Infusion bien-être LMEF

Le boom des infusions bien-être

Has been l’infusion bien-être ? Allons donc ! dans un marché en pleine ébullition, elle séduit même les jeunes qui plébiscitent ses atouts anti-tout : anticellulite, anti-rhume, antistress, anti-insomnies… Quelles sont les clés d’une offre pertinente ? Faut-il à tout prix jouer la carte du bio ? Miser sur la diversité ? Tour d’horizon avec quelques pros du secteur.

Une tradition millénaire

À défaut d’avoir exposé un jour nos papilles à ce breuvage dont la réputation gustative n’a pas toujours été très flatteuse, on a tous dans le cœur une mamie accro à sa petite tisane du soir. Que celui qui n’a jamais vu la sienne avaler une camomille avant de se coucher lève la première main. L’affaire remonte à l’an 2737 avant J.-C. Alors que les serviteurs de l’empereur chinois Shen Nong font bouillir de l’eau sous un arbre, un vent taquin se met à souffler quelques feuilles dans le récipient. Le breuvage sied à Sa Majesté qui vient, sans le savoir, d’inventer l’infusion. À chaque époque ses aficionados. Les Romains et les Grecs ne juraient que par elle pour soigner leurs affections et au Moyen Âge, bien avant l’apparition du médicament, elle fut pour les malades la principale ressource pharmaceutique. Seules 148 plantes sont commercialisables en dehors des officines, le diplôme d’herboriste ayant été supprimé en 1941 par le maréchal Pétain. “Le sénateur Joël Labbé (sénateur écologiste du Morbihan, ndlr) travaille depuis 2016 à la réhabilitation de la profession à travers un projet de loi dont les objectifs visent à reconnaître le savoir-faire, les connaissances, et à développer une filière” souligne Michel Pierre, herboriste depuis 50 ans et fondateur de l’Herboristerie du Palais-Royal, une institution parisienne.

Un secteur en pleine ébullition

Avec une progression de 25 % en dix ans, le marché de l’infusion a le vent en poupe. Un foyer sur deux en achèterait, que ce soit pour se soigner ou simplement s’octroyer un moment de plaisir. Mais d’où vient un tel engouement ? Pour Michel Pierre, il faut y voir le signe d’un “retour aux valeurs saines et aux produits naturels que les scandales médicamenteux de ces dernières années n’ont fait qu’exacerber.” Faire bouillir l’eau, préparer son sachet, observer le liquide se teinter progressivement au fur et à mesure que la plante libère ses bienfaits – drainants, détoxifiants, relaxants… -, autant de petits rituels que d’aucuns n’hésitent pas à associer à une forme de méditation de pleine conscience. De quoi affronter sereinement l’inévitable réunion Zoom de 15h30. “Le principe actif d’une infusion se diffuse très rapidement dans l’organisme et celle-ci aura toujours un effet (plus ou moins marqué) sur la santé, dit Michel Pierre. Prenons l’exemple du romarin. S’il améliore la digestion en agissant – même de façon infime – sur le foie, il augmente du même coup l’élimination des toxines. Résultat : une à deux tasses par jour suffisent pour se sentir mieux.”Aux Jardins de Gaïa, dont le thé est le cœur de métier, Anne Florence, responsable des relations presse, constate que les rooibos, Honeybush, tisanes de plantes ou de fruits, lapacho, maté et autres mélanges d’épices représentent pas moins de 30 % des ventes. “Aux aficionados des tisanes plutôt orientées santé s’ajoutent les buveurs de thé désireux de changer occasionnellement leurs habitudes.” Cet hiver, Covid-19 oblige, certaines plantes ont vu leur cote de popularité grimper en flèche. “C’est le cas du thym bien sûr, mais aussi du romarin ou encore du ginkgo biloba, relève Michel Pierre. Normal. Les consommateurs cherchent plus que jamais à booster leur système immunitaire mais aussi à améliorer leur sommeil et à réduire le stress – d’où une demande accrue pour la mélisse, la marjolaine, la passiflore et la valériane. Tout est une question de saison. Dès les premiers jours du printemps, lorsqu’on voudra chasser les toxines par voies naturelles, les vertus dépuratives de la saponaire, la fumeterre, la bardane ou l’artichaut seront particulièrement plébiscitées.”

Une cible rajeunie

A fond La Créativité !

Ces dernières années, des bars à infusions ont fleuri dans la capitale. Derrière les comptoirs, bouleau, mélisse, rose, gingembre, citronnelle ou hibiscus font de l’œil à une jeune génération qui n’hésite plus à troquer la pinte contre une réglisse-menthe à l’heure de l’apéro. Et si la bonne vieille tisane de grand-mère tenait enfin sa revanche ? “La cible se rajeunit d’année en année, confirme Laurent Trégaro, responsable des achats à La Grande Épicerie. Il y a quatre ans, j’ai doublé mon rayon. Les ventes n’égalent pas encore celles du thé, mais ce dernier stagne alors que l’infusion progresse. Et si le rayon café évolue grâce aux dosettes, il reste peu dynamique comparé à celui des infusions.” Même constat à l’Herboristerie du Palais-Royal. “Depuis 6 à 8 ans, on note un rajeunissement et une modification du comportement des consommateurs, tous sexes confondus, dit Michel Pierre. Ils ont entre 25 et 35 ans, achètent à titre préventif, veulent se sentir bien et prendre soin d’eux. Certains vont même jusqu’à troquer le thé ou le café du petit-déjeuner par une infusion. C’est tout à fait inédit !”

