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Vin bio, biodynamique ou nature

Ce qu’il faut savoir pour bien le vendre

Soutenue par la volonté d’un consommateur qui aspire à boire mieux et autrement, l’offre tend à s’élargir ces dernières années, voire à monter en gamme. L’occasion pour les épiciers et les cavistes de peaufiner leurs linéaires.

En plein essor, le marché français des vins bio a passé la barre du milliard d’euros de chiffre d’affaires en 2018, soit une progression de près de 10 % en un an et un doublement en cinq ans. Les Français dont la consommation de vin est passée de 100 litres par habitant et par an en 1975 à 40 litres aujourd’hui, boivent moins mais mieux… et plus sain. Ils s’orientent vers des qualités supérieures et tendent à s’écarter des vins conventionnels – qui peuvent recourir jusqu’à 47 additifs différents – pour se tourner vers les vins bio. Le fait qu’un vin soit certifié bio est même un critère d’achat à part entière pour plus de quatre Français sur dix selon un récent sondage OpinionWay pour l’Agence Bio.

Le vin bio, un bon goût de terroir

Le vin biologique n’existe officiellement que depuis 2012, date depuis laquelle il est réglementé par un cahier des charges européen. Mais la production nationale progresse à vive allure, soutenue par une demande qui se porte à 98 % sur les vins français : avec 94 000 hectares soit 12 % des surfaces viticoles, la vigne bio a progressé de 20 % dans l’Hexagone en 2018. La profession ayant pour objectif d’atteindre 15 % des surfaces en 2022 et 20 % en 2025. “Je suis passé en bio il y a quinze ans, explique Wilfrid Rousse, vigneron à Chinon (21). Ce qui m’a fait changer de voie, c’est la masse des intrants qu’impose de plus en plus la viticulture conventionnelle et qui aboutit à une standardisation extrême du goût.” Le travail de vinification effectué par le vigneron bio s’écarte largement de la viticulture conventionnelle. Ce dernier cherche en effet généralement, à préserver ce qu’il estime être le goût de son terroir. Il va donc de préférence travailler avec des levures indigènes. Les vignerons bio ont aussi une gestion plus fine du dioxyde de soufre dans le vin. Certes, à l’exception d’une petite minorité, ils travaillent avec du soufre mais pas systématiquement, et avec des doses bien moindres que celles préconisées par les laboratoires oenologiques. Tout dépend toutefois de la volonté du viticulteur car le cahier des charges bio n’impose pas de réduire les intrants lors de la vinification. Il se contente d’inciter les professionnels à le faire. Résultat, l’ajout de produits oenologiques (levures, bactéries, enzymes, acide tartrique…) est autorisé. La condition sine qua non est que ces derniers soient eux aussi certifiés bio. Idem pour le soufre comme évoqué plus haut (voir encadré) qui lui aussi est toléré jusqu’à 100 mg/litre.

La biodynamie, bonne pour le sol et pour la vigne

Le vin biodynamique pousse la démarche encore plus loin. Les vignerons qui utilisent cette méthode essaient d’intensifier la vie du sol afin qu’il y ait un meilleur échange entre la terre et la plante. Pour cela, ils se servent de préparations à base de plantes, de matières organiques animales ou minérales qu’ils infusent, dynamisent ou macèrent afin d’aider la vigne à se renforcer et à mieux se développer. Ils utilisent aussi le calendrier lunaire afin que la plante, le sol et les influences des astres se combinent au mieux. “La biodynamie est bonne pour le sol, elle le nourrit, le fait vivre et le fait agir sur le développement et la qualité de la vigne. Le respect des rythmes du vivant, à la fois saisonnier, lunaire et cosmique, est également essentiel dans cette pratique”, explique Céline Tripoz, vigneronne bourguignonne travaillant en biodynamie depuis 2001.

