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Comment réduire l’impact carbone du e-commerce

La crise sanitaire et le confinement ont à la fois accru l’appétence des Français pour le bio et poussé ces derniers dans les bras du e-commerce. Face à cet engouement, la plupart des enseignes spécialisées ont multiplié les modes de livraison. Tout en cherchant à réduire l’impact carbone de leurs ventes en ligne. Tour d’horizon des solutions mises en œuvre.

Selon une enquête réalisée en mai pour Natexbio et Synadis Bio, les magasins spécialisés ont recruté 22 % de nouveaux clients pendant le confinement. Pour faire face à la demande, alors que la fréquentation des magasins était contrainte par les nouvelles règles de distanciation, la plupart ont créé et accéléré leurs programmes d’e-commerce. Livraison à domicile, drive, click and collect : Natexbio indique que 31 % des magasins bio ont proposé un nouveau service de vente à distance pendant le confinement. Des initiatives qui pour la plupart sont appelées à perdurer et ont un impact environnemental. Comment limiter son empreinte carbone quand on livre ses clients à domicile ? À moins de renier leurs engagements, les magasins bio ne pouvaient éluder la question. Ils y ont répondu, à différents niveaux en fonction de leurs contraintes et de leurs spécificités.

Qui dit livraison à domicile, dit moyen de transport. L’un des principaux chantiers vise donc à trouver les moyens d’en limiter les émissions et les consommations de ressources. “Les enseignes pratiquant le e-commerce se focalisent actuellement sur la livraison et le dernier kilomètre parce que c’est l’aspect le plus évident et le plus impactant à maîtriser”, indique Marc Jacouton, fondateur de RSE Développement, spécialiste du marketing responsable et de l’économie circulaire.

Du vélo au collaboratif, les alternatives pour la livraison

Quelques puristes misent sur l’énergie… musculaire. “Pendant le confinement, j’ai contacté l’association Toutenvélo qui a livré les clients du magasin de Caen dans un rayon de deux kilomètres en vélo cargo après une commande par mail”, raconte Marc Verron, le très dynamique adhérent Biocoop de Caen et Vire (Calvados). Après 600 commandes en deux mois, il est même passé à une “phase 2” depuis le 15 juillet dernier : le drive piéton. “Les clients viennent faire leurs courses en magasin et sont livrés dans un créneau de deux heures entre 17 et 19 h. L’objectif est d’avoir le plaisir sans la contrainte.” Astucieuse et efficace en milieu urbain, l’option vélo n’est toutefois pas applicable partout.
NaturéO a pour sa part envisagé la possibilité de livrer en véhicule électrique pour finalement lui préférer une solution encore plus innovante. “Notre réflexion pour diminuer l’impact environnemental n’a pas retenu de mode de transport électrique ou autre car nos cinquante implantations sont dans des zones périurbaines, poursuit Yoann Haziza. La meilleure solution était la livraison collaborative de colis entre particuliers.” Le service est déployé dans le magasin de Chanteloup-en-Brie (Seine-et-Marne) avec la start-up Shopopop. Concrètement, un consommateur fait son achat en ligne sur le site du magasin et un autre client les récupère et le livre à l’heure de son choix.

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Les Comptoirs de la Bio ont quant à eux, préféré la compensation carbone. “Nous demandons à nos partenaires de s’inscrire dans une démarche d’analyse de leur empreinte carbone comme nous le faisons pour nous-mêmes, explique Christophe Choquet, directeur communication enseigne. Pour l’e-commerce, notre logisticien de livraisons à domicile, Chronofresh, s’engage à être neutre en carbone et à compenser 100 % des émissions liées aux livraisons à domicile.” À chacun de trouver l’équilibre entre son modèle économique et la promesse de livraison rapide. “Nous avons exclu de proposer des produits frais car l’impact carbone y est plus important que dans le sec avec le maintien des températures, souligne Lucas Lefebvre, cofondateur du site par abonnement La Fourche. Cela ne fait pas de sens de faire voyager des produits frais qui peuvent être achetés localement.”

Réduire les emballages perdus

Une autre question clé est celle des emballages de transport. “Outre le choix d’un mode de livraison et d’approvisionnement le plus écologique possible, nous nous sommes engagés à limiter le suremballage, commente Romain Roy, fondateur et directeur général du site Greenweez. Nous accordons une attention particulière à la préparation des produits dans les cartons, en préférant le papier kraft au plastique par exemple.” Vrac’n Roll, boutique en ligne lyonnaise de produits en vrac créée par Sarah Benosman en 2016 et spécialisée dans le vrac, est pour sa part allée jusqu’au bout de sa logique zéro déchet en misant sur des contenants réutilisables en… plastique. Ces derniers sont en effet bien plus résistants et légers, donc plus adaptés au transport que les bocaux en verre. “Après avoir réalisé des évaluations environnementales soutenues par l’Ademe, et validé l’intérêt environnemental d’envoyer nos produits dans tout l’Hexagone, nous avons créé un colis consigné dont l’intégralité des composants sont réutilisables, explique Sarah Benosman. Le client renvoie ses contenants vides dans le colis consigné dans le point relais de son choix et en profite souvent pour retirer sa nouvelle commande.” Depuis l’an dernier, la livraison est aussi possible dans les quelque 5 000 Relais Colis et 9 000 points de retrait du réseau Mondial Relay.

