François Cambell, gérant de La Route des Comptoirs, explique avoir créé la marque par passion du thé et choisi le bio par raison. Pour lui, les épiceries fines sont bien placées pour vendre “un thé bio qui ait du goût.”
“Nous vendons au kilo et à ce titre, la vente à la pesée peut être une réponse à la demande de vente en vrac qui elle, peut déboucher sur n’importe quoi ! Avec la vente à la pesée, le vendeur a la possibilité d’expliquer le produit.”
LMBG – Comment est née La Route des Comptoirs ?
François Cambell – En 1997, je suis parti me ressourcer en Inde. Auparavant, j’étais chargé de développement au sein d’un laboratoire de produits naturels où j’avais découvert les vertus des produits bio. En Inde, j’ai rencontré des producteurs de thé bio et j’ai été séduit : le thé étant un produit à l’état brut, directement infusé dans la théière, autant qu’il n’ait pas été traité avec des produits chimiques ! J’ai cassé ma tirelire pour en importer. J’ai monté La Route des Comptoirs seul, en réalisant mes mélanges à la main au gramme près. Vingt-deux ans plus tard, nous sommes une quarantaine et utilisons des machines. L’entreprise réalise 4,5 millions d’euros de chiffre d’affaires annuel.
LMBG – Il y a de plus en plus d’acteurs sur le marché du bio, notamment dans les thés. Qu’est-ce qui vous distingue ?
F.C – Le bio pour moi, n’est pas une finalité. Le thé est une passion, un moyen d’exprimer ma créativité en faisant des assemblages. L’important, c’est que les gens prennent du plaisir à boire du thé bio qui ait du goût. Il est possible de produire du bio sans saveur pour le vendre à bas prix en grande surface mais nous ne le ferons jamais ! Nous avons d’autres valeurs, nous étendons le périmètre au-delà du cahier des charges du bio.
LMBG – Qu’entendez-vous par “étendre le périmètre du cahier des charges” ?
F.C – Le bio est indissociable du commerce équitable. Je collabore avec des coopératives chinoises que je connais depuis des années, à qui je rends visite souvent et avec lesquelles j’ai des liens étroits. Et quand j’en prospecte de nouvelles, je prends le temps qu’il faut. Mon premier métier est de sélectionner des matières premières. Le second est de faire des assemblages, rares ou fantaisistes. Il faut sortir des classiques earl grey et autres thés au jasmin ! Le siège de La Route des Comptoirs étant à Nantes, j’ai par exemple confectionné un thé à la spiruline, un autre avec des graines de sarrasin torréfiées… Notre créneau, c’est bio et bon, et même beau lorsque l’on ajoute des pétales de bleuet, de rose ou de calendula… Nombre de ces plantes proviennent des Pays de la Loire où leur production est une tradition. Il est important de faire vivre le local. Un bon produit, c’est en général plusieurs générations de producteurs qui ont développé un savoir-faire.
LMBG – Face aux magasins bio, quel est l’intérêt pour une épicerie fine à référencer du bio ?
F.C – Les épiceries fines, de même que les torréfacteurs, sont plus proches de la recherche de saveurs. Pour une enseigne bio, le goût n’est pas le critère exclusif, d’autres entrent en ligne de compte, tel que le mode de transport ou les pratiques du pays d’origine. Il est vrai cependant que les magasins bio veulent aujourd’hui des produits gourmands. En 2004, La Vie Claire nous avait consulté. Au premier rendez-vous, ils avaient jugé nos prix trop élevés. Je leur ai proposé de faire des dégustations à l’aveugle avec des amateurs de thé. Après l’avoir fait, ils nous ont finalement choisis. Leurs ventes de thé n’ont cessé de progresser depuis… Je dis aux épiceries fines : “Ayez confiance en vos compétences, achetez de bons produits et vendez-les avec une bonne marge. C’est le meilleur moyen de fidéliser vos clients !” Les consommateurs ont compris que certains industriels veulent leur vendre des aliments truffés d’exhausteurs de goûts chimiques. Ils se reportent sur le bio par sécurité. C’est une opportunité de vendre de bons produits d’épicerie fine et bio. Et les épiceries fines savent mieux en parler que beaucoup de magasins bio !