Qu’elle soit fraîche, en brisures, conservée dans de l’huile, du sel ou encore du beurre, la truffe est de plus en plus présente dans nos assiettes. Ce diamant noir (ou blanc) a pourtant toujours existé, mais il revient sur le devant de la scène en s’imposant comme un produit gastronomique des plus tendance.
Son prix qui ne cesse d’augmenter ne dissuade pas les consommateurs d’utiliser abondamment la truffe dans leurs recettes… Le précieux champignon noir est en effet de plus en plus commercialisé sous diverses formes transformées. On trouve ainsi des huiles aromatisées, du sel, du fromage ou encore du beurre à la truffe. Résultat, non seulement l’appétence est de plus en plus forte pour ces produits truffés ou à base de truffe, mais la petite pépite noire, par sa spécificité gastronomique, continue à faire rêver et fait partie des produits les plus tendance du moment. “La truffe est beaucoup moins intimidante qu’avant, elle se démocratise au travers de ces nombreux produits qui l’intègrent en tant qu’ingrédient ou arôme. Résultat, la demande augmente et contrairement aux idées reçues, on vend désormais des produits à base de truffe toute l’année et plus seulement durant les fêtes”, confirme Florence Grimm, propriétaire de l’Épicerie Moderne à Toulouse (31).
Qu’est-ce qu’une truffe ?
Née de la symbiose d’un arbre “truffier” et d’un champignon, la truffe est un champignon rare qu’il est difficile, voire impossible de cultiver. Bannie durant tout le Moyen Âge (voir encadré), elle fit son entrée à la table des têtes couronnées sous François 1er pour ne plus jamais la quitter. Comptant aujourd’hui parmi les piliers de notre gastronomie, la truffe est particulièrement bien implantée sur le territoire français. On la retrouve aussi bien au Nord-Est qu’au Sud où elle est élevée au rang de spécialité.
S’il existe plus d’une centaine de truffes différentes à travers le monde, seules quelques variétés se démarquent par la richesse de leurs saveurs. On distingue notamment la truffe noire du Périgord (Tuber melanosporum) aux arômes de sous-bois, la très prisée truffe blanche d’Alba aux notes aillées, la truffe brumale (Tuber brumale) et son parfum musqué ou encore la truffe de Bourgogne (Tuber uncinatum) aux saveurs plus délicates. Certains fabricants de produits à base de truffe utilisent également la truffe d’été (Tuber aestivum). Moins puissante, cette variété reconnaissable à son goût boisé et de noisette offre malgré tout une belle longueur en bouche. Plus facile à trouver, moins onéreuse, elle permet par ailleurs de proposer des produits plus accessibles et qui ne manquent pas pour autant de saveur.
Bref, si la truffe est un pilier ancestral de la gastronomie française, certains fabricants n’hésitent pas à la revisiter au sein d’associations tout aussi simples qu’inattendues, notamment dans un nombre croissant d’assaisonnements et condiments.
Passe-moi la truffe…
Le sel à la truffe est ainsi bien représenté dans les rayons des épiceries fines. À condition de ne pas avoir la main trop lourde, son utilisation est facile et permet d’apporter une saveur inédite à de nombreux plats, entrées ou accompagnements. Plantin propose ainsi une belle gamme de sels du monde comprenant de 1,5 à 2 % de truffe d’été. “Sel bleu de Perse, sel rose de l’Himalaya ou encore sel du vigneron, ces produits emmènent le convive en voyage et ajoutent une pointe de raffinement sur les viandes, poissons, pâtes, sauces, grillades et autres salades gourmandes”, explique Caroline Choulet, responsable Marketing & Communication.
