Florence Cane copyright : Stéphane de Bourgies

Milouin : la nouvelle plateforme art de vivre de Florence Cane

Bien connue dans le monde de la grande gastronomie, Florence Cane (43 ans) a derrière elle un CV prestigieux construit dans le sillage de deux très grands chefs : Alain Ducasse et Yannick Alléno. Inaugurée en octobre dernier, la plateforme Milouin (1) est un peu l’héritière de ses expériences passées et elle laisse naturellement une place de choix à l’épicerie fine.

Le Monde de l’Épicerie Fine – Chic, sélectif, qualitatif… ce sont les premiers mots qui viennent à l’esprit lorsqu'on parcourt Milouin, la plateforme que vous avez créée en octobre dernier. D’où vous vient cet intérêt pour les belles et bonnes choses ?

Florence Cane – Je suis née à Paris dans une famille d’artistes (2), ce qui m’a donné une certaine approche de la vie. Après des études de fiscalité et de droit des affaires, j’ai débuté ma carrière professionnelle dans le groupe Alain Ducasse où je suis restée pendant six ans comme directrice du développement international de la branche conseils et formation. J’ai démissionné pour pouvoir créer ma première entreprise et j’ai rencontré peu de temps après Yannick Alléno qui venait d’avoir trois étoiles à l’époque au Meurice. Nous avons été associés pendant un peu plus de dix ans. Ce fut une aventure formidable. Quand je l’ai quitté, le groupe gérait 22 restaurants à travers le monde qui faisaient travailler 1 200 collaborateurs et qui généraient environ 60 M€ de chiffre d’affaires… Pendant toutes ces années, la qualité a toujours été une exigence de chaque instant. En cédant mes parts à Yannick Alléno à la fin de l’année 2018, j’ai conservé le magazine Yam que j’ai finalement arrêté de diriger l’année dernière. 

LMEF – Pourquoi avoir choisi de vous investir dans une aventure numérique ?

F.C – C’est l’aboutissement d’une réflexion entamée
en 2017. À l’époque, j’avais déjà à cœur de regarder comment l’arrivée de la vague digitale pouvait être utilisée pour se mettre au service des métiers de la main. On a en France la chance d’avoir d’un côté des métiers absolument formidables avec des savoir-faire ancestraux, et de l’autre côté, on a la vague du digital qui est comme un tsunami. Quand ces deux univers se rencontrent, que se passe-t-il ? Vont-ils pouvoir coexister ? Comment mettre au service de la main la puissance du digital ? Comment utiliser les outils de digitalisation de contenu et les canaux d’audience pour aider à voir encore un peu mieux les splendeurs que recèle notre pays ? L’approche intellectuelle au début de Milouin, c’est ça.

LMEF – La page d’accueil du site donne le ton qui est un peu celui d’une boutique de luxe où la gastronomie côtoie les arts de la table, les ustensiles et des éléments de décoration. Combien de références en tout ?

F.C – Nous avons à peu près 1 000 références et nous allons monter autour de 3 000 avant l’été. On entre dans un processus qui devient vite vertueux puisque l’on commence à nous connaître et que l’on nous envoie des choses. Par ailleurs, l’offre s’équilibre plus ou moins entre les cinq maisons : gastronomie, ustensiles, arts de la table, photographies et curiosités.

LMEF – À qui s’adresse Milouin ?

F.C – À plusieurs catégories de personnes. Il y a d’abord ceux qui veulent être sûrs de ne pas se tromper quand ils cherchent à acheter un produit de bonne qualité ; cela s’adresse aussi à des connaisseurs en quête de choses un peu plus pointues et enfin à tous ceux qui voudraient avoir un morceau du rêve : j’ai vraiment envie d’avoir une approche de grande maison qui propose des produits pour faire rêver.
Ce qui m’importe, c’est que l’on reste très agréable visuellement pour permettre au visiteur de déambuler ; qu’il ne soit pas forcément en ligne pour acheter, il peut nous rendre visite pour être inspiré.

