, toute leur attention et leur soin. Résultat : le filtre, à l’image de nombreuses autres préparations douces, connaît une nouvelle jeunesse et permet d’atteindre les sommets de la qualité et de la dégustation. Les épreuves de coffee brewers sont d’ailleurs souvent les plus passionnantes des championnats de barista. Plus votre café est bon, plus il mérite le filtre. Voilà donc un tour rapide, pratique et progressif, pour s’y retrouver et ne pas passer à côté

Les extractions douces, qu’est-ce ?

Dans les pays latins, l’espresso est souvent perçu comme le must du café. Or, à l’exception de l’Italie, la majorité des cafés bus dans le monde ne sont pas des espressi, mais bien des extractions douces. Le terme d’extraction douce s’oppose à toutes les extractions sous pression mécanique soit “forcées” comme la cafetière italienne (1,5 bar environ) ou l’espresso (entre 6 et 9 bars). Le filtre, à l’instar de la cafetière à piston, du siphon, de la Chemex ou de l’AeroPress, fait partie des extractions douces. Et en anglais, il s’appelle Pour Over. Alors, que l’on soit buveur de caféine ou grand amateur, comment procéder ? Quelle machine choisir ? Quel café préparer ainsi ?

 

Le filtre pour tous. Choisir sa cafetière… électrique…

Faire un bon café filtre nécessite une première décision radicale : jeter votre cafetière électrique actuelle. Pourquoi ? C’est très simple. D’abord parce qu’un bon café ne peut être le fruit d’un interminable égouttement d’eau bouillante échouant au centre d’un amoncellement grossier de café lambda. Ensuite, parce qu’il est impossible de faire un bon café si des arômes parasites prennent le pas sur les autres. Je pense ici aux mauvais filtres papier qui charrient leur goût de papier, voire de carton et de chlore. Il y a aussi le matériau du porte-filtre, à savoir le plastique qui s’imprègne rapidement des odeurs les moins agréables et les transmet inexorablement à tout aliment avec lequel il entre en contact. Filtrer sans contamination un arabica après un robusta et même un éthiopien après un indonésien, relève d’une gageure. Enfin, il est impossible qu’une goutte d’eau tombant au centre d’une mouture ait la capacité d’extraire, de façon uniforme, sa substantifique moelle.

LMGlukC1 BATEXEOn pourrait ajouter une infinité d’autres arguments, comme la qualité de l’eau, sa température… Or, depuis quelques années, certaines marques particulièrement présentes sur les marchés de la 4è vague, ont commencé à investir dans des cafetières électriques nouvelle génération, souvent certifiées par les associations de cafés de spécialité comme les SCA : KitchenAid, Moccamaster, Ratio, Bonavita, Wilfa… Nous ne pouvons que les recommander si le confort de l’électrique vous est indispensable.

Au-delà de leurs différences et de leur disponibilité parfois aléatoire dans l’Hexagone, ces machines prennent en compte la température de l’eau, sa répartition et sa vitesse d’écoulement sur le café moulu, ainsi que la qualité des matériaux plastiques. C’est une première étape. La plus convaincante reste la Wilfa, développée par le Norvégien Tim Wendelboe, mais d’une extrême fragilité et sensibilité au calcaire. La Bonavista au design perfectible, arrive en deuxième position.LMGvdvC1 BATEXE

Et déjà pointe une nouvelle génération au design plus épuré, à la précision et aux tarifs supérieurs. C’est ainsi le cas de la Poppy Pour-Over qui est une sorte de tout-automatique de la cafetière électrique puisqu’elle mout le café à la demande, ou de la luxueuse Trinity One, multifonction de haute précision. Enfin, si vous êtes professionnel ou entouré une famille très nombreuse, plusieurs marques d’équipement proposent aujourd’hui des cafetières filtre d’une qualité supérieure et réalisant de haut volume : Marco, Bravilor Bonamet, Bunn…

Le filtre de qualité pour tous. Comment faire un bon café filtre même avec une machine électrique…

C’est simple mais vous devrez renoncer à certaines mauvaises habitudes et à votre vieux matériel. Voici quelques conseils. Les premiers sont définitifs, les seconds au quotidien.