La plupart des marques l’ont bien compris et jouent la carte tendance jusque dans le choix des mots. Exit les peu amènes Jambes lourdes et Digestion légère. On vise désormais la félicité absolue en s’envoyant une rasade de Fantasma, de Nirvana ou de Chakra Booster (Chic des Plantes !) ; on croit dur comme fer au mirifique Remède elfique (Les Jardins de Gaïa) et l’on cède avec délice aux sulfureuses Liaisons dangereuses (Kodama). L’infusion devient sexy et le packaging suit. De quoi reléguer définitivement aux oubliettes le pisse-mémère d’antan. Chez laGrange, chantre de l’infusion plaisir et des mélanges bio, la gourmandise un rien ludique s’assume haut et fort, tant sur le plan de l’appellation que sur celui de la composition du produit avec 90 recettes aux appellations décalées : Silence ça tourne (pop-corn, cannelle, betterave rouge…), ou encore Si t’es sage (hibiscus, fruits rouges et bonbons Haribo), best-seller de la maison et véritable breuvage de substitution au sacro-saint soda de nos chères têtes blondes. La responsable, Jeanne Ballot, l’assure : en faisant plaisir à son esprit, on fait du bien à son corps.

Un sourcing sans concession

“Les clients recherchent davantage de créativité, des arômes travaillés, remarque Laurent Trégaro dont la cinquantaine de références obéissent à trois critères essentiels : que le produit soit bon, qu’il ait de l’allure et raconte une histoire. Pour autant, pas question de lésiner sur la qualité. Mais comment s’assurer qu’elle soit au rendez-vous ? En matière d’infusions, le marché du bio représenterait près de 480 tonnes de plantes selon France AgriMer. Une offre attrayante, des prix compétitifs… pour faire face à la demande croissante des consommateurs, beaucoup de concepteurs achètent des plantes importées.
La vigilance s’impose. Il faut veiller au respect du cahier des charges. “Priorité au naturel. Le consommateur veut un produit le plus clean possible” rappelle Laurent Trégaro. Un point de vue que partage Anne Florence : “Si les clients apprécient notre marque, c’est aussi parce qu’ils adhèrent à notre démarche globale : protection de la biodiversité, commerce équitable et démarche RSE (responsabilité sociale des entreprises).”

 Selon Michel Pierre, l’aspect de la plante livre déjà de précieux indices sur sa qualité : “Le produit doit être le plus entier possible, avec une couleur et une odeur convenables. Un thym grisâtre, des feuilles qui virent au marron sont le signe d’un assèchement excessif et d’une oxydation. Si les feuilles manquent de peps quand on les frotte l’une contre l’autre, ce n’est pas bon. Trop broyées, elles perdent leurs petites bulles d’huile essentielle… et leur arôme avec. Une infusion, c’est la plante, la plante et rien d’autre ! martèle-t-il. Fuyez les sachets contenant des ajouts d’huiles essentielles ou des extraits de plantes.”

Vive les plantes sauvages !

On l’aura compris : du bio oui, mais à condition qu’il s’accompagne d’une vraie démarche vertueuse quant aux méthodes de culture. Pour Guillaume Bouguet, fondateur de Flore en Thym, entreprise spécialisée dans la cueillette, la production et la transformation des plantes aromatiques et médicinales sauvages bio, rien ne vaut une plante sauvage. D’où l’importance de privilégier les petits producteurs locaux français plutôt que du bio industriel en provenance de l’étranger. Cet ingénieur écologue cueille en saison et à la faucille, des plantes sauvages de garrigue au pied du Pic Saint-Loup, au nord de Montpellier, cinq variétés de thym, de la sarriette, du romarin, de la lavande, du laurier et de l’origan aux qualités aromatiques exceptionnelles en raison de leur teneur élevée en huile essentielle. “L’huile essentielle est une arme que la plante développe pour se protéger, explique-t-il. Plus celle-ci est soumise à des contraintes environnementales difficiles, plus elle dépend de son huile essentielle et sera concentrée en arômes.” C’est le cas de celles qu’il cueille puisqu’elles poussent spontanément dans la garrigue et sont soumises à un climat méditerranéen chaud et sec marqué par des épisodes cévenols (pluie) à certaines périodes de l’année. Une fois séchées à basse température, des machines les trient afin d’éliminer un maximum d’impuretés et obtenir un produit contenant moins de 5 % de brindilles ou de poussières diverses. “Ces petits récoltants passionnés sont toujours à la recherche de clients qui vendent des produits de qualité et les épiciers fins ont un rôle important à jouer pour maintenir cette filière” estime Michel Pierre. Tout en misant également sur un positionnement local, en l’occurrence corse, d’autres n’hésitent pas à parier sur le premium. En lançant Callysthé en 2016, le jeune Anthony Lebrun a pris un risque mais depuis la crise sanitaire, ses ventes en ligne ont bondi de 5 % à 30 %. Et le succès de sa gamme courte de 12 infusions aux jolis emballages ornés de dessins aquarellés se confirme au-delà de nos frontières (il vient de signer un partenariat avec Rolls-Royce et Bentley à Londres). “Je travaille avec deux herboristes et cinq cueilleurs, précise-t-il. Hormis la rose issue de la Drôme, toutes nos plantes proviennent du maquis : thym, romarin, myrte, immortelle (excellente pour la digestion), nepita (puissant anti-rhume, surtout mariée au fenouil), sans oublier le safran qui est ramassé dans la région d’Ajaccio et de Ghisonaccia.” Des plantes qui ne sont pas systématiquement associées à des thés verts ou noirs signés Glenburn et se déclinent dans six recettes inspirées dont Soleil de Corse qui associe rooibos et rose de Damas.

