Avec 80 millions de litres, les liqueurs et les crèmes représentent 15 % des spiritueux produits en France. Avec un succès évident puisque 50 % de cette production est exportée.
Bien qu’elles inspirent naturellement confiance, les liqueurs (symboles en France d’une tradition surannée) ne sont pas toujours synonymes de qualité. Et l’on peut dire que pour une fois, le législateur n’a pas fait grand-chose (sinon rien) pour aider le consommateur à s’y retrouver derrière une appellation qui renferme tant de combinaisons, qu’un peu de transparence serait bien utile. En attendant, les épiciers fins, soucieux de ne proposer que des produits de qualité à leur clientèle, sont invités à se poser toute une série de questions avant de faire leur choix.
Des étiquettes peu parlantes – A priori, les liqueurs qui ont un taux alcoométrique supérieur à 15° sont des boissons aromatisées par la macération ou la distillation de fruits, de fleurs, d’épices ou de plantes. Elles se distinguent des crèmes par le taux de sucre qu’elles comportent : un minimum de 100 g pour une liqueur, de 250 g par litre pour une crème qui peut porter indifféremment les deux appellations : crème ou liqueur.
La composition des ingrédients ne devant pas obligatoirement figurer sur les étiquettes (loi sur les spiritueux), tout le reste est laissé à la libre appréciation des producteurs qui pourront utiliser des fruits en quantité variable, les remplacer par des arômes de fruits, y ajouter des colorants, des arômes synthétiques et jouer sur la qualité de l’eau, de l’alcool et du sucre entrant dans la composition des recettes sans que le consommateur n’en sache rien. Cela fait beaucoup ! D’autant que l’espace de liberté est aussi vaste du côté des méthodes de production où les secrets de fabrication cachent parfois des protocoles permettant de gagner du temps… et donc de l’argent. Ceci dit, il ne faut pas être pessimistes : de bons producteurs existent et c’est en leur posant les bonnes questions que vous parviendrez à les détecter. Une dégustation de leur produit (sur les lieux de production, c’est l’idéal !) vous permettant ensuite de faire la différence.
La bonne conduite – Claire Briottet-Garcin qui dirige avec son frère la maison Briottet (créée à Dijon en 1836) a fait pour sa part, le choix de la transparence. « Chez nous, dit-elle, nous indiquons tout sur nos étiquettes. Même lorsque nous sommes obligés de rajouter un colorant synthétique comme pour la liqueur de fraise qui, sans cet additif, présenterait une couleur rouge brunâtre. » Honnête, la productrice précise avoir essayé dans le passé un colorant naturel mais que celui-ci ne tenait pas dans le temps, d’où le choix du synthétique.
Pour le reste, sa maison comme d’autres bien sûr, respecte la tradition au plus près. Ici, la crème de cassis – un produit phare forcément – est élaborée à partir de cassis noir de Bourgogne exclusivement, à hauteur de 250 g par litre, ce qui est rare mais très efficace en termes de rendu gustatif. Les fruits peuvent être surgelés ou frais sans que cela ait une incidence majeure sur la qualité finale, « l’important, précise cette professionnelle, étant d’avoir sélectionné des fruits qui se prêtent bien à la macération et qu’ils aient été surgelés immédiatement après la cueillette. C’est à nous producteurs, de trouver le juste temps de macération en fonction des fruits travaillés. » Pour le cassis par exemple, ce sera deux mois. Chez les producteurs utilisant des cuves de macération rotatives, ce temps est raccourci.
Les points à examiner – En dehors de la question du fruit ou de la matière première qui donnera sa saveur à la liqueur – privilégiez les fruits d’origine protégée en quantité importante et non mélangés – d’autres pistes sont à explorer. La première portera sur l’alcool utilisé dans la macération. Il s’agit en général d’un alcool titrant plus de 95° que le liquoriste va couper avec de l’eau pour l’adapter au produit mis à macérer. Il va jouer le rôle de révélateur d’arôme et de conservateur. Idéalement, il faut qu’il soit neutre et « porte » le fruit. C’est donc l’alcool de betterave surfin alimentaire qui revient le plus souvent. Certains liquoristes lui préfèrent des eaux-de-vie de fruits à la neutralité moins évidente.
Vient ensuite le choix de l’eau. Là encore : pureté et neutralité sont de mise. Beaucoup utilisent de l’eau déminéralisée, les plus perfectionnistes de l’eau de source. On évitera les eaux calcaires ou chlorées. Pour le sucre – exhausteur de goût et conservateur – c’est le sucre blanc cristallisé qui est la norme. Pour se distinguer et sur certaines recettes uniquement, on peut utiliser du sucre roux qui donne une saveur particulière ; avec plus de dommages sur la qualité : du sucre liquide.
Le dialogue indispensable – Sans un échange avec le liquoriste, sans une exigence de transparence : impossible de garantir à vos clients un produit de qualité. D’autant que les IGP sont rares (il en existe trois pour le cassis, c’est tout !) et que le site internet du principal syndicat de liquoristes est peu loquace sur le sujet. Vient ensuite le stade de la dégustation qui doit elle aussi répondre aux attentes de votre clientèle. Retenez qu’en France, la liqueur se marie traditionnellement à du vin blanc ou un Crémant et qu’elle s’utilise de plus en plus en cuisine, dans les sauces mais aussi les sorbets.
La palette est tellement vaste qu’il est prudent de bien arrêter son choix sur une ou deux saveurs originales à faire découvrir et quelques incontournables comme le cassis, la mûre ou la fraise. Si votre clientèle étrangère est importante, retenez que la liqueur est surtout utilisée en dehors de nos frontières comme base de cocktail. Et que la qualité « made in France » sur ce produit remporte un vrai succès.
Bruno Lecoq