EAUX_DE_VIE_MONDEEPICERIEFINE

Les eaux-de-vie de fruits font leur retour !

Premières victimes du formidable engouement qui profita aux whiskies et vodkas entre 2000 à 2010, les eaux-de-vie de fruits n’intéressaient plus grand monde. Mais ça n’est plus vrai : ce qui pouvait être pris pour un frémissement il y a deux ans est désormais une tendance : les eaux-de-vie de fruits confirment leur retour.

Vous l’avez sans doute constaté par vous-même, les amateurs d’alcools forts s’intéressent de nouveaux aux eaux-de-vie de fruits. Poire williams, kirsch, framboise et mirabelle font partie de ce quart de tête qui suscite une nouvelle attirance. Il y a plusieurs explications à ce regain et Bernard Baud, président de la Distillerie Massenez, a pu en vérifier tout particulièrement une par lui-même.

“Pour compenser la perte de parts de marché des eaux-de-vie en France dit-il, nous nous sommes intéressés à l’export. En Allemagne, en Angleterre mais aussi aux États-Unis et même en Asie. Et nous avons là-bas, rencontré une jeune population qui découvrait les eaux-de-vie de fruits sans aucun a priori.”

Autrement dit, ces alcools n’étaient pas associés à l’image de clients vieillissants ni même à des fins de repas qui s’achèvent dans la nasse. Massenez comme d’autres ont pu réinventer une histoire, notamment dans l’univers du cocktail, remettre au goût du jour par exemple le cocktail Rose qui était incontournable dans les années 1930 à Paris : dans un verre à mélange rempli de gros glaçons, 2 parts de vermouth sec, 1 part de kirsch d’Alsace et 1 cuillère à mélange de sirop de framboise, de groseille ou de grenadine. Il n’en a pas fallu moins pour lancer à l’étranger le kirsch, eau-de-vie de référence en cuisine, incontournable en épicerie fine.

Des alcools locaux

L’autre événement qui a fait bouger les lignes, c’est le confinement et l’irrépressible besoin de sens de la part de consommateurs en mal de repères. Les eaux-de-vie de fruits répondent à ce critère.
Pour Arnaud Meyer de la Distillerie F. Meyer  en Alsace, c’est même le premier argument qui plaide en leur faveur :

“Depuis toujours, ce sont des produits réalisés en circuits courts. Mon grand-père allait chercher les fruits chez les paysans du village d’à côté se souvient-il, et nos méthodes n’ont pas changé depuis 70 ans. C’est toujours le même savoir-faire, les mêmes process et vous n’avez jamais eu de scandale autour de l’eau-de-vie de fruits.”

En effet. Et ce sont des produits vivants. Avec une superbe matière première, deux distillateurs n’obtiennent pas le même résultat. Fermentation ou macération, distillation dans les alambics, les leviers qui permettent d’influer sur la qualité du produit final sont particulièrement sensibles et le savoir-faire des hommes compte beaucoup. Vendeur chez Malleval – institution lyonnaise en matière d’épicerie fine et de cave – Bertrand Rajot confirme cet engouement pour le consommer local.

“Dans notre sélection, nous privilégions les producteurs locaux, ce qui revient ici à référencer en premier lieu de l’eau-de-vie de poire qui est l’incontournable. Avec un ou deux distillateurs qui sont présents chez tous les grands chefs, de Lyon à Genève, et qui font partie de nos fournisseurs les plus anciens avec une qualité constante et irréprochable. On trouve aussi dans le même registre, une vieille prune passée en fût de chêne.”

Le caractère régional de la consommation est confirmé par Arnaud Meyer : poire et prune en Auvergne-Rhône-Alpes, mirabelle, cerise et framboise au nord-est de la France et prune pour l’ouest. Presque partout, il est possible de se fournir localement.

Qui les achète et pourquoi ?

Une fois le dialogue engagé, que dire au client qui dans sa grande majorité, sera un homme entre 40 et 70 ans. La première chose à faire, c’est de l’interroger sur ses goûts.

“Soit il cherche une eau-de-vie qui n’est pas trop forte en alcool, et là on peut l’orienter vers des eaux-de-vie à 40° qui seront gourmandes, rondes et souples. Les eaux-de-vie à 50° d’alcool sont plus précises, plus puissantes et un peu plus sèches.”

Chez Malleval, Bertrand Rajot s’efforce d’avoir les deux styles d’eaux-de-vie pour répondre aux clients. “Il y a aussi l’aspect aromatique et le goût.”

Dans ce registre, c’est la poire qui se prête le mieux à la distillation et donne le sentiment d’avoir le fruit en bouche. Cette fidélité gustative explique son succès : c’est souvent par elle que l’on vient à l’eau-de-vie et c’est la plus consensuelle. 

“Ensuite, le kirsch est l’eau-de-vie la plus connue parce qu’elle a beaucoup flirté avec la gastronomie. Sucrées ou salées, il y a énormément de recettes qui utilisent du kirsch. C’est un peu le couteau suisse des eaux-de-vie de fruits : on peut la déguster pure mais l’utiliser aussi pour flamber un foie gras, parfumer une fondue ou réaliser une forêt-noire. Il y a des vrais usages et on est bien dans l’univers de l’épicerie fine. Et puis la framboise, c’est l’eau-de-vie par excellence. On sait très bien que c’est l’eau-de-vie préférée des femmes.”

L’autre question à poser à vos clients, c’est celle de la destination. Une fois sur deux c’est pour offrir ; Chez Malleval, ce pourcentage monte à 80 % !

Au regard de l’exceptionnelle longévité des eaux-de-vie qui dans des conditions de conservation normales ne vont quasiment pas s’altérer, vous pouvez jouer la carte de l’investissement et orienter l’acheteur sur des produits d’exception.

S’il s’agit d’un achat personnel et en dehors du plaisir de la dégustation en fin de repas – à la façon d’un cognac – vous pouvez aborder la thématique des associations avec du solide – facile avec le fromage, du foie gras, possible avec le chocolat – et plus logiquement et efficacement (ça peut créer l’envie d’y revenir) avec d’autres liquides dans le cadre d’un cocktail.
En tant qu’épicier fin, vous vous devez d’avoir sous la main de quoi réaliser la vente d’au moins un cocktail complet : eau-de-vie, tous les autres ingrédients et fiche technique.
Enfin, si vous le pouvez, faites goûter : plus que jamais c’est essentiel.

Où ranger les eaux-de-vie ?

Avec les autres alcools, tout près des cognacs et les armagnacs. Plutôt à l’abri d’une source de chaleur que de la lumière : une fois en bouteille, les eaux-de-vie n’évoluent plus, donc peu de problème d’altération.

 
Et c’est un argument de vente à répéter : une fois ouverte, une eau-de-vie peut se conserver… à vie !

Bruno Lecoq

Partager sur :

Facebook
Twitter
LinkedIn

« * » indique les champs nécessaires

Ce champ n’est utilisé qu’à des fins de validation et devrait rester inchangé.