À ses côtés, les moutardes ne sont pas en reste et les références se multiplient sur le marché. La plupart se révèlent idéales pour optimiser une vinaigrette ou accompagner viandes et brochettes. Les plus qualitatives d’entre elles se prêtent volontiers à des applications culinaires. “Notre moutarde à la truffe du Périgord peut être allongée avec un vinaigre de qualité pour badigeonner un poulet fermier que l’on fera ensuite rôtir au four”, conseille par exemple Xavier Gandon, directeur général de L’Épicurien.
Pour aromatiser une salade ou un plat, les huiles à la truffe sont également légion sur le réseau de la distribution spécialisée et en GMS. Il faut toutefois savoir que l’essentiel de ces produits n’intègrent pas de truffe dans leur composition… La raison en est d’ailleurs très simple. L’arôme naturel de truffe ne survit pas aux traitements thermiques nécessaires à la fabrication de la plupart des huiles végétales. “Au-delà, il faut savoir également que la truffe est un champignon composé d’eau, il est donc impossible de faire de l’huile de truffe. On trouve certes dans le commerce des huiles intégrant des morceaux ou brisures, mais ce sont des truffes déshydratées qui ne donnent aucun goût. Bref, ces huiles sont aromatisées et doivent donc à ce titre être utilisées comme assaisonnement, avec les bons produits (poissons blancs, légumes…) et avec parcimonie”, explique Marie Pébeyre, responsable qualité de Pébeyre. Dans tous les cas, le pourcentage de truffe est renseigné sur l’étiquette* et constitue un premier critère d’achat. Toutefois, le secret d’un bon produit à la truffe réside avant tout dans l’équilibre de ses saveurs.
“Nous travaillons avec de la truffe tuber melanosporum et nous ajoutons un arôme naturel de truffe pour rehausser la saveur mais pas trop, le pourcentage de truffe noire doit prévaloir sur l’arôme naturel. Au final, la truffe doit laisser les autres ingrédients s’exprimer. Une huile ou un sel aromatisé devra donc avoir avant tout le goût d’huile ou de sel”, résume pour sa part Richard Alibert, président d’aix&terra, dont la manufacture provençale propose un sel de Camargue et une huile d’olive à la truffe noire.
La botte truffée
On l’aura compris, ses saveurs et ses arômes étant naturellement concentrés, la truffe est soigneusement dosée par les fabricants et les consommateurs sont appelés à faire de même afin de ne pas dénaturer la saveur des aliments et plats assaisonnés. C’est tout particulièrement le cas pour l’huile dont quelques gouttes suffisent dans un risotto, une pizza ou encore des pâtes. L’exemple de ces mets italiens est éloquent puisque, historiquement et culturellement, la truffe fait bon ménage avec la cuisine transalpine. Ainsi, la truffe blanche d’Alba (Tuber magnatum), originaire du Piémont, est aussi savoureuse que réputée. En fonction de la quantité et de la qualité des récoltes, son prix peut d’ailleurs certaines années, dépasser celui de la truffe noire du Périgord. La belle italienne se caractérise par sa fraîcheur et son parfum légèrement aillé qui permettent de sublimer pâtes et risotti mais également salades et fromages. Mieux, l’huile de truffe blanche que l’on trouve notamment chez Balme, libère un parfum détonnant avec une longueur en bouche que seuls les amateurs de Tuber magnatum savent apprécier. Attention toutefois, car sa saveur particulièrement dense, jugée plus prononcée que celle de la truffe noire, oblige à pratiquer un dosage au compte-gouttes.
Pour ne pas se tromper, la parade consiste à se procurer des produits contenant déjà de la truffe blanche… Cornand par exemple, propose un duo de tagliatelles truffe blanche, truffe noire. Deux plaisirs en un pour réconcilier définitivement cuisine italienne et cuisine française. Le marché offre aussi de nombreux autres produits à la truffe typiques de la cuisine de la botte. À noter par exemple, le pesto à la truffe signé Artisan de la Truffe, parfait notamment avec des spaghettis et quelques copeaux de parmesan. Le tour de la péninsule transalpine ne serait pas parfait sans évoquer la fameuse salsa tartufata ou sauce à la truffe originaire de Toscane, disponible notamment chez Evootrade. Associant la truffe à d’autres champignons, elle est idéale sur les spécialités italiennes mais peut également accompagner avec brio viandes et poissons de toutes nationalités culinaires.
