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WHISKY Le Japon au sommet de son art

97 distilleries en activité en ecosse,9 seulement au Japon : sur le papier, c’est David contre Goliath. Pourtant, c’est le pays du soleil-Levant qui fait désormais parler de lui côté whisky, grâce à une offre résolument premium totalement en phase avec l’esprit des circuits sélectifs. 

C’est l’histoire d’un très bon élève qui a finalement rattrapé son maître. Tout commence en 1919 lorsque Masataka Taketsuru, futur fondateur de la société Nikka, s’envole vers l’Ecosse avec un seul but : percer les secrets de fabrication du whisky. Il en reviendra trois ans plus tard riche de toutes les connaissances, et le moins qu’on puisse dire est qu’il aura bien retenu la leçon. C’est au nom du groupe Suntory qu’il ouvre dès 1923 la première distillerie de whisky à Yamazaki, au sud de Kyoto. Dix ans plus tard, il se lance en solo et crée sa propre unité de production à Yoïchi, sur l’île septentrionale d’hokkaido, qui bénéficie de conditions climatiques très proches de celles des highlands.

Le whisky japonais est né, qui plus est sous le signe de la passion. Sur le fond, rien ne le distingue alors véritablement du scotch, et pour cause : depuis le maltage à la tourbe jusqu’au vieillissement, les distillateurs nippons se sont tout d’abord évertués à reproduire au plus près le mode d’emploi du modèle original. « On sait depuis longtemps combien les Japonais savent cultiver, voire sublimer l’art de la copie, commente Donald MacKenzie, Brand Ambassador de la société Dugas. Mais il faut admettre qu’au-delà du simple décalquage, ils ont su au fil des ans imposer leur propre style dans le paysage, avec à la clé une palette de produits aux arômes subtils, plus doux, plus ronds et donc plus accessibles en termes de goût. Le succès qu’ils rencontrent aujourd’hui est légitime. » De la part de cet Ecossais pur jus, une telle reconnaissance vaut son pesant de malt.

PLÉBISCITÉ PAR LES CONSOMMATEURS FRANCAIS. Le mot « succès » est en l’occurrence un euphémisme. Dopé par l’obtention de récompenses à répétition (Taketsuru, Yamazaki et d’autres grandes marques accumulent depuis 2002 les World Whisky Awards) et porté par une tendance favorable à toutes les composantes de la culture japonaise, le « made in Japan » est devenu ni plus ni moins le nouveau maillon fort du marché du whisky. Deuxième importateur derrière les Etats-Unis, la France est naturellement au cœur du mouvement : « L’effet médaille a définitivement sorti ces produits de la confidentialité, constate Didier Ghorbandazeh depuis le siège de La Maison du Whisky, distributeur exclusif du portefeuille Nikka depuis une douzaine d’années. A la curiosité initiale a succédé un réel engouement, y compris de la part des puristes, et il est a priori durable. La preuve : nos ventes 2013 ont fait un nouveau bond en avant de + 40 %, et 2014 s’annonce à peu près de même calibre. Les cavistes, eux, confirment : « Le bouche-à-oreille fonctionne à plein régime, constatait ainsi le patronde la Cave de Deauville (14) à l’heure du bilan des fêtes de fin d’année. Ces produits sont perçus comme un cadeau plus original qu’un scotch premium, ils se vendent quasiment tout seuls ! »

TRES BON DEDANS, TRES BEAU DEHORS… Le fait est qu’au-delà d’une dimension qualitative qui ne souffre plus aucune contestation, les marques de whisky japonais présentent bien d’autres atouts. Un positionnement 100 % premium : à l’inverse des grands concurrents écossais, irlandais ou nord- américains, la notion d’entrée de gamme n’existe pas, le premier prix se situant tout juste d’une marque à l’autre sous la barre des 30 €. Une approche design résolument distinctive et tout en raffinement, tant au niveau des flacons que de leur habillage. Le tout proposé le plus généralement dans un format 50 cl jusqu’alors atypique – les grands noms du scotch sont en train d’y venir à leur tour… –, qui affirme l’idée d’une personnalité originale au sein de cet univers. Une largeur de gamme qui couvre tous les segments de marché, du simple blend aux single malts les plus âgés. On comprend dès lors mieux pourquoi le phénomène « whisky japonais » fait aujourd’hui tant parler, et surtout tant vendre ! Les circuits spécialisés ont pour l’instant raflé la mise (les 3/4 du business passent par les cavistes), mais compte tenu des spécificités du marché (une clientèle à fort pouvoir d’achat, un goût pour la différenciation…), l’épicerie fine fait aussi partie de ceux qui pourraient donner demain encore plus d’ampleur audit phénomène. Une belle carte à jouer, de toute évidence.

Guy Leray

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