Propriétaire de la Tour d’Argent mais également de La Rôtisserie d’Argent, de La boulangerie de la Tour et du Comptoir (épicerie fine), André Terrail nous livre son analyse sur le déconfinement et le monde de la restauration.
LMEF – Comment avez-vous reçu le discours du Premier Ministre du 28 mai ?
ANDRE TERRAIL -Globalement, de façon plutôt positive. Si d’une façon générale je considère que ce n’est pas à nous restaurateurs de juger la façon dont le gouvernement gouverne – il faut laisser cette action aux organisations syndicales- j’ai le sentiment qu’il accompagne le déconfinement comme il se doit. Le protocole sanitaire me parait tout à fait de bon sens, après on a le droit d’être optimiste et de regarder vers l’avenir en se disant que tout cela ne sera bientôt qu’un mauvais souvenir. Néanmoins, nous serons prêts le moment venu pour accueillir nos clients et remettre les équipes en marche avec la sécurité maximale.
LMEF – Allez-vous rouvrir votre bistrot la Rôtisserie d’Argent ?
A.T – Oui, dès que possible. C’est un bistrot qui est cher aux habitants du quartier et qui, je suis très confiant, fonctionnera bien rapidement. Ce qui ne nous empêchera pas de continuer avec les livraisons via notre site larotisserie.com. La vente de plats à emporter représente aujourd’hui près de 25% de notre chiffre d’affaires habituel et nous comptons conserver ce service qui sera très utile à la réouverture du restaurant puisque nous n’aurons pas pendant un certain temps les mêmes capacités d’accueil. C’est un nouveau canal de distribution qui n’est pas négligeable : on livre dans tout Paris avec Stuart qui est une solution de distribution française et indépendante.
« Notre boulangerie accueille aujourd’hui plus de 450 clients par jour »
LMEF – Qu’avez-vous décidé ce qui concerne La Tour d’Argent ?
A.T – Je pense que nous ouvrirons plutôt en septembre. Néanmoins, nous sommes très attentifs à l’évolution de la situation et on est tout à fait capables de rouvrir beaucoup plus vite si on sent que c’est possible, cohérent et que la clientèle est là. Il est certain qu’aujourd’hui la clientèle internationale représente environ 50% de notre CA : il faut le prendre en compte.
LMEF – Votre boulangerie et le Comptoir de la Tour sont restés ouverts durant le confinement…
A.T – La boulangerie est en effet restée ouverte et le ticket moyen n’a pas cessé d’augmenter pour dépasser 10 € ce qui, pour une boulangerie, est très élevé. Et notamment grâce à notre gamme d’épicerie fine – foie gras, confitures, épices- aux glaces, au vin, au Champagne. Si on analyse la situation avec un peu de recul je me demande si les gens n’ont pas essayé de limiter les sorties dans les magasins en décidant d’acheter le maximum de choses dans un même endroit. Et puis on peut aussi voir ça comme une marque de confiance envers la qualité de nos produits, pas simplement de la boulangerie qui s’est installée comme une des meilleures boulangeries de la capitale : nous avons près de 450 clients par jour.
« La théâtralisation est une des nouvelles valeurs à prendre en compte »
LMEF – Peut-on évoquer avec vous les mesures économiques qui accompagnent la profession ?
A.T – Bien-sûr et globalement. Nous sommes l’aube d’une crise et il y aura un temps des retrouvailles entre le client et les restaurants. On a la chance en France d’être soutenu par le gouvernement, ce qui n’est pas le cas de partout ailleurs, et il faut que l’on en ait conscience, même si pour nous comme pour les autres ce sera une année très difficile.
LMEF – Faut-il s’attendre à de grandes transformations dans notre façon de consommer ?
A.T – Je pense que nous allons assister à une accélération des révolutions qui sont déjà en cours. Le local, le gaspillage alimentaire qui est un vrai sujet, l’impact CO2, la réduction des emballages et la théâtralisation sont quelques-unes des nouvelles valeurs qu’il va falloir prendre en compte. Je crois beaucoup à la théâtralisation en ce qui concerne les restaurants. C’est ce qui nous différencie de la cuisine à la maison. C’est particulièrement vrai à La Tour où chaque service est un spectacle assuré par l’équipe en cuisine avec le dressage des assiettes mais encore plus ou tout autant par les maîtres d’hôtel et le sommelier, qu’il s’agisse de découpage, de flambage, de décantage … ce sont autant de savoir-faire et de talents qui permettent d’engager une relation essentielle avec chaque client.
Propos receuillis par Bruno Lecoq
Notre site :
www.tourdargent.com