Plus d’un tour dans son snack
Enfin, on trouve chez certains fabricants transalpins – La Boutique de la Truffe Italienne par exemple – des snacks typiques comme les gressins et les cacahuètes à la truffe contenant respectivement 2 et 1 % de Tuber aestivum. Mais ce type de produits a désormais dépassé les frontières italiennes. On les trouve ainsi partout en Europe et notamment en France où les consommateurs en sont particulièrement friands. Ils constituent effectivement un des segments les plus dynamiques du marché des produits à base de truffe. Rien d’étonnant à cela lorsqu’on sait que “c’est le segment le plus accessible, celui qui donne réellement au grand public la possibilité – sans se ruiner – de découvrir la saveur de la truffe”, explique ainsi Alain Léon, Pdg de Savor & Sens. Et de préciser : “Graines et noix se marient par ailleurs très bien avec la truffe. Le gras de la noix de cajou par exemple, va venir appuyer la densité gustative de la truffe brumale.”
Les chips sont également un des best-sellers du moment, sur le réseau des épiceries et jusqu’en GMS où on trouve, notamment au moment des fêtes, quelques références comme les chips Tyrrells au sel de mer et à la truffe noire. En produit d’épicerie, la chips à la truffe noire de l’espagnol Torres – distribuée par Evootrade – reste et demeure toutefois la chips à la truffe la plus vendue en France. “Il s’agit d’une marque clairement établie dans le secteur ; la chips San Nicasio, bien que plus qualitative et moins chère au kilo, se vend de façon plus confidentielle”, confirme Christophe Ducasse, responsable commercial d’Evootrade.
Chips à la truffe noire (Torres – distribution. Evootrade) Crème d’artichauts
à la truffe du Périgord (L’Épicurien)
Enfin, dernier segment d’offre très tendance sur l’univers du snacking : les tartinables de légumes à la truffe. La plupart des légumes – à quelques exceptions près comme le poivron – peuvent être associés facilement au petit champignon noir. Résultat, l’offre se diversifie à vitesse grand V, à l’exemple de Plantin qui lance ainsi cette année deux nouveautés à la truffe d’été : délice de carottes/tomates et délice d’olives. Proposés en version mono-produit ou associant plusieurs légumes entre eux, les tartinables jouent également la carte des associations avec les légumineuses – houmous à la truffe de Maison Baumont – ou encore les courges avec une crème de potimarron à la truffe noire signé L’Épicurien.
Tarama aux truffes (Maison Barthouil) Soupes de légumes à la truffe d’été (Plantin)
À vos marques… Prêts ? Dégustez !
Des tartinables aux terrines, il n’y a qu’un pas qu’un certain nombre de fabricants ont franchi depuis longtemps… D’autant qu’une partie du marché des terrines – celle des foies gras par exemple – constitue ni plus ni moins le segment fondateur et historique du marché des produits truffés et à base de truffe.
La plupart des acteurs implantés sur ce dernier le sont depuis des siècles. Disposant fort logiquement d’un savoir-faire conséquent, ils sourcent les plus belles matières premières et sont généralement généreux sur les quantités utilisées. Pour son foie gras de canard entier mi-cuit truffé à 10 %, Maison Barthouil, fabricant depuis 1929, sélectionne par exemple les meilleures truffes noires récoltées en hiver dans la Drôme.
“Nous utilisons uniquement des lamelles de truffe de première cuisson, prélevées dans le cœur du champignon”, précise ainsi Pauline Barthouil, responsable du développement de la marque. De son côté, Comtesse du Barry utilise 7 % de truffe noire pour son foie gras issu de canards fermiers du Sud-Ouest, engraissés au maïs jaune grain entier et élevés en plein air, conformément au cahier des charges Label Rouge.