Vendanges chez Wilfrid Rousse, vigneron bio à Chinon

Pour rappel, c’est un penseur et philosophe autrichien, Rudolf Steiner (1861-1925), qui instaura les bases de cette mouvance aussi appelée anthroposophie. Il est également à l’origine du label Demeter, l’une des premières certifications de l’agriculture biologique fondée dès 1932. Outre l’harmonie entre la plante et la terre et le respect des cycles saisonniers et lunaires, la biodynamie encourage le travail du sol par des labours sans machine (traction animale) et limite les intrants durant la vinification. Les doses de soufre autorisées par exemple, sont au maximum de 70 mg/l. À noter également que la certification bio est un préalable à la certification Demeter. Autrement dit, un vin biodynamique certifié affichera deux labels : AB et Demeter.

Au-delà des types de process, il faut miser sur la qualité

Hervé Nourry et Anthony Durand

Hervé Nourry et Anthony Durand, respect ivement gérant et vendeur à La Cave des Vins Gourma nds à Brest (29) “Nous avons plutôt une fibre bio, c’est pourquoi les trois quarts de notre offre sont en bio et biodynamie. S’y ajoute une quarantaine de références en vin nature, pas plus car ces derniers ne sont pas forcément faciles à vendre et s’adressent à une clientèle d’amateurs avertis. Qu’ils soient bio ou nature, nous sélectionnons nos vins en fonction de leurs qualités et selon des critères précis : l’équilibre au niveau de l’apparence d’abord, la texture en bouche ensuite et enfin la ou les saveur(s). Tous ces critères participent de l’harmonie d’un vin et surtout de sa propension à restituer un terroir. C’est pourquoi en rayons, nos vins sont classés par région plutôt que par type de process (bio, biodynamie, nature). Il y a du bon partout, parfois même en conventionnel. Donc pas de classement dans ce sens. Pas plus que par catégorie de prix car il faut que chacun trouve son bonheur en fonction de ses goûts et de son budget. Enfin et surtout, je pense qu’un vrai amateur peut apprécier tout type de vin, qu’il soit bio, biodynamique ou nature. Encore une fois, l’essentiel est qu’il soit bon !”

Le vin nature en quête de reconnaissance

Le vin nature associe les démarches bio et biodynamique, mais renforce encore l’exigence en n’autorisant aucun intrant visant à modifier le raisin et son jus lors de la vinification. Les vendanges sont manuelles et lors de la vinification, le vigneron s’efforce de garder le caractère vivant du vin. “Les vins nature sont le fruit du travail de viticulteurs dans leur grande majorité passionnés, refusant le recours systématique aux intrants chimiques comme les levures aromatiques. Ils rejettent la standardisation du goût qu’imposent les vins conventionnels et réclament une place pour des vins différents”, explique ainsi François Morel, rédacteur en chef de la revue “Le Rouge & le Blanc” et auteur du livre “Le Vin au naturel” aux éditions Sang de la Terre. Pas d’ajout de produit chimique donc et pas d’interventions techniques susceptibles d’altérer la vie bactérienne du vin non plus. À l’exception si besoin, de sulfites en très faible quantité.

Vendanges chez Céline et Laurent Tripoz (Bourgogne) en biodynamie depuis 2001

Problème : le vin nature n’est pas reconnu par les pouvoirs publics et aucun cahier des charges référent n’existe réellement. De fait, les principes auxquels se réfèrent les vignerons – vendanges manuelles, vinification naturelle sans intrants, respect du caractère vivant du vin… – ne constituent pas une obligation. Aucun label ne garantit l’authenticité du “produit” ni son processus d’élaboration. Autre flou artistique, les doses de soufre admissibles. Tandis que les uns le proscrivent, d’autres l’autorisent en faible quantité (30 et 40 mg/l maximum) au moment de la mise en bouteille pour protéger les vins, éviter qu’ils ne s’oxydent, tournent au vinaigre ou se chargent en goûts déviants sous l’effet de bactéries indésirables. Enfin, le vin nature peut aussi perturber les palais les plus avisés. Et même les regards les plus avertis… En effet, à l’oeil, le vin nature est le plus souvent trouble. Une bizarrerie plutôt de bon augure toutefois car cette catégorie de vin – à la différence des vins conventionnels – n’est généralement pas filtrée et n’a reçue ni blanc d’oeuf, ni gélatine ou autre colle de poisson pour éliminer les particules en suspension. Parfois tout aussi surprenant au nez, un vin nature peut à l’ouverture de la bouteille, libérer des senteurs de légumes fermentés, voire d’écurie… Mais il suffit de le carafer pour faire disparaître ces parfums indélicats.

