Ministre déléguée auprès du ministre de l'Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique, chargée des Entreprises, du Tourisme et de la Consommation depuis juillet 2022, Olivia Grégoire joue un rôle majeur dans le gouvernement de Gabriel Attal. Le Monde de l’Épicerie Fine l’a interrogée sur les dossiers intéressants aussi bien les commerçants de proximité que les PME. Ils sont nombreux à faire l’actualité…
LMEF – Vous venez de lancer un programme d’accompagnement à l’international pour la Haute Gastronomie Française. Ce programme concerne-t-il les producteurs de produits gourmets et que faut-il en attendre ?
Olivia Grégoire – Le 22 mars dernier, j’ai lancé en effet avec le ministre Franck Riester et Business France, un programme dédié à l’accompagnement des chefs qui souhaitent se développer à l’international. Il existait déjà un accompagnement de longue date des entreprises de l’agroalimentaire, mais rien n’existait jusqu’à présent pour soutenir les chefs qui souhaitent aller à l’export alors que leurs besoins sont très spécifiques. C’est donc un programme sur-mesure pour nos chefs et artisans et que nous allons mettre en œuvre avec une première promotion d’une dizaine de chefs en 2024. Enfin, il y a bien sûr à l’origine de ce programme, une ambition économique pour offrir de nouveaux leviers de développement aux chefs et une volonté de faire rayonner notre gastronomie. J’espère donc voir fleurir sur les marchés identifiés, de nouveaux restaurants qui renforceront l’influence de la gastronomie française, et par extension celle de la France.
LMEF – Comment le gouvernement accompagne le commerce de proximité ?
O.G – Le commerce de proximité, on y achète des produits du quotidien, mais c’est aussi un lieu de rencontres et de lien social. Pour ces deux raisons, l’État doit le soutenir. Le commerce de proximité a d’abord fait l’objet d’un engagement massif du gouvernement depuis 2017 avec le programme Action Cœur de Ville qui a consacré cinq milliards d’euros à la rénovation et à l’amélioration des centres-villes, y compris sur le plan du dynamisme commercial, avec des mesures variées allant du soutien immobilier aux locaux commerciaux jusqu’au financement de Managers de centre-ville. Je pense aussi au programme Petites Villes de Demain. Par ailleurs, un programme ambitieux de restructuration des locaux commerciaux a été mis en place avec une enveloppe totale de 75 millions d’euros pour soutenir le rachat de locaux en centre-ville, financer leur transformation complète et les louer à loyers modérés à des commerçants. Au-delà de ces interventions, le gouvernement a pris de nombreuses mesures pour atténuer les chocs : plus de dix milliards d’euros d’aides lors du Covid, ou encore le plafonnement des hausses de loyers commerciaux ; d’abord avec une réforme de l’indice des loyers commerciaux qui a permis de diviser la hausse par deux, puis avec un plafonnement de ce même indice à 3,5 % pour les TPE-PME qui a permis là encore, de juguler la hausse qui aurait été autrement, de près de 7 % par an en 2022 et 2023. J’ai aussi lancé il y a maintenant un an, le programme de Reconquête du Commerce rural pour permettre de recréer du commerce de proximité dans des villages qui en sont essentiellement dépourvus. En un an, ce sont déjà 224 projets de commerce, notamment multiservices, qui ont été soutenus au bénéfice d’au moins 151 000 Français, et d’ores et déjà plus d’une trentaine d’entre eux qui ont ouvert leurs portes.
“L’objectif serait de regarder tous les leviers pour rendre les centres-villes plus attractifs…”
LMEF – Le gouvernement peut-il vraiment faire quelque chose pour la redynamisation des centres-villes ?
O.G – On mesure que – parfois à quelques dizaines de kilomètres de distance – certains centres-villes sont vivants et dynamiques quand d’autres sont devenus fantomatiques. La différence vient aussi des efforts déployés par les élus locaux. De la même manière qu’il y a une politique nationale du commerce avec Action Cœur de Ville, le programme de Reconquête du Commerce rural, le plan de transformation des zones commerciales, il y a des politiques locales qui dépendent d’abord, voire exclusivement, des élus locaux. Là, l’État peut s’inscrire dans une démarche partenariale pour bâtir un cadre propice au développement du commerce de proximité, avec l’idée d’un pacte que je souhaite construire avec eux d’ici l’été. L’objectif serait de regarder tous les leviers pour rendre les centres-villes plus attractifs, notamment en matière d’animation, d’accessibilité et de prix du stationnement. Nous organiserons, à Bercy en juin, une grande réunion du Conseil National du Commerce, pour travailler à ces pistes.
LMEF – Que faites-vous pour les artisans de l’agroalimentaire de qualité sur le marché intérieur et le marché extérieur ?
O.G – La France est sûrement le premier pays dans le monde qui a su valoriser la qualité de ses artisans du secteur agroalimentaires. Les signes d’identification de la qualité et de l’origine sont beaucoup plus développés qu’ailleurs : ils garantissent notre savoir-faire artisanal. Les Français y sont attachés car ils savent d’où le produit vient, mais aussi comment il a été fait. Ce savoir-faire alimentaire est un atout pour l’exportation : la marque “France”, nos appellations, sont connues du monde entier. Nous sommes fiers de nos artisans de l’agroalimentaire que nous accompagnons ou que nous défendons chaque fois que cela est nécessaire. Nous encourageons également tous les acteurs du secteur à envisager de se projeter à l’export. Des outils de soutien publics sont proposés, comme des garanties ou des possibilités d’assurances export adaptées. Le plan Osez l’Export, l’action de la Team France Export ou les Accélérateurs Agroalimentaires de BPI France sont également des leviers à activer pour toutes ces entreprises.
LMEF – Quelle est votre approche personnelle de l’épicerie fine ?
O.G – Le commerce de proximité, c’est le cœur battant de nos rues et de nos communes. Les Français aiment le commerce de proximité et la pandémie nous a rappelé, ô combien, en plus de les aimer, ils étaient essentiels. Moi-même, tous les week-ends en famille, nous avons l’habitude de faire nos courses chez le boucher ou l’épicerie du coin. Et contrairement à ce que certains peuvent penser, faire ses courses chez les commerçants de proximité ne revient pas forcément plus cher qu’en grande surface.
LMEF – Quel est votre message à l’attention des épiciers fins qui, comme tous les commerçants (peut-être un peu moins), doivent faire face à l’inflation…
O.G – Je souhaiterais avoir un message d’optimisme à leur attention car les deux dernières années que nous avons vécues se sont traduites par des hausses de prix inédites pour toute une génération. Je tiens déjà à saluer les initiatives de nos commerçants de proximité, à ce moment-là, pour proposer des offres visant à atténuer les hausses de prix, comme nous l’avons fait avec le trimestre, devenu semestre, anti-inflation. L’inflation alimentaire générale est revenue à un niveau plus constant depuis ce mois de mars. Il n’empêche que les prix des produits alimentaires restent à des niveaux beaucoup plus élevés qu’en 2022, qui conduisent les consommateurs à modifier leurs habitudes d’achat. Face à des prix qu’un épicier est contraint de répercuter, la qualité de service, la relation avec les clients et tout ce qui permet d’offrir plus qu’un prix, sont des atouts dans lesquels je crois qu’il faut investir. L’humain, pour tout commerçant et pour tout épicier, n’a pas de prix.
Propos recueillis par Bruno Lecoq