Un peu d’histoire…
Au Moyen Âge, la truffe avait mauvaise presse : sa couleur noire et ses vertus aphrodisiaques en faisaient un produit décrié par les dignitaires ecclésiastiques. Ce fut-là, la période sombre de la truffe pendant laquelle elle était mise de côté. Ce n’est que plus tard que la truffe est mise au goût du jour et qu’on la trouve à la table de toutes les maisons royales d’Europe. Au 19e siècle, l’abondance du noble champignon est telle que les paysans du Périgord le consomment comme un légume…
Si historiquement le foie gras truffé a lancé le marché des produits truffés au siècle dernier, l’eau a depuis coulé sous les ponts… On voit en effet apparaître depuis quelques années de nouveaux produits gourmands “prêts à cuisiner” pour lesquels quelques minutes suffisent. On trouve ainsi par exemple, des préparations permettant de réaliser en un tour de main, de délicieux œufs brouillés aux truffes. Si les acteurs présents sur ce segment sont encore peu nombreux, certains multiplient les nouvelles références sur le prêt à cuisiner. C’est le cas de Plantin qui entend développer ce type de produits ces prochains mois, et mise tout particulièrement sur le réseau des épiceries fines pour leur distribution. “Nous proposons de nouvelles recettes faciles à réaliser comme le petit épeautre du mont Ventoux aux cèpes et à la truffe d’été, mais également des produits prêts à déguster et notamment toute une gamme de soupes de légumes à la truffe d’été : châtaignes, butternut et châtaignes ou encore panais et topinambour”, confirme Caroline Choulet.
Au final, forts de leurs atouts gourmands mais également de leur praticité et de leur accessibilité, les produits à base de truffe collent aux principales attentes du consommateur actuel cherchant à concilier plaisir, faible temps de présence en cuisine et petits prix. Mieux, la montée en gamme caractérisant l’offre du moment, explique que la petite pépite noire ne devrait pas avoir de mal à conforter sa place en épiceries fines ces prochains mois.
3 questions à Florence Grimm, propriétaire de L’Épicerie Moderne
à Toulouse (31)
Quelle est votre offre sur les produits truffés et à base de truffe ?
Depuis l’ouverture de mon épicerie il y a douze ans, j’ai recentré mon offre autour des attentes de la clientèle. En effet, les produits à base de truffe sont devenus tendance. La truffe elle-même est mieux connue et le consommateur est devenu plus expert et donc plus exigeant. Ma gamme part donc des produits les plus faciles à utiliser – l’huile et la moutarde par exemple – jusqu’aux produits un peu plus pointus comme le sel et les brisures de truffe. Sans oublier bien sûr les pâtes et surtout les chips à la truffe dont tout le monde raffole.
Comment valorisez-vous ces produits en magasin ?
J’ai un petit meuble corner regroupant tout ce qui est assaisonnement et condiment à la truffe (huiles, sels, moutardes…). Sinon, les autres produits sont répartis aux quatre coins du magasin.
Jusqu’où faut-il accompagner le client sur l’achat de ce type de produits ?
En général, le consommateur qui achète ce type de produits sait ce qu’il veut. Il est par ailleurs plutôt connaisseur. Il faut donc proposer juste ce qu’il faut en termes d’informations et de conseils, d’autant que le client amateur de truffe est en général bon cuisinier… Il ne faut donc pas hésiter à proposer du conseil – sur le dosage par exemple pour les huiles ou le sel -, suggérer des idées, mais en veillant à bien rester à sa place.
Laurent Feneau
*Depuis 2012, la loi exige que tout produit portant la mention “truffé” contienne un minimum de 3 % de truffe. Ce seuil descend à 1 % quand il s’agit d’un produit étiqueté “à la truffe”.