Caves de Wilfrid Rousse, vigneron bio à Chinon

La nature ne se laisse pas dompter

Les vins nature sont atypiques, tant dans leur process de vinification que dans leurs saveurs, parfums, voire même couleurs. Résultat, ils sont souvent peu, voire pas du tout reconnus par l’Institut national de l’origine et de la qualité (Inao). Faute de mieux, on leur colle parfois l’étiquette “Vin de France” (VDF). Un mal pour un bien, car si derrière cette appellation se cache un peu tout et n’importe quoi, le nombre de bouteilles vendues sous cette dénomination entre 2013 et 2018 aux États-Unis par exemple, a été multiplié par six selon Business France… On l’aura compris, que l’on soit épicier ou caviste, les vins nature ne sont pas les plus faciles à vendre… Au contraire d’un vin conventionnel dont le consommateur connaît la plupart du temps l’appellation, le terroir voire la saveur, il faut en expliquer les différences et les spécificités. Il faut donc un vendeur pointu connaissant le produit. “Si la personne est bien choisie et suffisamment spécialiste dans le domaine, le client revient pour lui, pour sa personnalité et pour la confiance qu’il réussit à instaurer”, rectifie toutefois Hervé Nourry, propriétaire de La Cave des Vins Gourmands à Brest (lire encadré).

Avec ou sans soufre ?

Teneurs moyennes en soufre (sulfites) selon les différentes catégories de vin :
Vin conventionnel rouge normes E. …………… 160 mg/l
Vin rouge issu de l’Agriculture Biologique ….. 100 mg/l
Vin rouge Demeter (biodynamique) …………….. 70 mg/l
Vin rouge Association des Vins Naturels …….. 30 mg/l

Une nouvelle culture oenologique

La culture oenologique du consommateur a changé. Celui-cin’est plus forcément à la recherche d’un grand domaine ou d’un grand cru, mais davantage d’un vin atypique de qualité proposé à petit ou moyen prix. “Aujourd’hui, l’appellation n’est plus un gage de qualité. C’est la qualité du travail de la vigne et le savoir-faire du vigneron qui font la différence”, ajoute-t-on à La Cave des Vins Gourmands. Alors, l’avenir est-il à cette nouvelle génération de vins dissidents dits nature ? Pas si simple… Du moins en termes de saveurs. En effet, privilégiant une technique dite de fermentation carbonique, de nombreux vins nature présentent un goût relativement similaire – évoquant un mix de fruits rouges où la cerise domine – tout en étant pourtant issus de cépages et de terroirs différents. Une telle typicité gustative, aussi marginale soit-elle, ne peut aller que dans le sens d’une relative standardisation des saveurs, tendance contre laquelle les vins nature sont censés, à l’origine, apporter une alternative. À l’inverse, lorsqu’ils sont bien faits, les vins bio et biodynamiques offrent davantage de personnalité en bouche et une présence reposant sur un strict équilibre des saveurs. “La sensation en bouche est celle d’un vin vivant, on est vraiment sur le goût du raisin et de son terroir”, confirme ainsi Wilfrid Rousse. Toutefois, la teneur en alcool étant généralement plus faible pour les vins bio, la fin de bouche peut décevoir et paraître un peu courte.

Bref, pas facile de s’y retrouver et de privilégier une catégorie de vins plutôt qu’une autre. D’autant que pour un épicier ou un caviste, ce choix devra se faire en fonction de son implantation géographique – et de la possibilité ou pas de privilégier les vins locaux -, de sa clientèle et des demandes de celle-ci. À chacun de choisir donc en fonction des attentes rencontrées, et si possible en évitant une trop forte spécialisation. La qualité peut effectivement être au rendez-vous sur chaque type de vin qu’il soit bio, biodynamique ou nature, voire même conventionnel. Il serait dommage de ne pas en profiter…

Laurent Feneau

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