Parce que les consommateurs privilégient la vente directe et la distribution spécialisée, le marché des vins bio a mieux résisté au reflux des produits AB et conserve un fort potentiel en France, selon L’Observatoire Millésime Bio.
Le marché des vins bio avance à contre-courant de celui des autres produits issus de l’agriculture biologique (AB). Globalement, les ventes de produits bio ont en effet reculé en France l’an dernier. Celles de vins certifiés AB ont continué de croître. En chiffre d’affaires, ce marché a atteint 1,46 milliard d’euros en 2022, en augmentation de 6,3 %. Certes, cette progression de CA est en partie nourrie par l’inflation. Mais la croissance en volume reste elle aussi légèrement positive (+ 1 %).
Un marché des vins bio très spécifique
Si le vin bio résiste bien à la crise, « c’est grâce à la spécificité de ses circuits de distribution », explique le vigneron Nicolas Richarme, président de SudVinBio. Cette association interprofessionnelle qui regroupe les producteurs de vins bio d’Occitanie est l’organisatrice du salon Millésime Bio, dont la prochaine session se tiendra les 29 et 30 janvier 2024 à Montpellier.
Les vins bio français ont en effet pour principaux débouchés l’export, suivi par la vente directe par les producteurs (46,9 % du marché hors export) et les cavistes (17,7 %). La grande distribution arrive derrière (14,9 %) avec seulement 0,5 point de part de marché de plus que les cafés-hôtels restaurants (CHR). Les magasins bio sont bons derniers avec à peine plus de 6 % du marché français.
Les cavistes plus forts que les grandes surfaces
Cette structure des ventes « très atypique par rapport au reste du marché bio car la grande distribution y détient une part très faible, tandis que la vente directe possède un poids important », résume Christophe Ferreira, consultant chez le panéliste conso Circana. Sur le total des produits bio alimentaires, l’export ne représente en effet que 8 % et la grande distribution 45 % du marché français. Face à elle, les magasins bio devancent largement la vente directe. Seul les CHR se situe à peu près au même niveau dans les vins que sur le total du marché bio.
Hors de la filière vins, le recul du marché bio a été accéléré par les désengagements de la grande distribution et par les fermetures de magasins bio. La filière vins biologiques a été en partie épargnée grâce à la vente directe, qui lui procure « un socle de clientèle prête à payer un surcoûit et qui reste fidèle car elle connaît le producteur », explique la vigneronne Jeanne Fabre, présidente du salon Millésime Bio.
Une clientèle en attente de conseil
Un sondage mené par Circana auprès de 1 054 acheteurs de vin bio interrogés du 5 au 9 septembre 2023 montre que ces derniers fréquentent en moyenne 3,2 circuits de distribution pour leurs achats de vins bio contre 2,5 pour leurs achats de vins non bio. Et qu’ils se disent plus satisfaits des circuits spécialisés que des non-spécialistes. Le graphique ci-dessous l’indique clairement. Ces spécialistes du vin sont aussi ceux où ils se sentent le mieux conseillés.
L’étude montre également que le marché des vins bio recrute de nouveaux consommateurs. Près de trois acheteurs sur quatre ont en effet commencé à en acheter au cours de l’année précédente. Ces nouveaux acheteurs sont plus jeunes et moins avantagés socialement.
Un goût de « reviens-y »
Tout indique par ailleurs que les acheteurs de vins bio y prennent goût. 37 % d’entre eux pensent avoir augmenté leurs achats de vins bio au cours de l’année contre 11 % qui disent les avoir diminués. 32 % pensent qu’ils augmenteront leurs achats de vins bio à l’avenir. Les mêmes sont plus nombreux à dire avoir réduit leurs achats de vins non bio et à prévoir de le faire à l’avenir. « Le marché du vin bio se porte bien au sein d’un univers du vin qui lui ne se porte pas très bien depuis plusieurs années », conclut Jeanne Fabre.
La croissance n’éponge pas la surproduction
Paradoxalement, cette bonne santé ne suffit pas à endiguer la surproduction. Certains producteurs et coopératives sont en effet aujourd’hui conduits à déclasser leur vin certifié AB qui ne trouve pas preneur. « Le marché ne progresse pas assez pour absorber l’augmentation des conversions de viticulteurs en agriculture biologique qui ont eu lieu ces dernières années », explique Nicolas Richarme. « La croissance de la bio s’est toujours faite par paliers », argumente pour sa part Jeanne Fabre. Pour cette dernière, l’actuel excédent de production est une mauvaise passe temporaire.