LA FILIERE VINS A L'HORIZON 2040

Quatre scénarios pour la filière vins à l’horizon 2040

Alors que les producteurs s’inquiètent de la baisse de la consommation dans l’Hexagone, France Agrimer vient de publier une étude prospective sur la filière vins à l’horizon 2040. Celle-ci aboutit à quatre scénarios « destinés à être pris en charge par la filière viticole française pour bâtir ses orientations stratégiques », explique France Agrimer dans un communiqué. Le secteur affronte en effet de nouveaux enjeux : changement climatique, pérennisation des indications géographiques face à la standardisation agroalimentaire mondiale et niveau d’engagement de la distribution de masse, sélective et digitale sur le marché du vin. La plus ou moins grande réalisation de chacun des scénarios dépendra de la manière dont la filière relèvera ces différents défis.

Scénario 1 : « Filière nomade pilotée par l’aval »

Débarrassé du carcan du modèle occidental traditionnel, la consommation du vin devient, sous la houlette des influenceurs, une expérience multiculturelle sans cesse renouvelée.

Dans le scénario « Filière nomade », les territoires viticoles historiques ne parviennent pas à faire face au changement climatique. De ce fait, les vignobles migrent progressivement vers de nouvelles zones. Les règles d’origine, de provenance, d’assemblage et de désalcoolisation s’assouplissent. Les lieux d’assemblage et de vinification se rapprochent des bassins de consommation.

Par conséquent, les indications géographiques protégées s’effacent petit. À l’aval de la filière, des acteurs créent des « produits à base de raisin » qui répondent à une demande internationale. En France, la consommation régulière disparaît avec les baby boomers. Les marques simplifient leur offre, tout en apportant les garanties de produits traçables et une attention au respect de normes sociales (RSE).

Parallèlement, les formats de distribution de proximité (cavistes, vente directe, circuits courts, livraison à domicile) prennent le dessus sur les grandes surfaces. Celles-ci jouent un moindre rôle dans la mise en contact du consommateur avec le produit. Les influenceurs et prescripteurs médiatiques prennent le relais. Les grands acteurs de l’élaboration et du commerce du vin misent sur de nouveaux lieux de vente ou de consommation hors domicile, de nouvelles occasions et de nouveaux accessoires font évoluer les modes de consommation.

Scénario 2 : « Production innovante et vertueuse pour des vins d’exportation »

Nouvelles technologies et localisme profitent simultanément à l’e-commerce pure player et aux circuits courts de vins bio et équitables sans parvenir à enrayer le déclin du marché français.

Alors que les déséquilibres économiques et financiers persistent, le libre-échange est remis en cause. L’activité des assembleurs de vins d’origines diverses est partout proscrite. La pression sociétale favorise par ailleurs les vins élaborés dans le respect de l’environnement et sains. Les nouvelles technologies permettent la maîtrise des coûts de production et stockage.

« Localisme » oblige, l’embouteillage reste proche des zones de production. Cette situation profite au commerce en ligne pure player et aux circuits courts et de proximité (vente directe, bars à vin,…). Ces derniers séduisent les consommateurs qui veulent limiter leurs impacts environnementaux et favoriser le commerce équitable.

Les magasins spécialisés augmentent leur offre de vins bio et nature pour cibler les consommateurs sensibles aux interactions environnement–santé.  Pour autant, faute d’un marketing et d’un merchandising efficaces, la consommation de vin poursuit sa diminution en France. L’export est donc un passage obligé pour les producteurs.

Scénario 3 : « Filière performante et vin plaisir »

L’innovation et la création variétale transforment la filière en un « cluster du vin » de niveau mondial sur où l’importance de l’origine géographique s’estompe.

Le vin peut reconquérir le marché intérieur grâce à la compétitivité permise par les biotechnologies et les assemblages internationaux.  Les cahiers des charges des indications géographiques intègrent progressivement ces nouvelles variétés moins exigeantes modérant ainsi les coûts de production. La viticulture française devient un « cluster du vin » de niveau mondial.

Les segments « nature » et « bio » s’étiolent en marchés de niche. Le vin est perçu comme un produit alimentaire potentiellement dangereux pour la santé, voire comme une drogue. Les consommateurs « mondialisés » s’éloignent de la notion de terroir et des AOC au profit de vins de marque et sans indication géographique.

En France, la consommation de vin stagne. Elle est portée par des consommateurs occasionnels. Il s’agit d’une consommation débarrassée de ses attributs alimentaires pour entrer sur certains segments dans une sphère proche des drogues douces légales.

La grande distribution stimule le marché intérieur. Elle s’aide pour cela d’applications qui permettent de guider les achats et de recruter des consommateurs. Le pouvoir des influenceurs extérieurs et prescripteurs médiatiques indépendants décroît.

Chaque région développe une gamme complète de produits (rosé à faible degré, vin effervescent, rouge de longue garde). De nouveaux « assembleurs de vins européens » profitent du changement climatique et de la libéralisation pour se fournir dans d’autres pays membres de l’Union.

Scénario 4 : « Marché national privilégié autour de filières régionales coordonnées »

Les producteurs, le négoce de place et la grande distribution s’accordent autour des indications géographiques pour résister à l’uniformisation mondiale des vins.

Le protectionnisme finit par être rejeté et le marché mondial reprend sa progression. L’influence des assembleurs internationaux va croissant. Mais la pression sociétale en faveur du respect de l’environnement reste forte.

La filière française concentre ses débouchés sur le territoire national. Elle y valorise les vins sous IG mais aussi des pratiques vertueuses pour la planète. Les IG se combinent également avec de nouveaux signes de qualité à ancrage environnemental et social.

Les grandes surfaces réinvestissent le rayon vin en s’appuyant sur la digitalisation, afin de conseiller les consommateurs. Anticipation et contractualisation permettent à la filière de continuer à travailler des produits suffisamment différenciés à un rapport qualité/prix acceptable aux yeux des consommateurs en quête de vins « non standardisés ».

Les prescripteurs ne jouent plus qu’un faible rôle dans le choix des consommateurs et contribuent moins qu’avant à l’entretien de l’image des vins français sur les marchés internationaux. Le poids de l’export s’amenuise.

Photo vignoble

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