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Promotions en épicerie fine : un tabou ?

La notion de promotions saisonnières assimilables à des soldes peut-elle faire partie de la culture de l’épicerie fine ?

8 janvier 2014, 8 h du matin : c’est le jour et l’heure fixés officiellement pour le coup d’envoi des prochains soldes d’hiver et, comme toujours, pas un secteur ne devrait manquer à l’appel. Mais quid du monde de l’épicerie fine ? Comment aborde-t-il ce rendez-vous a priori incontournable ? Au-delà des restrictions législatives qui interdisent de solder certains produits alimentaires porteurs d’une date de péremption trop limitée dans le temps, le niveau d’implication des épiciers fins dans le phénomène des soldes se révèle à géométrie variable. Avec d’un côté les tenants d’un « non » ferme et définitif, largement majoritaires, tel Albert Baussan, P.-d.g. de la chaîne Oliviers & Co : « Je travaille dans l’alimentaire depuis plus de quarante ans et je me suis toujours refusé à employer le mot “soldes” qui, dans mon esprit, a des connotations péjoratives car on solde avant tout ce qui ne s’est pas vendu. » Même son de cloche avec Richard Fournier, fondateur du Comptoir de Mathilde (« Des soldes ? Nous n’en avons pas besoin. »), et Anne Savy, à la direction marketing du caviar Sturia : « Pour l’instant la question ne se pose absolument pas. Nous pouvons mener de temps à autre des actions de promotions ou d’offres découvertes, mais cela ne se fait jamais par le biais de prix cassés. » Idem pour Marie-Léa Vogel, responsable marketing de Quai Sud, créateur de produits gourmets pour épiceries fines : « Les soldes ne font pas partie de nos pratiques. Nous préférons mettre en place des ventes privées sur Internet qui nous permettent de gagner en visibilité et en notoriété auprès du grand public. »

Des avis bien tranchés que, du côté des indépendants, vient corroborer Patrick Mièvre, patron de L’Épicerie Fine Rive Gauche (Paris 7e) : « Ma philosophie est claire. On ne peut pas, on ne doit pas brader un produit alimentaire. Je vais même plus loin : il est scandaleux de solder tel ou tel produit, y compris ceux proches de la date de péremption – dans ce cas-là, je préfère les offrir à de bons clients – avec 30 %, 40 % ou 50 % de réduction. Si quelqu’un se permet ce type d’offre, c’est souvent parce qu’il a “surmargé” en amont. Sur le plan de l’honnêteté, c’est donc limite… » Si la volonté de ne pas brader son image explique en partie les réticences observées côté épicerie fine, toutes les marques n’en sont pas forcément partie prenante. Et non des moindres. Fauchon reconduit ainsi depuis plusieurs années une opération « Soldes » qui s’affiche en tant que telle durant la période de référence avec à l’appui, sur une sélection de produits gourmands certes assez serrée, des réductions de prix pouvant atteindre 50 %. En termes de communication, le décorum est là – les couleurs noir et rose chères au traiteur de luxe animent les bandeaux informatifs –, mais qu’on ne s’y trompe pas : c’est bien de soldes dont il s’agit, et visiblement sans état d’âme.

La notion de solde prend alors une dimension stratégique que Mathias Minet, directeur général du Palais des Thés, reprend à son compte, sur un mode néanmoins différent. Ce ne sont ainsi pas les thés qui seront au cœur de l’action programmée début 2014, mais avant tout et surtout la partie accessoires (bouilloires, mugs, bougies, etc.) du catalogue.

Guy Leray

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