Reconnu comme l’un des meilleurs pâtissiers du monde, Philippe Conticini mène depuis plus de 30 ans une véritable réflexion sur le goût. Une démarche récompensée aujourd’hui par le formidable succès des Pâtisseries des Rêves dont les quarante professionnels produisent chaque mois plus de 150 000 gâteaux…
LMEF – Comment expliquez-vous l’engouement actuel pour la pâtisserie ?
PHILIPPE CONTICINI : C’est le résultat d’un long travail d’émancipation qui arrive à son apogée. L’évolution de la pâtisserie a débuté il y a 30 ans mais a été beaucoup plus longue que celle de la cuisine. Elle a d’abord bénéficié des progrès techniques et technologiques puis d’une recherche extraordinaire sur l’aspect visuel. Est ensuite venu le travail sur le goût que j’ai initié avec Pierre Hermé dans les années 90.
Cette recherche a depuis fait son chemin, une multitude de jeunes pâtissiers de grand talent ont été formés et le public a suivi la presse qui s’est emparée du phénomène en 2005. On maîtrise désormais le mélange des goûts mais nous devons avancer encore sur le goût en tant que tel. Pour un praliné par exemple : c’est impressionnant ce que l’on peut obtenir comme variantes en travaillant uniquement sur l’air et l’humidité. Nous assistons aujourd’hui à l’avènement d’une pâtisserie d’auteur qui place le goût au centre de tout.
LMEF – Il y a plusieurs ponts à faire entre l’épicerie fine et la pâtisserie et notamment avec la confiserie. Qu’est-ce qu’une bonne confiserie selon vous ?
P.C : Qu’il s’agisse d’un fruit confit, d’une pâte de fruit, d’un bonbon : la base, c’est le sucre mais il est impératif que les parfums ou le goût du produit traité soient respectés, que l’ensemble soit harmonieux et parfumé. Le sucre doit devenir secondaire.
LMEF – Quels conseils pourriez-vous donner aux épiciers fins dans leur sélection ?
P.C : Un conseil qui vaut pour tout : trouver les meilleurs artisans ! Les épiciers fins doivent s’impliquer dans ce travail d’investigation pour référencer les confiseries qui leur plaisent bien sûr, mais qui correspondent surtout au goût de leur clientèle, tout en portant un regard pointu sur les ingrédients entrant dans la composition des recettes et en éliminant ce qui n’est pas naturel ou indispensable. Enfin, il faut qu’ils puissent répondre à la seule question qui compte : est-ce bon ? Ce travail de recherche, surtout lorsque l’on débute, est capital.
LMEF – La Pâtisserie des Rêves dispose d’un laboratoire de 1600 m2. Fournissez-vous les épiciers fins ?
P.C : Pas encore, mais nous pourrions le faire*. Nous produisons en effet des caramels, du nougat, des guimauves, des bonbons acidulés ou des sucettes qui pourraient sans doute trouver leur place en épicerie fine. En revanche, certaines créations resteront exclusives. Par exemple, les confiseries élaborées avec le partenariat d’Olivia Giacobetti – nez reconnu dans le monde du parfum – qui a créé pour nous des huiles essentielles et des essences de parfums époustouflantes de précision.
LMEF – Parmi les autres points communs, il y a le chocolat. Quelles sont vos recommandations en la matière ?
P.C : Personnellement, les modes et les dictats ne me satisfont pas. Bien sûr, je suis respectueux des grands chocolatiers et je pense que si l’on aime le chocolat noir à 70 % et plus et que l’on a envie de vendre ce type de produit, c’est formidable. Ceci étant dit, je crois que les meilleurs chocolats du monde sont ceux qui plaisent aux enfants. Nous devrions nous intéresser à des chocolats plus doux. Il faut de la gourmandise dans le chocolat…
LMEF – À titre personnel, avez-vous déjà travaillé sur des produits d’épicerie fine ?
P.C : Pas encore, mais pourquoi ne pas concevoir un chocolat spécifique, des bonbons ou des biscuits ? “Je me suis tellement investi sur ces recettes qu’elles sont étrangement les plus abouties et les plus créatives que j’ai pu faire dans ma vie.”
LMEF – Vous avez été souvent en avance sur votre époque et pas toujours bien compris.
P.C : C’est vrai que lorsque j’ai créé mes premières verrines en 1994, elles n’ont pas été bien perçues. Idem lorsque j’ai travaillé chez Petrossian… On me disait toujours : c’est formidable ce que vous faites, mais on ne comprend pas tout ! J’ai donc cherché à être « lisible ». Pour y parvenir, j’ai choisi de retravailler les classiques comme le Saint-Honoré ou le Paris-Brest… et je me suis tellement investi sur ces recettes qu’elles sont étrangement les plus abouties et les plus créatives que j’ai pu faire dans ma vie.
Propos recueillis par Bruno Lecoq
Philippe Conticini vient de publier « Sensations Choux » aux Editions de La Martinière : 60 recettes inventives qui raviront les gourmands.