“Sans les épiciers fins, certains produits risqueraient de disparaître”
Chef dont le nom et le visage sont connus de tous, Thierry Marx est (presque) partout. À la tête de différents restaurants, d’une dizaine d’écoles, de boulangeries (au Japon), à la présidence d’un syndicat1 (…) comme au micro de Franceinfo. Il est accessoirement le créateur du magazine Bon qui inaugure à Paris un premier Salon du Bon.
Le Monde de l’Épicerie Fine – Du 8 au 10 novembre prochain se tiendra dans la Grande Halle de La Villette à Paris, le Salon du Bon que vous organisez avec la participation d’un journal que vous avez vous-même créé en 2019, le magazine Bon. À qui s’adresse ce salon ?
Thierry Marx – Il s’intéresse au bon et à tout l’écosystème qui va autour. Avec la volonté de promouvoir des produits d’exception, des savoir-faire authentiques et des engagements durables dans le domaine de l’agroalimentaire. Le “bon” va y être évoqué sous toutes ses formes : le bon produit, le bon équipement, le bon artisanat et le bon engagement. Il y aura des animations, des conférences, des ateliers et des débats mais également une bonne centaine d’exposants présentant une large gamme de produits d’exception, qu’il s’agisse de produits alimentaires, de boissons, d’équipements de cuisine ou d’arts de la table. Ce type de salon n’existait pas encore et je crois qu’il est important d’aborder le sujet de l’alimentation dans son ensemble : un bon produit c’est naturellement un produit qui a bon goût – ce qui n’est pas forcément onéreux – mais c’est aussi celui dont on peut mesurer l’impact social, environnemental et nutritionnel. On va donc parler de tout cela lors de ce salon. Vos lecteurs y sont naturellement les bienvenus.
LMEF – Le 30 octobre, c’est un livre – Le dictionnaire jubilatoire de la cuisine engagée – qui sort chez HarperCollins. De quoi s’agit-il ?
T.M. – J’ai une chronique sur Franceinfo qui s’appelle Le mot à la bouche et c’est un peu dans cette idée : une réflexion sur des mots qu’on utilise de façon usuelle. J’en ai choisi que je trouvais très inspirants et qui me permettent d’évoquer tout un tas de thèmes par petites touches. Cela va des vertus du pot-au-feu du dimanche à l’importance du bon geste. J’explique aussi bien ce qu’est un accord de saveurs que le rapport entre la cuisine et l’éthique samouraï. J’y évoque aussi bien des souvenirs comme le Paris de mon enfance, que les grands principes d’une corporation et les fondamentaux d’un art aussi ancien que l’homme.
LMEF – Dans votre galaxie, on trouve des restaurants très différents. Y a-t-il un point commun à toutes ces adresses ?
T.M. – Oui, la qualité des produits et du sourcing et puis la diversité. Je ne vois pas pourquoi un chef devrait uniquement s’enfermer dans un seul registre. Si l’on sait faire la cuisine, on peut bien la faire à tous les niveaux, que ce soit une cuisine d’auteur que je revendique pour Onor2 et que j’ai revendiquée dans mes précédents établissements, ou une cuisine plus populaire, accessible comme celle du Bouillon du Coq. Cela n’empêche pas de réfléchir par ailleurs à la carte d’une brasserie parisienne avec des référentiels beaucoup plus classiques.
LMEF – Sur votre chemin encore on trouve depuis 2020 Cuisine Mode d’Emploi(s). Où en êtes-vous de cette généreuse aventure ?
T.M. – Ce sont dix écoles maintenant, deux écoles à l’international. Toujours avec l’idée de s’adresser à des personnes qui sont un peu éloignées d’un projet métier. Aujourd’hui c’est quelque chose qui marche très bien : 92 % de retour à l’emploi, 7 % de création d’entreprises.
LMEF – Vous collaborez avec Néogourmets, mais êtes-vous investi dans d’autres produits d’épicerie fine ?
T.M. – Tout ce que je fais, je le fais en investissement en physique et en numéraire. Donc oui je suis investi dans Néogourmets qui est un produit exceptionnel. On est très présent à La Grande Épicerie et c’est vrai que j’en suis très fier. Comme je suis investi aussi dans l’univers des algues avec Zalg, que je trouve être un produit très intéressant pour le devenir de notre gastronomie.
LMEF – À titre personnel, vous arrive-t-il de pousser la porte des épiceries fines ?
T.M. – Oui, beaucoup trop même, peut-être (rires) ! J’aime beaucoup ces professionnels à qui je dis de continuer à chercher, à faire vivre des produits qui sans eux risqueraient de disparaître. Je pense aux moutardes dont certaines sont très intéressantes, à des boîtes de sardines éditées en quantité limitée ; quand je vois cela, je me dis qu’il y a encore des puristes. Pour moi, les épiciers fins, les vrais, pas ceux qui font du marketing, sont des dénicheurs.
1 UMIH (Syndicat des Métiers des Industries de l’Hôtellerie)
2 Une étoile Michelin en 2024