Des poulets de batterie mieux notés que leurs congénères élevés en liberté, des pommes bio déclarées plus nocives que celles traitées aux pesticides chimiques… Selon certains experts et professionnels, cette perspective hallucinante se dessine pour le futur “Eco-score” des produits alimentaires si le mode de calcul actuellement envisagé n’est pas modifié !
La loi sur l’économie circulaire prévoit l’entrée en vigueur d’un affichage environnemental des produits alimentaires à la fin de 2021. Cet affichage reposera sur une notation des produits baptisée Eco-score. À cet effet, l’Ademe a rendu public en septembre dernier, à l’occasion d’un colloque en ligne, la base de données Agribalyse 3.0. Réalisée avec l’INRAE, celle-ci évalue l’empreinte environnementale de 2 500 produits bruts et transformés, calculée à partir de l’analyse du cycle de vie (ACV) du produit. Une méthode de calcul qui soulève une vive contestation. L’Institut de l’agriculture et de l’alimentation biologiques (Itab) – l’organisme de recherche des filières bio, notamment soutenu par le ministère de l’Agriculture – et d’une filière que l’on ne saurait pourtant soupçonner d’écologisme militant, l’interprofession des viandes et du bétail – Interbev – ne ménagent pas leurs critiques.
Les externalités négatives et positives oubliées
Les deux organismes accusent la base de données d’être construite sur des hypothèses favorables à l’agriculture intensive et qui pénalisent les modes de production extensifs et bio. Ainsi pour Interbev, Agribalyse pêche par “une prise en compte partielle des critères environnementaux”. Pour l’Itab, “à l’heure actuelle, les indicateurs de l’ACV sont très insuffisants pour l’évaluation environnementale des systèmes agricoles et alimentaires, les lacunes sont majeures”. L’institut a publié ses critiques détaillées de la méthode et de ses résultats dans une note d’information et alerte de 52 pages. Parmi les principaux reproches, Agribalyse ignore les impacts “des pesticides dans les cultures et des antibiotiques en élevage” et des “enjeux liés à l’effondrement de la biodiversité et (…) sur la qualité du sol” et tait “les externalités positives” de la bio et des modes de production sous label de qualité.
La base de données bio dans les limbes
Un projet ACV Bio, auquel l’Itab participe, a certes été lancé et présenté lors du colloque de septembre. Mais il y a été précisé que “les manques actuels de la méthodologie ne permettent pas de comparer les produits biologiques à leurs homologues conventionnels”. L’Itab refuse d’ailleurs de valider cette base de données bio tant que des “anomalies” qu’il a signalées ne seront pas corrigées. Plus généralement, “la mise à disposition de la base de données agricoles pour les acteurs économiques est prématurée et les (…) variantes ACV par systèmes de production (NDLR : bio, label rouge…) devrait être retirées”, conclut l’institut. Interrogé par Le Monde du Bio Gourmet, Vincent Colomb, ingénieur de l’Ademe en charge du projet, précise qu’une réponse aux critiques de l’Itab est “en préparation” et qu’elle fera l’objet d’une publication courant janvier.
Olivier Costil