// D’abord, préférez au plastique fin, des matériaux propres, faciles à laver et neutres comme la céramique, l’inox ou le verre, et choisissez une eau équilibrée au pH neutre, entre 80 et 120 mg de résidu à sec. Ensuite, à chaque utilisation, rincez votre équipement à l’eau bouillante afin de le débarrasser des mauvaises odeurs et de le préchauffer. Choisissez également un café frais, moulu si possible à la minute. Utilisez par ailleurs toujours la mouture appropriée à votre préparation, de la taille du sel fin pour la plupart des filtres. Dosez votre café avec une balance ou à défaut, avec une cuillère doseuse dont vous connaissez la contenance pour votre café fétiche. Utilisez une eau entre 90 et 95°C maximum en fonction des cafés. Si vous pensez que votre cafetière pulvérise une eau à 100°C ou presque sur votre café, il est conseillé de le pré-infuser à l’eau froide en le mouillant. // Adaptez le ratio quantité de café / volume d’eau, selon votre goût, la torréfaction et le moment de dégustation. En général, les torréfacteurs suggèrent 60 g de café pour 1 litre d’eau. // Variez le temps d’extraction en fonction de votre goût, du moment, de la torréfaction et du café. LMGC1 BAfhTEXE // Lavez à l’eau chaude votre matériel après chaque utilisation.

Le filtre pour tous, même pour les puristes. Quel filtre choisir ?

Le débat est sans fin. Mais en général, une fois que vous avez prohibé les filtres en papier recyclé, car même après plusieurs rinçages ils exhalent encore arômes déviants et sécheresse, vous avez le choix entre deux types de filtres. Les filtres papier (granuleux, lissés, cannelés…), blanc, de qualité, non collés dont vous plierez les rebords avant usage. Ils donneront un café propre, finement filtré mais aux arômes de papier persistants et à la sécheresse décelable. Si vous choisissez les filtres métalliques proposés par Able, Yama ou IMS… vous éviterez les déviances aromatiques et de textures mais vous obtiendrez un café trouble. Reste encore la solution de tamiser votre café avant filtration.

Le filtre pour les puristes. Quel accessoire choisir ?

Si vous désirez passer un cap et réaliser manuellement votre filtre, alors les solutions abondent. Les marques les plus connues et les modèles les plus vendus sont la japonaise Hario avec son célèbre V60, l’historique Kalita, le pratique Clover, l’aérien AltoAir, l’iconique Chemex, le taïwanais Yama, ou encore le rétro Tsubame. Toutes ces marques proposent différents modèles et tous font la joie des barista qui adaptent leurs extractions à chaque modèle.

 

Le filtre pour tous et même pour les puristes. Quels cafés choisir pour le filtre ?

Les amateurs de cafés filtre attendent souvent de leur café, une grande intensité aromatique et une belle complexité. On est donc loin de l’alliance traditionnelle du café familial fondé sur la sucrosité, l’amertume et les arômes chocolatés et végétaux. On préférera ainsi les cafés de haute altitude apportant vivacité, fraîcheur et complexité. On choisira aussi les variétés fortement aromatiques voire intenses comme les variétés pures anciennes : Bourbon, Typica, Geisha, Bourbon pointu, ou plus récentes comme les SL 28 notamment. On s’orientera enfin vers certaines origines comme La Réunion, le Panama, l’Éthiopie, l’Afrique de l’Est (Kenya, Rwanda…) mais aussi l’Équateur et le Guatemala. Enfin, on sélectionnera des fermentations selon ses goûts : honey pour obtenir des notes florales et un équilibre acide-sucré élevé, naturel pour le fruité et la fraîcheur ou encore le lavé pour la complexité. Il est fondamental par ailleurs, que la torréfaction soit adaptée pour offrir la plus grande palette aromatique possible et conserver une bonne colonne vertébrale. On appelle cela, à tort ou à raison, une torréfaction claire, par opposition à la torréfaction pour l’espresso. Nous sommes assez loin ici du café vite fait au saut du lit ! Pour cette préparation, mieux vaut être éveillé pour faire preuve d’attention et de tact. C’est donc autant le café que la méthode que vous réveillerez !

Hippolyte Courty

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