Alan Geaam ouvre son restaurant rapide , good food , shawarma et face de sont restaurant le Qasti dans le marais.

Alan Geaam

Alan Geaam est un peu plus que le symbole d’une intégration réussie. Très médiatisé, son parcours singulier fait partie de ces success-stories qui démontrent qu’il faut croire en ses rêves et qu’il est toujours possible de les réaliser. Rencontre avec un chef entrepreneur qui n’oublie pas d’où il vient et qui n’a certainement pas fini de faire parler de lui.

Le Monde de l’Épicerie Fine – Vous êtes arrivé en France en 1999 avec un visa touristique en poche et sans un sou. Quel avait été votre parcours avant de faire ce grand pas ?​

Alan Geaam – J’ai vécu une vingtaine d’années de guerre civile dans un pays déchiré. J’étais jeune, j’avais beaucoup de rêves en tête et pas beaucoup d’espoir de les réaliser chez moi. À dix ans, je savais déjà que je voulais devenir cuisinier et comme j’avais pu découvrir la gastronomie française à travers des émissions télévisées comme celle de Joël Robuchon, je m’étais dit qu’un jour j’apprendrais moi aussi à faire une baguette, des macarons et du foie gras. J’étais réellement fasciné par la cuisine artistique qui tranchait par son raffinement avec le quotidien des Libanais. Quand je suis arrivé à Paris, je ne connaissais personne, je ne parlais pas français, j’avais 23 ans et mon sac à dos était vide. Après cinq jours dans la rue, j’ai décroché un premier boulot dans le bâtiment et très vite, comme une deuxième activité, un poste de plongeur dans un restaurant libanais.

LMEF – Assez rapidement, la chance vous fait signe et vous la saisissez…

A.G – Un jour le chef s’est absenté et je me suis proposé pour le remplacer. C’était mon premier service : mon patron a flashé sur moi et il m’a proposé fin 2019 de devenir le cuisinier de son restaurant. Il m’a également aidé à avoir une carte de séjour en 2000. Comme je n’avais qu’une idée en tête – progresser – j’ai quitté par la suite cette place de chef libanais pour un poste de commis dans un restaurant français qui s’appelait Le Totem, place du Trocadéro. C’est là que j’ai commencé à apprendre la cuisine française en gravissant les échelons au fur et à mesure ; j’ai appris toutes les bases et de commis, je suis devenu chef de partie et puis chef.

LMEF – Sept ans plus tard, vous achetez votre première affaire…​

A.G – Comme j’ai toujours eu deux activités en même temps, j’ai pu faire des économies. En 2007 j’ai acheté L’Auberge Nicolas Flamel qui était un peu abandonnée et qui était connue comme la plus vieille auberge de Paris. J’ai acheté des livres de cuisine et j’ai progressé. Je n’avais pas tellement confiance en moi, pas de CAP et pas d’expérience chez les grands chefs, je me suis donc caché derrière des produits qui marchent et les plats que l’on sert partout : le foie gras ou la blanquette. En 2017, quand j’ai ouvert mon restaurant Alan Geaam rue Lauriston, c’était différent : j’avais trouvé mon propre style de cuisine française – qui est ma cuisine de cœur – avec des influences libanaises un peu revisitées.

LMEF – Comment accueillez-vous votre première étoile en 2018 ?​

A.G – Je pensais que ce type de distinction était réservé aux élèves des grands chefs français et je ne m’y attendais vraiment pas. Cela a été quelque chose d’extraordinaire : une grande fierté pour moi, pour ma mère à qui je dois ce goût de faire plaisir aux autres, et pour mon pays bien sûr. Je suis le seul chef libanais étoilé.

LMEF – Parlez-nous de votre cuisine.

A.G – Ma cuisine, c’est un voyage. On ne mange pas mais on se promène entre Paris et Beyrouth. C’est une cuisine française avec des influences libanaises,
je raconte mon histoire à travers des recettes. Il n’y a pas de carte, mais cinq ou sept plats qui revisitent les recettes de mon enfance et celles que j’ai découvertes en route.

LMEF – À côté de votre table étoilée, on trouve deux concepts : le Saj et le Qasti, deux adresses situées dans le 3e arrondissement de Paris.

A.G – Effectivement, j’ai ouvert après le bistrot Qasti
(mon histoire en libanais), où l’on sert les mezzés et les plats traditionnels libanais et un espace de street food, le Saj, construit autour de la galette libanaise. J’ai également conservé mon restaurant Nicolas Flamel mais je n’y suis plus le chef, c’est Grégory Garimbay qui a complètement rénové cette adresse avec beaucoup de talent.

LMEF – Vous avez également annoncé l’ouverture d’une épicerie fine.​

A.G – Elle s’appellera Le Doukane et son ouverture est prévue en mars. Elle sera également rue Saint-Martin. Sur 30 mètres carrés, on y trouvera les meilleurs produits artisanaux du Liban ainsi qu’une sélection de vins. C’est un projet que j’ai mené
avec mon meilleur ami Anthony Rahayel qui a un parcours très original puisqu’il a fermé son cabinet dentaire pour se consacrer à sa passion pour les
bons produits artisanaux libanais et la chronique gastronomique. Il anime un blog qui est très suivi : www.nogarlicnoonions.com. C’est un remarquable dénicheur de pépites et nous avons fait le sourcing ensemble, une mission passionnante bien que compliquée actuellement. Je serai avec lui à Beyrouth la semaine prochaine pour en parler et sans doute faire des produits à notre marque.

LMEF – Comment expliquez-vous le succès de la cuisine libanaise à travers le monde ?​

A.G – Parce que c’est une cuisine de partage, méditerranéenne et qu’elle comporte beaucoup de plats végétariens. Mais il y a plus de restaurants levantins que réellement libanais ; ils ont été ouverts par des Syriens, des Palestiniens ou des Jordaniens qui se cachent derrière le drapeau libanais parce que c’est vendeur.

LMEF – À quand un livre pour raconter votre histoire ?​

A.G – Il sortira en octobre 2022 chez Hachette. Cela traitera de la guerre civile libanaise à l’étoile. Avec pour chaque moment fort de ma vie, des recettes et leur évolution. On aura par exemple le taboulé traditionnel et celui que je propose aujourd’hui, complètement revisité dans mon restaurant étoilé. C’est important pour moi et je sais que cela fera du bien à de nombreuses personnes au Liban : je reçois beaucoup de messages de gens qui me disent que je leur apporte un peu de rêve. Et c’est vrai que j’ai beaucoup de chance, je la dois à la France qui m’a permis de me réaliser.

Propos recueillis par Bruno Lecoq

Partager sur :

Facebook
Twitter
LinkedIn

Abonnement Newsletter

« * » indique les champs nécessaires

Ce champ n’est utilisé qu’à des fins de validation et devrait rester inchangé.