Vers un “score écologique” chez La Fourche

Depuis l’été 2019, La Fourche affiche un score carbone sur tout son catalogue alimentaire (1 200 références). Réalisé en partenariat avec Etiquettable, il se compose d’une échelle classant de A jusqu’à E tous les aliments consommés par les Français, des légumineuses (A+) jusqu’aux viandes rouges brutes (E). “Nous nous sommes basés sur les chiffres de l’Ademe et avons pris en compte toutes les étapes de production, de transformation, de stockage, de transport et d’emballage des produits, explique Lucas Lefebvre. La démarche que nous avons entreprise a pour objectifs de simplifier la compréhension de ces enjeux et de répondre au besoin de transparence des consommateurs citoyens.” Le site planche avec Etiquettable pour ajouter d’autres dimensions à ce score CO2 et le transformer en score écologique : déforestation, taux de recyclabilité des déchets, impact sur la biodiversité ou encore pollution des eaux…

Impliquer le consommateur

Un troisième niveau d’action pour réduire l’empreinte environnementale du e-commerce consiste à responsabiliser le consommateur. Depuis l’été 2019, le site par abonnement La Fourche affiche un score carbone sur tout son catalogue alimentaire (lire ci-dessus). Les Comptoirs de la Bio travaillent avec PayGreen, une solution de paiement en ligne qu’ils ont adoptée. “Le site présente au consommateur l’impact environnemental numérique de sa consommation quand il fait une commande en ligne, indique Etienne Beaugrand, cofondateur de l’établissement de paiement. Nous sommes en train de créer un ‘score climatique’ où nous pourrons proposer au client la capacité de choisir entre une livraison express et une plus lente en ayant les chiffres des dépenses carbone.”

L’effet accélérateur du confinement

Biocoop, qui avait lancé son service de click and collect en janvier (une cinquantaine de points de vente ouverts) a décidé d’accélérer son déploiement pendant le confinement.

Pour accompagner une augmentation du chiffre d’affaires de 40 % durant le confinement et des ventes en ligne multipliées par cinq, Naturalia a développé le click and collect, aujourd’hui disponible dans 20 % de ses points de vente, soit 40 sur 210. Durant sa conférence de presse début juin, Allon Zeitoun, son directeur général, a aussi annoncé que l’enseigne allait passer de 1 à 4 drives.
NaturéO a conçu une solution de click and collect à la mi-mars. “En l’espace de quinze jours, nous avons créé un site Internet pour chaque magasin intéressé, soit vingt points de vente, afin que les clients commandent en ligne dans leur point de vente ”, explique Yoann Haziza, adjoint au directeur général de l’enseigne. Lancée avec 750 produits, l’offre se décline aujourd’hui sur 4 500 références. À terme, elle est appelée à être généralisée à l’ensemble du réseau.
Chez Les Comptoirs de la Bio, le confinement a eu à l’inverse pour effet de reporter partiellement le lancement du site marchand, car “les circonstances n’auraient pas permis de lancer le projet dans de bonnes conditions”, explique Christophe Choquet, directeur de la communication enseigne du groupement. Qu’à cela ne tienne, dès la fin du confinement, l’enseigne lançait le click and collect sur 4 000 références, complété à la mi-juillet par la livraison à domicile dans toute la France en 24 heures pour tout commande passée avant 13 h.

Vrac n’Roll mène aussi une réflexion sur un outil “indiquant quand l’achat sur notre site est plus vertueux que d’aller en magasin, dévoile Sarah Benosman. Nous souhaitons présenter des simulations au cas par cas ; quand le client a passé sa commande, lui demander où il aimerait la récupérer, par quel mode de transport (vélo, voiture, piéton…) et quelle est l’alternative près de chez lui (comme un magasin spécialisé à 10 km en voiture) pour lui préciser quelle serait le mode de consommation avec le moins d’impact sur l’environnement.” Cet outil qui pourrait voir le jour au deuxième semestre 2021, est essentiel pour que Vrac’n Roll montre qu’acheter du vrac est facile sans être moralisateur… Slogan à venir ? “Mes courses bio, zéro déchet, zéro contrainte”.

PayGreen aimerait pousser encore plus loin l’engagement du consommateur. Les Comptoirs de la Bio, pourraient proposer à leurs clients, dans les prochains mois, l’arrondi solidaire ou la compensation de l’empreinte carbone d’une commande en ligne. Etienne Beaugrand imagine un texte à la fin du parcours client qui dirait, par exemple : “Votre achat émet 1 kilo de CO2, l’équivalent d’un téléviseur allumé pendant 24 heures. Pour neutraliser vos courses, vous pouvez verser 7 centimes au profit d’une action environnementale.” Une logique de microdon quasi-indolore pour le portefeuille du client, plutôt gratifiante pour lui et qui a déjà fait ses preuves dans le commerce physique non bio. Le risque pour une enseigne bio serait toutefois de donner le sentiment de se dédouaner à moindre frais en se reposant sur son client… À charge donc pour elle d’attester de ses propres engagements !

Jean-Bernard Gallois

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