Le 16 septembre dernier, le Tribunal de Commerce de Bobigny a approuvé le plan de continuation présenté par Fauchon. L’entreprise, qui perd deux de ses trois magasins situés place de la Madeleine, va désormais recentrer son activité sur ses univers phares et sur de nouveaux formats de distribution. Entretien avec Samy Vischel, président de cette maison créée il y a 134 ans.
Le Monde de l’Épicerie Fine – Que va-t-il se passer maintenant pour Fauchon ?
Samy Vischel – Le tribunal a apporté une réponse favorable au plan de continuation que nous lui avons proposé ; nous sommes sortis du redressement judiciaire et nous allons devoir rembourser sur huit ans, environ cinq millions de passif. Malheureusement, nous perdons deux boutiques et nous devons nous séparer de 77 collaborateurs avec qui nous avons mis en œuvre un plan de sauvegarde de l’emploi, dans le cadre d’un accord collectif unanime avec les organisations syndicales représentatives.
LMEF – Qu’est-ce qui n’a pas fonctionné ?
S.V – Les deux boutiques qui ferment représentaient des loyers exorbitants : plus de trois millions d’euros par an auxquels s’ajoutaient des charges colossales. Il y a cinq ou six ans, nous arrivions encore à supporter de tels loyers, mais la place de la Madeleine était alors synonyme de business. Il y avait beaucoup de monde dans les bureaux du quartier et beaucoup de touristes. Mais les temps ont changé ; nous avons subi une chute de notre chiffre d’affaires de quasiment 50 % depuis les premiers attentats terroristes et nous avions 70 % de touristes dans notre clientèle. Ce n’était plus viable : nos loyers représentaient 50 % de nos chiffres d’affaires. Les négociations avec les bailleurs se sont avérées impossibles pour des raisons liées à la valeur immobilière des bâtiments : ils préfèrent avoir des locaux vides plutôt que baisser les loyers. Ça ne se discute pas ; aujourd’hui l’atmosphère s’est un peu détendue entre nous.
LMEF – Que reste-t-il à Fauchon ?
S.V – D’abord, nous sommes toujours présents place de la Madeleine, à travers l’hôtel Fauchon, notre restaurant, notre boutique salon de thé : tous nos produits y sont disponibles. Mais il faut tourner la page du passé, les formats de 1 500 m2 ne sont sans doute plus adaptés. C’est pourquoi nous cherchons d’ores et déjà à nous redéployer partout où ce sera viable, sur des formats qui pourront aller de 30 à 200 m2 maximum. Je lance un appel aux épiciers fins indépendants qui voudraient transformer leur boutique en boutique Fauchon, disposer d’un corner ou ouvrir un autre magasin. Quel que soit le cadre, des conditions très particulières et favorables leur seront accordées. Notre format autour du thé a fait ses preuves avec des coûts maîtrisés et il peut prendre forme dans 30 m2. Fauchon reste actif : nous avons toujours 73 magasins dans le monde, sans parler des corners dans les aéroports et des grands magasins qui nous distribuent en France et en Europe. Nous avons toujours le magasin de Monaco, nous allons inaugurer une magnifique boutique de 200 m2 à Nice dans quelques jours et rouvrir Dubaï.
LMEF – Et à Paris ?
S.V – L’appel aux indépendants vaut pour Paris.
La place de la Madeleine a perdu de son attractivité, d’autant que le télétravail fait que les bureaux sont aujourd’hui à moitié vides. D’autres magasins ne rouvriront pas. Il faut nous rapprocher des lieux de résidence des Parisiens, et puis trouver des lieux à taille humaine dans le 16e ou le 9e arrondissement par exemple. Il y a aussi une stratégie digitale : une nouvelle plateforme arrive dans un mois et nous allons tout faire pour transformer l’essai du confinement qui a permis aux ventes en ligne de progresser de façon spectaculaire.
Propos recueillis par Bruno Lecoq