le parti pris du terroir et qualité
Café-comté ? Ces deux produits tissent le quotidien des Français ; ils jouent la carte du terroir, il est question de paysages, de savoir-faire, de goûts, d’arômes, de qualité et donc de plaisir. Chacun d’entre eux invite au voyage, et leurs points communs sont bien plus nombreux qu’il n’y paraît.
Si pour les Francs-Comtois le sujet n’est pas nouveau, l’idée d’accorder le comté au café surprend encore les amateurs. Pourtant, pour certains chefs comme Romuald Fassenet(1) ou Emmanuel Perrodin c’est une évidence, et pour ceux qui y goûtent, l’accord café-comté convainc dès la première bouchée… Pourvu qu’on ait bien choisi lesquels de ces deux produits marier. Des accords tantôt gourmands tantôt subtils avec des cafés qui parfois se combinent et parfois les subliment, en voici quelques-uns !
Des produits vecteurs de développement régional
Premier fromage d’appellation d’origine protégée de France, le comté compte 1,6 million de meules. Pour les trois départements de l’AOP (Jura, Doubs, Ain), c’est un véritable vecteur de développement régional. Artisan de ce succès, le Comité Interprofessionnel de Gestion du Comté – CIGC – regroupe l’ensemble des acteurs de la filière ; il porte depuis 1963 des choix exigeants dans l’air du temps. Il a modernisé la filière en conservant une production extensive : une alimentation à l’herbe, en pâturage à la belle saison ou au foin local en hiver, maintenir deux traites par jour, et répartir la valeur générée sur la saison du producteur à l’affineur. Des choix payants puisque c’est aujourd’hui l’un des laits les mieux rémunérés en France ! Côté café, il faut aller au Costa Rica pour trouver des modes d’organisation et de répartition de la valeur similaires ; un savant système géré par l’État permet de protéger les producteurs, de leur transférer une partie des gains réalisés sur les volumes à l’export. Le café y est un moyen d’aménager le territoire et le paysage et d’augmenter le niveau de vie : c’est le pays le plus développé d’Amérique centrale. Il fait figure d’exception dans la répartition de la valeur du café qui reste un véritable enjeu, à l’exception des cafés de spécialité.
Le comté : révélateur de qualité !
Chaque meule de comté révèle un profil aromatique unique selon sa microrégion d’origine, sa saison de production, le tour de main du maître fromager et la cave où il a été affiné. Si le comté est gage de qualité, il n’en est pas toujours de même pour les cafés. Or le comté est exigeant, il ne tolère ni les défauts ni les excès. Il lui faudra donc pour s’accorder, des cafés de spécialité(2) cueillis à maturité, torréfiés à coeur sans quinte de caractère. Le comté aime que le terroir s’exprime avec authenticité : ni trop cuit, ni trop vert ! Pour un accord réussi, on choisira des comtés de 8 à 15 mois.
La Chemex : le choix de l’élégance et du partage
Les méthodes douces permettent d’obtenir une boisson dont les caractéristiques gustatives s’accordent avec le comté sans le masquer. Élégante et robuste, la Chemex est idéale pour préparer et servir immédiatement un café filtre. Créée en 1941(3), elle séduit toujours par l’épure de sa forme : un sablier en verre ceinturé d’une poignée de bois. Son filtre papier épais permet d’extraire un café limpide, rond et sucré exprimant toute la palette aromatique du café de spécialité choisi. Et si grand-mère fait un bon café, c’est qu’elle rince le filtre et qu’elle moud minute à la mouture adaptée !
Les accords garantis : un café doux
Un comté d’hiver, à pâte ivoire, dévoile un nez lactique doux, à la cassure des notes de beurre fondu et biscuitées. La texture en bouche est ferme, puis fondante. L’acidité à peine marquée est couplée à de la sucrosité. Des arômes lactiques doux se développent : beurre fondu, caramel, une pointe de vanille. Ce comté s’accorde avec gourmandise avec des cafés doux lavés comme les cafés de la Vallée d’Araku en Inde. La douceur caractéristique de ces cafés est amplifiée avec une pointe d’acidité, l’ensemble est un bonbon lacté avec des notes de noisettes torréfiées. À tenter aussi avec d’élégants cafés de Colombie.
Les accords plus osés :les cafés éthiopiens
Ce comté de belle saison, à pâte jaune, développe un premier nez brioché, un peu torréfié, à la cassure des notes de fruits à graines. La pâte est souple, moelleuse. C’est un fromage équilibré, les saveurs salées et acides se piquent d’une très douce amertume. Les arômes sont fruités, légèrement torréfiés avec une pointe d’épices. Un tel comté est sublime avec des cafés naturels d’Éthiopie, les notes de fruits rouges du café sont renforcées, la douceur et la gourmandise s’expriment avec subtilité et élégance. À tenter avec des lavés aussi. Le nez sur la tasse fumante, savourant un harmonieux accord, vous pourrez vous perdre à rêver à ces hommes qui incarnent une utopie bien ancrée dans la réalité de notre histoire moderne !
Morgane Daeschner
& Claire Perrot