© Ilya Kagan - Olivier Nasti

L’INVITÉ – Olivier Nasti

“La haute gastronomie doit proposer une identité culinaire sincère et authentique”

crédit photo : © Ilya Kagan

Régulièrement cité comme un probable 3 étoiles, Olivier Nasti – 2 étoiles depuis dix ans – a construit autour du Chambard à Kaysersberg en Alsace – propriété familiale depuis 1901 – une véritable oasis de l’art de vivre à la française avec table gastronomique, un hôtel 5 étoiles classé Relais & Châteaux, une brasserie, une boulangerie, une chocolaterie et un spa qui sur 200 mètres carrés, offre ce qu’il y a de mieux dans le genre. Rencontre avec un chef plein de sagesse.

 

Le Monde de l’Épicerie Fine – Vous êtes aujourd’hui à la tête d’une des plus belles maisons de l’Est de la France, un univers dédié à l’art de vivre que vous avez construit au fil des années. De quoi êtes-vous le plus fier ?

 

Olivier Nasti – C’est compliqué ! Je suis fier d’avoir construit une maison qui rayonne par l’excellence, par la qualité de ses équipes aussi, par le travail et par l’environnement qu’on a pu créer. Je suis heureux de la sincérité qu’il y a dans ma maison, du lien familial qui m’allie avec mes deux filles qui travaillent avec moi. Voilà, c’est un petit peu tout ça réuni et qui doit être à vrai dire, le rêve de chaque chef ou chaque chef d’entreprise.

 

LMEF – En 2023, vous avez été sacré “Cuisinier de l’année 2023” par le Gault & Millau et l’on vous cite régulièrement comme un potentiel 3 étoiles. Cette troisième étoile, est-ce un objectif pour vous ?

 

O.N – Le travail que l’on réalise tous les jours fait que l’on parle souvent de nous. Si on nous accorde un jour ces 3 étoiles, j’aimerais que ce soit la juste conséquence de ce travail mais je ne veux pas que ce soit juste un but. Et surtout pas quand vous menez une telle entreprise avec plus de cent personnes à bord.

 

LMEF – Vous êtes MOF aussi depuis 2007. Est-ce que ce titre vous a ouvert des portes et est-ce que vous recommandez le concours à vos confrères ?

 

O.N – Oui, je recommande vivement de faire le concours à tous les chefs. C’est une évidence pour moi parce que préparer des concours – et on ne prépare pas le MOF comme ça du jour au lendemain – forcément, ça vous fait travailler, effectuer des recherches sur l’histoire de votre métier et les techniques de la cuisine traditionnelle française. Je pense que ce sont des gestes que l’on doit connaître, apprendre et maîtriser. J’incite donc mes équipes à faire des concours dès qu’il s’en présente. J’ai ici par exemple, quatre jeunes qui ont été Meilleurs Apprentis de France et mon sommelier est Meilleur Ouvrier de France. À titre personnel, cela m’a non seulement ouvert des portes mais fait passer un palier qui m’a permis d’aller plus loin. Et même si on n’a pas besoin d’être MOF pour être un grand chef, c’est un titre qui crédibilise et vous met en confiance pour plein de choses.

 

LMEF – Quelle est votre définition de la haute gastronomie ?

 

O.N – Je pense que la haute gastronomie c’est avoir une véritable identité culinaire, faite sur la base d’un vrai sourcing de qualité pour les produits et d’une grande sincérité pour les transformer.

 

LMEF – L’Alsace est un terroir privilégié dans le sens où c’est une région qui attire une clientèle étrangère allemande, suisse et belge. Quelles sont les attentes de cette clientèle et est-ce qu’elles sont différentes de la clientèle française ?

 

O.N – Je ne pense pas qu’elles soient différentes parce que cette clientèle vient chercher une histoire en Alsace, une tradition, une vie, un environnement aussi. Donc les gens se laissent facilement guider une fois qu’ils sont chez nous. Tout ce que je peux dire des Belges, c’est qu’en général ce sont de grands gastronomes, de bons vivants et qu’ils sont contents d’être là. Ce que viennent chercher les Allemands et les Suisses qui ont chacun une grande gastronomie chez eux, c’est la qualité de vie que propose l’Alsace où il y a des infrastructures qui leur conviennent, une tradition gastronomique, une route des vins, des paysages et des villes à découvrir.

 

LMEF – Qui sont les plus assidus ?

 

O.N – Nous sommes à 15-20 kilomètres de leur frontière et les Suisses sont notre première clientèle. Et quand ils viennent ici, ils se lâchent : nous sommes moitié moins chers que chez eux et ils sont, comme les Allemands d’ailleurs, moins regardants à la dépense.

 

LMEF – Votre établissement possède deux commerces avec accès indépendant de l’extérieur. Une boulangerie qui s’appelle Levain, et une chocolaterie baptisée Skulptur. Pourquoi avoir ouvert ces points de vente ?

 

O.N – Nous avons ouvert Levain il y a deux ans et la chocolaterie peu de temps après. Ce sont des petites boutiques qui nous permettent d’être autonomes au niveau des restaurants : ce matin il y avait 70 petits déjeuners à servir et nous avons produit le pain et les viennoiseries. Tout comme on produit le reste du temps des kouglofs et des cakes de voyage que l’on donne aux clients quand ils quittent l’hôtel. On fait aussi du pain pour les clients extérieurs. C’est important. J’avais extériorisé ces deux services depuis vingt ans et je suis heureux d’avoir pu investir pour les réintégrer ici. J’ai même suivi une formation de boulanger-pâtissier il y a trois ans parce que cela ne s’improvise pas. Il faut du matériel de pro, des pétrins, des chambres de pousse et des fours adaptés. J’ai investi plusieurs centaines de milliers d’euros dans ces projets et je ne le regrette pas.

 

LMEF – Est-ce que vous pourriez ouvrir demain une épicerie fine ?

 

O.N – Oui, mais je n’en ai pas envie pour le moment. Je fabrique mes terrines de gibier, je fais de la confiture et plein de petites choses comme des coulis ou des conserves de fruits et de légumes.

 

LMEF – À titre individuel, vous arrive-t-il de pousser la porte de ce type de commerce ?

 

O.N – Oui mais pas souvent. Pour que j’entre dans une épicerie fine, il faut qu’elle me fasse envie, que je me dise que je n’ai jamais vu ni goûté ce que je vais y trouver. Ce qui est assez rare dans la mesure où je fabrique tout ce dont j’ai besoin. Cela arrive bien sûr, je fréquente d’ailleurs et toujours en famille, une épicerie fine italienne à Colmar. J’y trouve de beaux produits et de la belle charcuterie italienne, mais c’est toujours pour ma consommation privée.

 

Propos recueillis par Bruno Lecoq

 

www.lechambard.fr

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