Moins d’un an et demi après sa reprise par Carrefour, le réseau Bio c’Bon a été rénové, son parc stabilisé et l’assortiment redéfini. Le management et les achats de l’enseigne ont été regroupés chez So.bio. L’enseigne de moyennes surfaces spécialisées du groupe est locomotive de l’expansion d’un « pôle Bio spécialiste » en ordre de marche.
Le 10 septembre dernier, l’Autorité de la Concurrence a donné son feu vert définitif au rachat de la centaine de magasins Bio c’Bon français par le groupe Carrefour. Certes, on n’imaginait pas d’autre épilogue à procédure de liquidation judiciaire de Bio c’Bon, ayant déjà accordé, un an plus tôt, une dérogation permettant la réalisation immédiate du plan de cession… Mais la décision finale apporte un élément nouveau : l’analyse du gendarme de la concurrence a conclu que le marché et le commerce bio spécialisés sont spécifiques, en termes de filières d’approvisionnement et de prix. La décision conforte donc le groupe Carrefour dans son choix de constituer un pôle d’enseignes spécialisées distinct des rayons bio de ses magasins généralistes en termes d’offre et de gestion.
Rattraper Naturalia ?
Ce pôle est constitué des magasins proximité Bio c’Bon (3 000 à 5 000 références sur 150 à 250 m2 en centre-ville), de la chaîne de moyennes surfaces (12 000 à 15 000 références sur 350 à 500 m2, majoritairement en périphérie) So.Bio, acquise mi-2018. Troisième pilier, le site internet Greenweez acheté par Carrefour en 2016, reste géré de manière autonome (lire encadré). En revanche, le management de Bio c’Bon a été fusionné avec celui de So.bio au siège de ce dernier situé à Canejan, près de Bordeaux. L’enseigne Carrefour Bio, créée en 2013, a disparu, enterrant le projet intitial de placer la marque propre des magasins « conventionnels » et les points de vente dédiés au bio sous la même bannière.
La stratégie « Bio spécialiste » du groupe Carrefour présente des similitudes avec celle suivie par le Groupe Casino. Sa filiale Naturalia (détenue par Casino via Monoprix) est dotée d’une implantation urbaine et parisienne comme l’est celle de Bio c’Bon. Naturalia développe également un format périurbain (donc concurrent de So.bio), Naturalia Marché Bio. Et Casino est comme Carrefour un distributeur multiformat très actif dans le commerce de proximité et la franchise. Naturalia est la troisième enseigne spécialisée bio en France en termes de chiffres d’affaires (395 millions d’euros en 2020). Même si Carrefour se garde de le revendiquer publiquement, ce rang de numéro trois est le minimum que puisse briguer le pôle bio spécialiste de Carrefour ! À ceci près que Naturalia bénéficie d’une image plutôt forte et homogène, tandis que le pôle bio spécialisé de Carrefour reste par la force des choses en construction…
Stabiliser Bio c’Bon
L’évolution respective des parcs des magasins So.bio et Bio c’Bon est un bon indicateur de l’état d’avancement du chantier. La même équipe gère le développement et la prospection des deux enseignes. Mais pour Bio c’Bon, les priorités de cette première année d’intégration étaient ailleurs. « En un laps de temps très court, nous avons rénové 100 % des points de vente et pérennisé plus de 1 000 emplois, rappelle Benoît Soury. Nous avons aussi été contraints de modifier l’ensemble des outils informatiques et logistiques qui appartenaient à la structure holding précédente. Et nous avons revu le programme de fidélité ». Bio c’Bon est passé d’un système à points adopté à 80 % par les clients mais que peu d’entre eux avaient activé à une carte avec remise immédiate de 3 % sur les achats. Il a permis de renouveler d’un quart le fichier des clients encartés.