Les clés d’une offre réussie

Faut-il proposer un choix conséquent de références ou au contraire se limiter à une offre restreinte et efficace ? Pour Michel Pierre, la réponse est claire : 8 à 10 références suffisent. “Le rôle d’un épicier fin étant avant tout d’apporter plaisir et qualité à sa clientèle, il doit proposer des plantes aromatiques parfumées, agréables à consommer et dont le principe actif principal est l’huile essentielle, à l’instar de la mélisse, la verveine ou la marjolaine.”Afin d’installer sa gamme dans les meilleures conditions, Laurent Trégaro recommande de privilégier une offre basique plutôt que de s’aventurer sur des mélanges sophistiqués. “On peut attaquer avec une quinzaine de références répondant à tous types de demandes. Un client déjà habitué à consommer un de ces produits de base adhèrera illico lorsqu’il le retrouvera dans son épicerie fine.” Pour Guillaume Bouguet qui n’hésite pas à faire tester ses infusions aux clients, le meilleur argument de vente, c’est la dégustation. “Le goût doit être systématiquement au rendez-vous lorsque le client découvre la plante qu’il a achetée.”Vrac ou sachet ? Telle est la question. Si, comme le souligne Anne Florence, le vrac est l’apanage des “accros au naturo”, il est néanmoins en constante augmentation malgré les réticences de certains consommateurs sur ce type de conditionnement depuis le début de la pandémie. À chaque épicier fin d’opter pour la solution la mieux adaptée à sa clientèle. “Nous privilégions le sachet parce qu’il convient davantage à notre cible nomade qui souhaite se faire une infusion au bureau, dit Laurent Trégaro, le vrac s’adressant davantage à ceux qui ont du temps devant eux. Mais je conseillerais aux épiciers fins de proposer l’un et l’autre.”

Priorité à l’information

Aujourd’hui, le consommateur veut tout savoir sur la traçabilité, la conservation, les températures de dégustation… Une exigence d’autant plus justifiée que toutes les plantes ne se consomment pas sans modération. On sait par exemple qu’en prise excessive, la sauge ou le romarin seraient par exemple susceptibles de perturber la grossesse.C’est pourquoi les épiciers fins doivent être incollables sur leurs produits. Certaines marques indiquent déjà des allégations santé sur les étiquettes, informant pros et consommateurs sur les bienfaits possibles de plantes simples ou de mélanges. Selon Anthony Lebrun, les producteurs ont un rôle à jouer : “Il est de notre devoir de former et d’informer les revendeurs afin qu’ils soient capables de dispenser au moins un conseil santé par produit, certains étant juste gourmands et d’autres davantage positionnés santé/bien-être.” Le client qui souhaite se détendre et améliorer son sommeil sera ravi de savoir que la marjolaine, le coquelicot, la mélisse ou l’oranger répondront à sa demande. “Et n’oublions pas que les plantes, comme les légumes, répondent à une saisonnalité. Non seulement en matière de récolte mais aussi d’utilisation, dit Laurent Trégaro. Éduquer le client, c’est le nerf de la guerre. S’il comprend ce qu’il achète, il reviendra et vous l’aurez fidélisé !”De son côté, Guillaume Bouguet n’hésite pas à travailler avec des pharmacies et des pros de la santé pour la partie conseil, dispensant lui-même quelques informations sur l’emploi de ses plantes qui sont également excellentes en cuisine. Et si le plaisir était, une fois de plus, la clé de cette histoire aux racines millénaires ? Pour Jeanne Ballot l’affaire ne fait aucun doute : “Avant d’imaginer son rayon, l’épicier fin doit avant tout sélectionner des références qui lui plaisent. Quand on est soi-même convaincu qu’un produit apportera du plaisir à ses clients, on dispensera toujours les meilleurs conseils du monde !”patricia Khenouna

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