LMEF – Qui assure la sélection de l’offre ?

F.C – Pour l’instant, je la fais toute seule et j’y suis très attachée. Au-delà de la sélection, ce qui me plaît, c’est d’ajouter du contenu rédactionnel et des rubriques. Nous le faisons déjà avec la newsletter où un produit parle de lui à la première personne, raconte sa vie
et sa transformation… L’idée c’est de permettre aux marques d’avoir des terrains d’expression autres que la présentation de leurs seuls produits. Enfin, chaque mois j’écris un édito qui est illustré par une sélection dans un esprit collection.

LMEF – Comment gérez-vous la question du stockage ?

F.C – Comme nous travaillons en dropshipping, les marchandises restent la propriété de nos partenaires à qui nous transmettons les commandes. On fait un travail de curation assez poussé et souvent je me permets d’imaginer une sélection exclusive au site. Par exemple, avec la marque d’ustensiles De Buyer que je connais bien, j’ai créé différents packages autour d’un thème : coffret Grands Classiques des Cuisiniers ou Cuisiner avec les Enfants… Cela permet de guider nos internautes qui pourraient se perdre sur le site de la marque avec des centaines de références, c’est important. C’est un accompagnement que je prends le temps de faire parce que je crois profondément qu’avoir une place de marché ne vaut la peine que si et seulement si c’est incarné. On ne pourra jamais concurrencer Amazon, c’est fini. On se doit d’aller vers une sélection affirmée et revendiquée, avec une grande légitimité, testée, choisie, réfléchie. Sur Milouin, il n’y a pas un produit que je n’ai pas personnellement essayé, vu ou goûté. Par ailleurs, j’ai découvert la plupart des marques dans mes expériences professionnelles auprès des grands chefs et je connais leurs produits depuis longtemps.

LMEF – Comment s’y prendre pour être sélectionné par vous ?

F.C – Il faut m’écrire, me faire goûter. Je rappelle à chaque fois pour que les producteurs me racontent leur histoire et je vois si cela colle avec mon univers. Si c’est le cas, ils ont leur place.

LMEF – Quel est le panier moyen ?

F.C – Quatre-vingts euros parce que les gens n’achètent pas qu’un seul produit mais un couteau, plus une bougie plus un bocal de mandarines pochées au poivre de Timut… En épicerie fine, ce qui se vend le mieux pour le moment ce sont les confitures, le pain d’épices, le chocolat ; des choses faciles d’accès mais pour lesquelles les gens sont ravis de découvrir des sélections parfois inattendues.

LMEF – Vous proposez enfin des expériences…

F.C – Oui et j’y tiens particulièrement. L’expérience en ligne nous permet d’ouvrir les coulisses des artisans et producteurs pour que les clients consommateurs comprennent mieux un métier, une race, un savoir-faire. Ainsi à venir, le café, le fromage, les épices, le chocolat, les couteaux… à chaque fois avec un grand professionnel. Nous avons organisé une première avant Noël autour de l’huile d’olive avec 24 participants (c’est limité à 30). Le principe est simple : vous choisissez l’expérience à laquelle vous voulez participer, vous achetez en ligne un coffret spécial avec une sélection de produits à déguster, vous recevez les produits chez vous et le jour dit, vous vous connectez et participez à la master class en ligne. Le principe étant que vous pouvez déguster les produits en suivant
les recommandations d’un spécialiste. C’est différent mais c’était aussi une expérience : l’été dernier nous avons ouvert un pop-up store à Saint-Tropez, un lieu éphémère contemporain et vivant où l’on retrouvait déjà notre sélection.

Propos recueillis par Bruno Lecoq

(1) Petit canard à tête rousse et au plumage flamboyant, plongeur, dont l’espèce est menacée d’extinction. (2) Nicole et Louis Cane, l’un des fondateurs du mouvement Supports/Surfaces.

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