Ces tâches accomplies, la reprise des ouvertures reprend à petite vitesse avec pour premier objectif de stabiliser le parc. Pour valider définitivement la reprise de Bio c’Bon, l’Autorité de la Concurrence a en effet obligé le groupe à s’engager à céder 8 magasins Bio c’Bon ou Carrefour dans dix quartiers où il y a un risque de position dominante. Comme par exemple rue de Paradis à Paris, où voisinent un Bio c’Bon, un So.Bio et un Carrefour City… Les autres sites concernés se situent rues de Cléry, de Bourgogne, Lecourbe et du Poteau à Paris, dans la petite couronne (Levallois-Perret à Puteaux), à Toulouse (rues des Frères Lion, Paul Vidal et Rémusat) et à Nancy. Par ailleurs, « nous continuons à rationaliser le réseau en propre et poursuivons le développement en franchise, précise Benoît Soury. Bio c’Bon compte quatre franchisés, la dernière ouverture a eu lieu à Bordeaux fin octobre 2021. Notre objectif est de maintenir un parc d’une centaine de Bio c’Bon en 2022. »
Pendant ce temps-là, So.bio a très clairement passé la surmultipliée. L’enseigne ne comptait que huit magasins dans le Sud-Ouest lors de son rachat par Carrefour il y a trois ans. On en dénombrait 62 au 31 décembre dernier. Pour 2022, So.bio prévoit « une trentaine d’ouvertures pour s’approcher de 90 magasins », explique Benoit Soury. « Magasins intégrés, franchise avec des partenaires régionaux, acquisition, adhésion magasins indépendants à la centrale, nous nous appuierons sur ces quatre sources » pour poursuivre le développement de So.Bio, précise-t-il. Une panoplie où la franchise joue cependant un rôle central. L’enseigne recrute notamment dans le vivier des franchisés du groupe Carrefour, dont fait par exemple partie le multifranchisé Market Yannick Ardouin, qui a ouvert un So.Bio à Istres. Elle a aussi séduit aussi des associés du groupement coopératif Système U comme Marc Prou, à Agde. Il est vrai qu’à la différence d’Intermarché, qui a pris une participation minoritaire dans Les Comptoirs de La Bio, la centrale des magasins U n’a pas pour stratégie d’investir dans les enseignes spécialisées.
Cinq acheteurs en régions
Côté assortiment, les achats de Bio c’Bon ont été pris en charge par la centrale de So.bio. « Sur le plan commercial, nous sommes en ordre de marche depuis la rentrée 2021 », explique Benoit Soury. « Nous nous sommes un peu cherché au début car l’expérience de So.bio est celle d’une enseigne de périphérie, alors que Bio c’Bon est en centre-ville, ne cache pas le dirigeant. La quote-part des produits de grignotage a été augmentée, les conditionnements ont été adaptés aux besoins d’une clientèle de proximité. » La part des produits locaux se renforce également, à l’image de ce qui a été amorcé chez So.bio. La chaîne de moyennes surfaces « continue de déployer une offre la plus régionalisée et localisée possible. L’offre de fruits et légumes bio régionaux a été développée en complément des rayons boucherie, charcuterie et fromage à la coupe qui sont un marqueur de So.Bio. Nous avons fortement accéléré depuis quelques mois les approvisionnements auprès des fournisseurs situés dans un rayon de 100 kilomètres autour du point de vente. Une équipe de cinq personnes établies en région est sur le terrain pour gérer ces achats. » Globalement, 11 à 12 % de l’offre des magasins spécialisés peut être considérée comme locale ou régionale.
L’offre des magasins bio du groupe reste résolument distincte de celle de ses points de vente « conventionnels ». Benoit Soury l’a rappelé lors d’une conférence l’a rappelé au dernier salon Natexpo : « il y a une dichotomie entre les deux canaux de distribution, ce ne sont pas les mêmes acheteurs ni les mêmes flux logistiques. » Les marques référencées par So.bio et Bio c’bon sont dédiées aux réseaux bio. De même, nous précisé le Monsieur Bio de Carrefour, « les filières bio contractualisées par Carrefour Bio ne sont pas les mêmes et nous n’avons pas pour projet de les faire converger » avec celles mises en place du réseau spécialisé.
Une différenciation des réseaux bio plus que jamais nécessaire au vu de l’évolution du marché. Le boom des ventes que les réseaux spécialisés ont connu pendant le confinement appartient au passé. La concurrence des labels volontaires et des produits locaux fait de l’ombre à la certification Agriculture biologique. « Le bio traverse une crise d’étape, analyse en effet Benoit Soury. Le marché était naturellement porteur, il va désormais falloir aller chercher la croissance. Cela passe d’une part par la qualité et l’originalité des produits et la création d’offres spécifiques, en particulier sur le bio local et, d’autre part, par une tarification basée sur des marges raisonnables dans l’actuel contexte de hausse des matières premières. » Le groupe réaliserait quelque 6 % de son chiffre d’affaires en bio, soit quelque 3 milliards pour la France l’an dernier. Dans le cadre de son programme de transition alimentaire Act for Food, Carrefour a annoncé l’objectif d’atteindre un chiffre d’affaires bio de 4,8 milliards d’euros cette année. Le développement des magasins bio spécialisé s’inscrit dans ce projet.